Intervention de Renaud Villard

Réunion du mardi 2 juin 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse :

Je vous remercie de cette précision, mais je préfère être clair : je ne me permettrais pas d'être désobligeant vis-à-vis de la représentation nationale.

Vous m'avez interrogé sur le courrier que vous m'avez envoyé il y a un an. Je crois y avoir répondu dans un délai raisonnable. Je mets un point d'honneur à répondre à l'ensemble des courriers des parlementaires – j'en reçois beaucoup – dans des délais les plus raisonnables possible.

Vous évoquez des retraités fantômes et, effectivement, j'ai lu des propos sur ce thème, notamment qu'il y aurait 3 millions de retraités centenaires au régime général ; or, ils sont 14 859, dont 3 211 NIR 99 et environ 1 500 qui vivent à l'étranger. Parmi ces centenaires, notamment les 1 500 qui vivent à l'étranger, certains sont-ils morts ? Sans doute. Et c'est bien la tâche de la politique de la lutte contre la fraude de les identifier.

Nous suivons les atypies que vous évoquez sur les centenaires et leur ventilation. Il y a une atypie forte sur les centenaires actuels nés en Europe par rapport à ceux nés hors du continent : ils sont nés pendant ou après le conflit de la Première Guerre mondiale, période durant laquelle les pays européens ont connu un déficit de naissance. Cela donne lieu, évidemment, à correction et analyse statistique.

Je vous remercie, enfin, de souligner la diligence des caisses de retraite dans l'authentification de l'état civil français. Nous recevons effectivement les notifications de décès chaque nuit et procédons à la suspension des versements le lendemain : il s'agit en effet de ne pas créer d'indus.

Les indus liés aux décès frauduleux sont rarissimes – peut-être trois par an. Ces fraudes sont commises, il est vrai, plus facilement lorsque le prestataire vivait à l'étranger car il y est plus facile de cacher un décès. La famille a pu dissimuler sciemment le décès, pendant longtemps. Dans ces cas-là, nous appliquons la même procédure – avec notre opérateur bancaire –, avec la même rigueur en termes d'obligation de résultat.

Si le montant de la fraude est extrêmement important, parce que, par exemple, le décès aura été caché pendant cinq ans, il est vrai que l'impossibilité juridique d'agir à l'étranger peut être bloquante.

Madame Grandjean, nous essayons d'appliquer le plus possible de nouvelles techniques dans le but de vérifier les certificats de vie des prestataires résidant à l'étranger, d'autant que nous bénéficions dorénavant d'un processus de gestion mutualisée : les décédés de la CNAV sont les mêmes que ceux de l'AGIRC-ARRCO, tout comme les personnes en vie, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Nous traitons également des échantillons en fonction de la maîtrise des risques, liée notamment à l'âge de l'assuré et à son pays de résidence, c'est vrai. Parce que dans certains pays, l'état civil est plus ou moins fiable et que nous sommes obligés d'en tenir compte dans notre approche de maîtrise des risques.

Outre l'expérimentation qui est en cours avec la Bred, nous expérimentons également la possibilité de faire appel à du personnel sur place. Nous l'avons déjà fait, mais pas dans le cadre que vous évoquez, madame la députée, qui concernait, me semble-t-il, l'AGIRC-ARRCO. La société privée dont vous parlez nous avait également présenté son offre, que nous avons jugée relativement coûteuse pour un rendement incertain.

En revanche, il y a environ quatre ans, nous avons envoyé un agent assermenté de la sécurité sociale dans un pays proche de la France. Il s'est rendu au consulat et a convoqué les retraités « à risque », c'est-à-dire identifiés après une requête comme potentiellement fraudogènes. Quelques fraudes ont été détectées, mais très peu. L'expérience a été positive.

J'avais donc proposé, à l'époque, que nous puissions mettre à disposition des consulats des personnels de la branche retraite, payés par nous et sous notre propre plafond d'emploi, évidemment. Il n'était en effet pas question de faire usage du réseau consulaire, qui a l'obligation de rendre compte de ses emplois, mais plutôt que le consulat accueille des personnes recrutées localement, chargées de vérifier, d'après les listes que nous leur enverrions, l'existence de tel ou tel prestataire dont le profil est « risqué ». Je suis persuadé que le système en serait amélioré. Malheureusement, cette idée n'a pas prospéré. Je profite de cette audition pour appeler l'attention de la représentation nationale sur cette question, l'expérimentation ayant été très intéressante.

Vous souhaitez que je vous transmette une ventilation des bénéficiaires d'une prestation retraite à l'étranger par âge et par pays de résidence. Cela sera fait.

Enfin, madame Grandjean, je me permets de revenir sur cette question de sémantique car vous avez indiqué qu'un NIR actif était une personne qui touchait une prestation. Non, un NIR actif est un prestataire dont les droits sont ouverts, mais qui ne touche pas nécessaire une prestation. C'est bien tout le débat autour de la réponse publiée au JO le 7 novembre 2019. Les équipes du ministère n'avaient pas compris ce qu'est un NIR actif et ne répondent donc pas à la question posée. Encore une fois, la notion de NIR actif n'existe pas, du point de vue des organismes de sécurité sociale. En revanche, sur le nombre de personnes qui touchent de l'argent de la sécurité sociale, les résultats seraient, je pense, différents. À supposer que le RNCPS, qui n'est pas fait pour cela, puisse faire cette requête – ce que je ne saurais pas vous dire exactement sans consulter les équipes.

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