Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Réunion du mardi 2 juin 2020 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES

Mardi 2 juin 2020

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Présidence de M. Patrick Hetzel. Président

La commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales procède à l'audition, en visioconférence, de M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), de M. Patrice Costes, directeur juridique et règlementation nationale, de M. Frédéric Fraudeau, directeur des assurés de l'étranger, et de Mme Véronique Puche, directrice des systèmes d'information.

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Nous entendons cet après-midi M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Vous nous avez adressé, en amont de l'audition, un document complet et approfondi comportant des éléments chiffrés sur les fraudes aux prestations retraite qui seront fort utiles pour nos débats, et je vous en remercie. L'ensemble des membres de la commission d'enquête en ont été destinataires.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons souhaité entendre les responsables des organismes de protection sociale. Parmi ces organismes, vous êtes le premier à venir vous exprimer devant la commission d'enquête. Nous avons auditionné, la semaine dernière, M. Jean-Pierre Viola, président de section au sein de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a précisément travaillé sur plusieurs rapports relatifs à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales dans les trois branches. Lors de cette audition, il a souligné que le sujet de la lutte contre la fraude n'était pas suffisamment pris en compte par les principales caisses, d'autant que les enjeux financiers afférents ne font pas l'objet d'une évaluation, sauf dans la branche famille.

Toutefois, comme les éléments que vous avez transmis le montrent, de nouveaux outils ont été mis en place récemment et des coopérations se développent.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Renaud Villard prête serment.)

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

C'est un honneur pour moi d'être le premier directeur général de Caisse nationale entendu sur cet enjeu majeur. Le questionnaire que vous m'avez envoyé est extrêmement riche, je me permettrai donc de vous présenter un propos liminaire relativement court, les éléments de réponse ayant été développés dans le document que je vous ai retourné.

S'agissant de la lutte contre la fraude dans la branche retraite, le premier constat est un satisfecit, puisque la performance en termes de fraudes détectées est en hausse rapide : 11 millions d'euros de fraudes détectées en 2014, 23 millions en 2019, soit deux fois plus. En volume de fraudes évitées, nous passons de 81 millions à 167 millions annuels. Ces résultats ont demandé une mobilisation de l'ensemble du réseau de la branche retraite, alors même que les moyens humains ont progressé de manière modeste.

Ce succès résulte également du recours croissant à des croisements de données qui permettent des contrôles beaucoup plus efficaces, car plus ciblés. Plus les contrôles sont ciblés en fonction de risques croisés sur des comportements potentiellement frauduleux, plus les équipes de lutte contre la fraude sont performantes. Au sein de la branche retraite, la lutte contre la fraude s'affirme grâce à une performance croissante liée aux croisements de données et à la possibilité d'attaquer des référentiels de plus en plus nombreux. Cela permet de croiser non seulement avec des partenaires mais également au sein de nos propres données afin de repérer des atypies. Plus il est possible de croiser des données « client » – adresse, numéro de téléphone – avec des données sur les prestations, plus il est facile d'identifier les comportements potentiellement à risque.

Le périmètre de la lutte contre la fraude est un point sur lequel nous avons, non pas un désaccord, mais une interprétation plus nuancée que la Cour des comptes. Les effectifs dédiés à cette lutte sont effectivement limités ; toutefois, une bonne partie des investigations ne repose pas sur des équipes spécialisées.

À titre d'exemple, nous versons des prestations à des retraités vivant à l'étranger. Il nous appartient ainsi de vérifier que les gens sont vivants : or, cette opération massive de vérification régulière des certificats d'existence n'est pas réalisée par des agents de lutte contre la fraude. Ces derniers ne sont saisis que si le certificat est non conforme – la prestation est alors suspendue. Le dossier est uniquement transféré aux agents de lutte contre la fraude s'il apparaît qu'il est non conforme et qu'il y a un risque d'escroquerie ou de bande organisée. La cinquantaine d'agents assermentés et la petite centaine d'agents dévolus à la lutte contre la fraude s'appuient en réalité sur un écosystème de contrôles beaucoup plus large. C'est la raison pour laquelle les chiffres doivent être nuancés : les contrôles en amont réduisent déjà sensiblement le périmètre possible de la fraude.

