Intervention de Éric Belfayol

Réunion du mardi 11 février 2020 à 18h45
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Éric Belfayol, délégué national de la DNLF :

La fraude est plus importante dans certaines zones, notamment en matière de fraude documentaire, mais cette géographie de la fraude existe aussi au sein de l'Europe. La fraude en bande organisée est un vecteur. Le fait de la repérer comme telle permet de mettre en œuvre des moyens d'enquête dédiés, dans les offices centraux, qui sont particulièrement compétents et disposent d'une compétence nationale. Cela permet aussi de démembrer des réseaux sur l'ensemble du territoire, notamment lorsque des ramifications concernent plusieurs départements.

Par exemple, la fraude en bande organisée liée au statut d'autoentrepreneur permet d'avoir un droit de séjour au-delà de trois mois sur le territoire national et d'obtenir le RSA, lorsque les revenus de l'autoentrepreneur ne sont pas suffisants, ou des indemnités journalières maladie. Éventuellement, des fausses maternités peuvent être déclarées. Ces réseaux sont repérés grâce à l'action des CODAF ; la plupart du temps, il s'agit de réseaux organisés, sur lesquels les praticiens vont pouvoir travailler, justement au sein des CODAF. Cela demande d'assurer des articulations très fines entre des services qui se connaissent assez peu. On retrouve cet exemple dans un certain nombre de zones, notamment dans le Valenciennois et sur Nancy, mais aussi à Bordeaux. Parfois, cette fraude est adossée aussi à des habitants des cités très bien installés, qui proposent des logements indignes et font de la fraude aux aides personnalisées au logement (APL). Un appartement ou un immeuble est divisé en dix-huit, puis l'on donne des adresses à ceux qui en ont besoin. Les fraudeurs perçoivent les APL par tiers payant.

Pour lutter contre le phénomène de logement indigne, notamment, et plus largement contre la fraude à l'ensemble des branches des organismes de sécurité sociale, les CODAF sont le seul lieu où les différents services se parlent, échangent et sont capables, sous l'égide du procureur de la République et parfois du préfet, de travailler en commun, pour trouver les articulations fines permettant de démanteler les réseaux. C'est aussi vrai au niveau national.

J'ai été inspecteur des douanes avant d'être magistrat, et en tant que magistrat j'ai servi dans des petits parquets. Quand vous travaillez dans un petit parquet, vous suivez parfois des fraudes complexes sur plusieurs territoires. Le problème est que le siège social n'est parfois pas dans votre ressort, ou la personne ne réside pas sur votre territoire. Il est nécessaire de remonter ces informations au niveau national pour que, comme cela se fait d'ailleurs aujourd'hui en matière de travail illégal ou de TVA, les services puissent partager ces informations, les redéployer, puis mettre les moyens adéquats pour mieux lutter contre ces fraudes en bande organisée.

Ces fraudes en bande organisée coûtent-elles cher ? Oui, puisque par définition, elles sont en réseau et concernent donc une population assez large. En plus, elles sont assez agiles et mobiles. Elles coûtent très cher aux finances publiques. C'est dans le cadre des CODAF et au niveau national que l'on peut réaliser des enquêtes permettant d'éviter ces fraudes par des sanctions pénales adéquates, impliquant de la prison ferme, ou des confiscations quand on peut faire des saisies en amont.

Nous parlions des fraudes aux prestations sociales qui peuvent parfois résulter de ces manquements et qui sont liés aux faux NIR. Je suis le premier à dire qu'elle existe : je ne peux pas vous donner de chiffre, mais elle existe. Ce que je sais en revanche, en tant que praticien, c'est que les fraudes liées à des surprescripteurs de santé, des transporteurs sanitaires et en matière de logement indigne, se chiffrent toujours à plus d'un million d'euros. Dans la perspective du recouvrement, ces fraudeurs sont généralement des gens relativement bien installés. Des saisies pénales peuvent être réalisées, des confiscations pénales aussi. Dans ces cas-là, le préjudice fait à la société peut être très fortement corrigé.

Si vous me demandiez l'ordre dans lequel je classerais les différentes fraudes, je citerais les fraudes aux prestations sociales faites par des cols blancs, par des gens très installés, qui s'avèrent très préjudiciables – les chiffres des condamnations sont assez éloquents. Je mettrais ensuite les fraudes en bande organisée, quelle que soit leur origine d'ailleurs. Ensuite vient la fraude individuelle, qui est faite par les uns ou par les autres. C'est d'ailleurs une manière d'approcher une typologie de la fraude un peu différente de celle que l'on pose habituellement, de manière assez statique.

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