Effectivement, je suis à la tête de Tracfin depuis le mois de juillet dernier. Tracfin est à la fois la cellule de renseignement financier française au sens des standards du groupe d'action financière (GAFI) et un service de renseignement du premier cercle, qui est indépendant et autonome.
Tracfin ne travaille pas sur la base de ses initiatives, mais uniquement quand nous avons reçu de l'extérieur une information qui nous laisse supposer un soupçon, et donc nous permet d'ouvrir une enquête.
Nous avons trois sources d'information. Principalement, et de très loin, ce sont les déclarations de soupçon que nous font nos assujettis (banques, compagnies d'assurances, notaires, avocats, greffiers de tribunaux de commerce…). Une autre source d'information, beaucoup plus restreinte en nombre, vient des informations de soupçon qui peuvent nous être transmises par toute entité en charge d'une mission de service public. Troisièmement, des informations nous sont transmises par nos homologues étrangers, donc par les autres cellules de renseignement financier étrangères. Tracfin ne peut commencer à travailler sur un thème que si nous avons reçu une de ces trois catégories d'information.
Une fois que nous ouvrons une enquête, sur la base d'une déclaration de soupçon, d'une information de soupçon ou d'une information entrante, nous réalisons un certain nombre de diligences depuis le bureau, car les enquêteurs de Tracfin ne se déplacent pas sur le terrain. Nous n'avons pas de pouvoir d'audition et ne disposons d'aucun pouvoir de coercition. Nous travaillons sur la base des informations qui nous sont données, sur des droits de communication complémentaires auprès de nos assujettis et sur la base de fichiers en sources ouvertes ou de fichiers d'autres administrations, notamment de l'administration fiscale, auxquels nous pouvons avoir accès.
C'est sur la base de l'ensemble de ces informations que Tracfin rédige des notes de transmission, qui soit sont transmises à l'autorité judiciaire, soit font l'objet d'une transmission administrative, principalement à la DGFiP ou à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), ou d'une transmission en renseignement.
Tracfin constitue vraiment un maillon de la chaîne de la lutte contre la fraude, puisque in fine, nous allons transmettre des informations à l'autorité judiciaire ou aux administrations sociales qui, ensuite, peuvent mettre en place des contrôles ou des sanctions.
Tracfin est compétent dans le domaine de la fraude sociale depuis 2012. C'est la dernière grande compétence qui lui a été attribuée, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Dans le prolongement de cette nouvelle mission et sous l'égide, à l'époque, de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), Tracfin a signé un protocole le 1er mars 2012 avec la quasi-totalité des organismes de protection sociale : l'ACOSS, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), Pôle emploi et à l'époque, le régime social des indépendants (RSI). C'est sous l'égide de ce protocole que nous travaillons dans le cadre de la lutte contre la fraude.
Nous avons trois grandes catégories d'intervention, dont la fraude aux cotisations sociales et la fraude aux prestations sociales. La fraude aux cotisations sociales se fait essentiellement via la détection de phénomènes de travail dissimulé. La fraude aux prestations sociales est essentiellement le fait des gens qui ne sont pas éligibles aux prestations qu'ils reçoivent ou qui perçoivent d'autres revenus qui, étant dissimulés, ne les rendent plus éligibles. Nous avons également une activité, beaucoup plus restreinte, sur certaines professions médicales qui peuvent mettre en place des facturations fictives.