Le deuxième point qui peut être nuancé par rapport aux conclusions de la Cour des comptes est que le périmètre de lutte contre la fraude dans la branche retraite est, en théorie, celui de l'ensemble des prestations versées par la CNAV, soit quelque 140 milliards d'euros. Or, en réalité, 90 % des fraudes portent sur les ressources, la résidence et ce qu'on appelle les paiements – pour l'essentiel, quand, à l'occasion d'une fraude au décès, une personne reçoit les prestations d'une personne décédée. Le risque de fraude se concentre donc non pas sur 140 milliards d'euros mais sur une petite dizaine de milliards. Le ratio entre fraudes détectées et arrêtées et l'assiette de la lutte contre la fraude doit être mesuré à cet égard.

La Cour des comptes regrette que la branche retraite ne mette pas tout en place pour recouvrer tous les indus, en l'absence notamment d'un indicateur de pilotage opposable par la tutelle. En réalité, s'il ne s'agit pas d'un indicateur opposable à la CNAV, c'est parce qu'il n'est pas redoutable pour la branche retraite, qui bénéficie du temps long pour recouvrer les indus.

En effet, comme nous versons des prestations viagères, nous pouvons étaler le remboursement sur 50 ou 100 mensualités. Je vous l'ai indiqué dans le document envoyé : le recouvrement des indus de la part d'une personne vivante est de 74 % ; il est de 85 % pour les personnes décédées. Certes, nous pouvons toujours faire mieux, mais, même avec une obligation de résultat, nous ne pourrons que difficilement aller au-delà de ce taux. Il ne s'agit donc pas d'une fin de non-recevoir opposée à la Cour.

Monsieur le président, vous avez souligné que l'évaluation globale du risque de fraude était relativement fragile comparativement, par exemple, à la branche famille. Nous avons procédé à deux évaluations successives en 2010 et en 2011, avec un échantillon particulièrement significatif de 12 000 dossiers pour l'année 2011 – ce qui représente une mobilisation de ressources extrêmement conséquente. Le taux de fraude apparu sur cet échantillon se situait autour de 0,2 %, ce qui, en prenant une fourchette large, représente une fraude entre 0 % et 0,03 %. Les chiffres de 2010 et de 2011 étaient cohérents sur ce point. Or, nous avons dû mobiliser beaucoup de ressources pour faire cette évaluation, ce qui, au regard de la faiblesse du taux, ne me paraît pas pertinent du point de vue des dépenses publiques. D'autant que ce chiffre ne veut rien dire : il n'est pas significatif d'extrapoler à partir d'un taux de fraude aussi faible. Nous avions essayé à l'époque, et aboutissions à un maximum autour de 30 millions, ce qui représente entre 40 et 50 millions d'euros aujourd'hui. Je ne pense pas qu'une telle estimation puisse guider une politique publique ou un opérateur. À l'inverse, nous pourrions considérer que détecter 14 millions d'euros de fraude sur un total estimé entre 40 et 50 millions est une performance honorable.

Cependant, je ne dis pas que nous devons nous satisfaire de ce taux. Le risque de fraude, par construction, est profondément glissant. Les nouveaux outils, les nouvelles technologies, les néobanques nous exposent à de nouveaux risques de fraude.

La vraie stratégie de lutte contre la fraude doit donc être adaptable. Je vous ai livré un certain nombre d'exemples dans le document que je vous ai envoyé. L'actualité souligne cette nécessaire adaptation aux nouvelles technologies, cette captation des signaux faibles. Mais nous inscrire dans une évaluation lourde et répétée ne me semble pas la bonne stratégie. Nous l'avions fait en 2010 et en 2011, nous pourrions le faire de nouveau, mais cela mobilise beaucoup d'énergie et représente un coût que je pourrai vous faire parvenir.

Vous soulignez également le montant des pénalités administratives, prononcées librement par le directeur après une étape juridictionnelle pour sanctionner les cas de fraude. Nous pénalisons, grosso modo, trois quarts des fraudeurs avec une gamme de sanctions qui permet d'utiliser une palette monétaire relativement importante. Certes, vous pouvez juger ce chiffre trop faible et suggérer que 90 % des fraudeurs soient pénalisés, ce qui équivaudrait à n'écarter que les cas pour lesquels, de façon certaine, nous serions incapables de recouvrer la pénalité. Mais nous sommes passés, en quelques années, de 50 % à 75 %, et je souhaite que nous continuions cette progression.

Concernant le contrôle de l'existence des retraités installés à l'étranger, nous avons développé deux mécanismes.

Le premier, le plus sécurisé, que malheureusement nous n'avons développé qu'avec certains partenaires européens – dont l'Allemagne – est un mécanisme d'échanges de données d'état civil, au même titre que nous sommes abonnés aux données d'état civil de l'INSEE. L'objectif est d'étendre la démarche auprès d'autres pays, notamment ceux dont l'état civil est suffisamment robuste. La progression est encourageante dans les pays européens, mais plutôt modeste dans les pays non européens. Pour instaurer ce mécanisme au-delà des frontières européennes, la CNAV, seule, a sollicité et obtenu un financement et un appui d'ingénierie de la Commission européenne. Cette mission d'appui est en cours, même si elle a été ralentie par la crise sanitaire.

Le second mécanisme que nous activons, quand nous ne pouvons disposer de données d'état civil, sont les certificats d'existence qui doivent nous être envoyés annuellement. Depuis le mois de novembre 2019, les certificats sont envoyés, non plus par régime de retraite, mais pour l'ensemble des régimes. Leur validité est vérifiée, non seulement par l'ordinateur, mais également par des agents, sur un échantillon pris au hasard ainsi que sur un échantillon sélectionné au regard des enjeux de fraude.

Nous essayons sans cesse d'améliorer le modèle, car il s'agit d'une fragilité consubstantielle de la branche retraite. Si la non-réponse au certificat d'existence nous conduit à suspendre la prestation, elle continue parfois d'être versée durant quelques mois, parce que le certificat de décès n'est pas envoyé dès la disparition du prestataire. Comme je vous l'ai indiqué, les indus liés aux décès sont recouvrés à 85 %, ce qui veut dire que nous ne recouvrons pas 15 % des sommes. C'est un enjeu financier sur lequel nous tentons de nous améliorer : nous expérimentons ainsi des dispositifs, notamment par des contrôles opérés par le réseau bancaire, avec notre opérateur de paiement à l'étranger.

Vous m'avez également interrogé sur les audits de fiabilité menés sur le service administratif national d'immatriculation des assurés (SANDIA), qui est chargé de l'immatriculation à la Sécurité sociale des assurés qui ne sont pas nés en France. Le dernier audit, le plus complet car il portait sur le stock et non sur le flux, a été mené sur un échantillon représentatif du stock du SANDIA à la demande du Sénat en 2019. Les contrôleurs ont traité 1 575 dossiers, parmi lesquels 1 127 correspondaient à des assurés ayant perçu des prestations sur les douze mois glissants précédant l'enquête.

Seules 47 anomalies critiques ont été identifiées, concernant des assurés qui n'auraient pas dû percevoir de prestations. La totalité de ces dossiers a été réexaminée et les assurés interrogés. Trente-quatre se sont présentés et ont fourni des certificats d'état civil recevables. Treize ont reçu par le SANDIA, à tort, un numéro de sécurité sociale : sept cas étaient liés à des non-réponses et six concernaient des assurés qui n'étaient pas ceux prétendus, dont deux ont été convaincus de fraude à l'identité.

Je rappelle enfin que l'attribution d'une immatriculation au SANDIA n'ouvre pas un droit automatique au versement d'une prestation.

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Selon une réponse gouvernementale en date du 7 novembre 2019, au 1er janvier 2019, près de 4,1 millions d'individus détenant un numéro attribué par le SANDIA disposaient d'un droit ouvert à une prestation retraite, soit 33 % des 12,4 millions de bénéficiaires recensés.

Aujourd'hui, combien de personnes immatriculées par le SANDIA perçoivent une prestation retraite et habitent à l'étranger ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Tout d'abord, le chiffre de 4,1 millions de personnes regroupe sans doute des doubles comptes, à savoir des retraités qui sont affiliés à la fois à la CNAV et à l'AGIRC-ARRCO. Ensuite, le chiffre de 12,4 millions de bénéficiaires n'est pas exact, puisqu'il y a 16 millions de retraités en France.

Enfin, vous évoquez la réponse à une question écrite de la sénatrice Nathalie Goulet publiée au Journal officiel du 7 novembre 2019, dans laquelle les pouvoirs publics ont cité les chiffres du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Mais peu importe, je souhaite surtout vous rappeler qu'un droit ouvert ne signifie pas nécessairement le paiement d'une prestation. Toutes les retraites suspendues sont aussi des droits ouverts – juridiquement, le droit est ouvert.

Or cette nuance, précisée dans la réponse, est importante : l'ouverture d'un droit à la sécurité sociale ne signifie pas une mise en paiement automatique. Si une personne ne justifie pas son existence par un certificat durant, par exemple, trois ans, le paiement est suspendu. Et si, disons quatre ans après, il se présente au consulat pour présenter son passeport et un certificat de naissance, après vérification, s'il s'agit bien de l'assuré, sa retraite est remise en paiement avec effet rétroactif.

Le RNCPS regroupe l'ensemble des prestations. Elles ne disparaissent, une fois clôturées, qu'au bout de cinq ans, justement, parce que le RNCPS a été conçu dans un objectif de lutte contre la fraude. Il sert aussi, de façon incidente, à la détection du non-recours. Concernant les décomptes qui peuvent être faits, il faut parfois rentrer dans le référentiel – je suis prêt à vous communiquer le guide utilisateur du RNCPS, qui explique ce qu'il y a, et ce qu'il n'y a pas, dans le répertoire.

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J'étais persuadé que, dans le RNCPS, chaque numéro d'inscription au répertoire (NIR) correspondait à une personne. Or vous nous dites que le bénéficiaire qui perçoit des prestations du régime général et de l'AGIRC-ARRCO est compté deux fois dans le RNCPS. Confirmez-vous que chaque bénéficiaire ne dispose que d'un NIR ? Et que le SANDIA attribue un numéro à des personnes qui sont nées à l'étranger ou dans un territoire d'outre-mer – elles seraient 4,1 millions ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Le NIR est attribué aux Français nés en France, et le SANDIA, ou NIR 99, aux Français nés dans un territoire d'outre-mer ou à l'étranger. Cependant, je suis persuadé qu'un retraité qui perçoit une prestation de la CNAV et une de l'AGIRC-ARRCO est compté deux fois dans le RNCPS. Bien sûr qu'ils sont comptés par NIR, qui sert de base à l'interrogation du RNCPS. Ce répertoire regroupe les bénéficiaires régime par régime et, j'insiste sur ce point, ce n'est pas parce qu'une personne bénéficie d'un droit ouvert qu'elle touche une prestation. Droit ouvert ne veut pas dire « mis en paiement ». C'est un problème sémantique.

C'est la raison pour laquelle la réponse à la question de Mme Nathalie Goulet n'est pas correcte et ne répond d'ailleurs pas totalement à la question. La sénatrice demande combien de NIR sont actifs. Or, un NIR actif est une personne qui bénéficie d'un droit ouvert et non pas une personne qui touche une prestation. Le RNCPS n'est pas un répertoire statistique mais un outil de contrôle, de lutte contre la fraude qui permet de répondre à des requêtes individuelles pour tracer telle personne ou tel numéro de sécurité sociale. Il permet l'identification d'assurés qui soit toucheraient indûment des prestations, soit ne toucheraient pas des prestations auxquels ils ont droit. Ce n'est pas du tout un outil statistique.

Le nombre de personnes avec un NIR 99 touchant des prestations de la part de la CNAV est de 1,2 million et non de 4,1 millions.

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Nous voudrions savoir combien de bénéficiaires perçoivent une prestation de la CNAV ? Et, parmi ces bénéficiaires, combien habitent à l'étranger ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Au 31 août 2019, 14 462 709 retraités perçoivent une prestation du régime général, dont 3 007 261 sont des NIR 99 et 29 656 habitent dans les territoires d'outre-mer.

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Parmi ces 3 007 261 de NIR 99, combien habitent en France et combien à l'étranger ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Nous pourrions croiser ces données. Cela prendra un peu de temps, mais nous le ferons et vous enverrons les chiffres.

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Ces chiffres nous intéressent, car selon l'INSEE, plus de 8 millions de personnes nées à l'étranger sont présentes sur le territoire français. Combien, parmi elles, perçoivent une retraite ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Nous vous transmettrons les chiffres dès qu'ils seront finalisés, ce qui nous permettra de les réactualiser.

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Je vous remercie. Par ailleurs, comment expliquez-vous le décalage entre le chiffre de 4,1 millions de personnes, présenté par le Gouvernement et les 3 millions que vous évoquez ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je vérifierai, mais je suis quasiment certain qu'il s'agit de doubles comptes avec l'AGIRC-ARRCO, ce qui est un grand classique. Le Gouvernement a repris les chiffres du RNCPS qui, je le répète, n'est pas un outil statistique. En France, à peu près tout le monde a deux régimes de retraite. De la même manière, les chiffres donnés pour la branche famille sont nécessairement faux : dans cette branche, il y a un nombre d'allocataires qui ne correspond pas forcément au nombre de NIR.

Pour faire des requêtes, il convient, d'une part, de posséder un outil statistique et d'autre part, d'effectuer une requête précise. Dans sa réponse, il me semble que le Gouvernement a essayé de déterminer ce que pouvait être un NIR « actif », ce qui n'est pas une donnée statistique, une donnée qui a du sens. La CNAV est l'opérateur informatique du RNCPS – je connais donc assez bien la manière dont il est conçu, ce qu'il peut faire et ce qu'il ne peut pas faire.

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Vous comprendrez que les parlementaires sont un peu perdus avec tous ces chiffres, d'autant que, vous venez de le dire, des doubles comptes sont possibles et que certains chiffres sont « nécessairement faux ». Chaque organisme nous donne ses chiffres, souvent différents de ceux qui nous sont communiqués par ailleurs. Vous avouerez que le Gouvernement devrait se pencher sur ces écarts – nous le faisons en tant que parlementaire. Cela mériterait un travail de clarification afin d'éviter ce genre de choses. Nous comprenons les arguments que vous avancez, mais c'est particulièrement difficile pour nous.

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Monsieur, je vous remercie d'avoir répondu de manière précise à notre questionnaire dans des délais assez courts.

Je souhaiterais revenir sur ce qui vient d'être dit, afin de bien comprendre. Les NIR à droits ouverts sont des NIR dont les droits sont « actifs », par opposition à des NIR qui sont « désactivés ». Je prends l'exemple d'un NIR associé à une carte Vitale désactivée, qui ne permet pas le remboursement. La notion dont nous parlons est bien celle de droit « ouvert », qui fait l'objet de prestations – pas nécessairement de prestations retraite. J'ai entendu vos arguments, mais je suis très surpris qu'il y ait un tel écart entre les chiffres indiqués par le Gouvernement au sein d'une réponse officielle et ceux que vous avez. De mon point de vue, la question des doubles comptes ne peut à elle seule expliquer cette différence, en particulier parce que les requêtes au RNCPS permettent d'obtenir le détail des prestations versées : il est donc possible de savoir ce qui relève de l'AGIRC-ARRCO et du régime général. C'est bien cela ?

Nous sommes également surpris par l'écart qui existe entre la proportion du nombre de personnes nées à l'étranger résidant en France, de 8 millions selon l'INSEE, et la population française totale (67 millions) et la proportion entre le nombre de personnes nées à l'étranger, présentes ou non sur le territoire, percevant une retraite – quelque 3 millions – et le total des allocataires des prestations de retraite versées par le régime général (14 millions). D'un côté, nous avons un rapport de 8 à 67 (soit 12 %) alors que vous nous présentez un rapport de 1 à 5 (soit 20 %). Je ne vous demande pas de justifier ces chiffres, simplement ils nous interpellent.

Vous avez par ailleurs indiqué que les fraudes liées aux décès à l'étranger sont recouvrées à 85 % ; c'est effectivement un taux élevé. Pouvez-vous nous décrire le mécanisme de recouvrement de ces sommes ? Il s'agit de personnes ayant travaillé en France qui sont allées vivre dans un pays étranger et qui perçoivent une pension de retraite, au titre du régime général notamment. Leur décès peut passer à travers les mailles des certificats d'existence pendant un certain temps puis, par contrôle opéré par exemple par les autorités consulaires françaises, ce décès est repéré. Il y a donc eu un trop-perçu au bénéfice d'un tiers : vous récupérez donc 85 % de ces trop-perçus au bénéfice de tiers ? Quelle est la méthode de récupération ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Vous soulevez deux ou trois points qui montrent que l'enjeu est sémantique. Par souci de précision, vous me dites vouloir connaître le nombre de NIR « actifs », c'est-à-dire de NIR avec droits actifs. Or, un NIR n'est pas actif, c'est un numéro de sécurité sociale. Quand une carte Vitale d'une personne est bloquée parce qu'elle n'a plus de droits ouverts au titre de l'assurance maladie, le NIR ne change pas. Le NIR est un numéro qui nous a été attribué à vie, voire au-delà de la vie : le numéro de sécurité sociale de quelqu'un qui meurt à l'étranger et ne touche plus aucun droit en France reste présent dans le référentiel mais n'ouvre aucun droit. De sorte que la notion de NIR actif ou inactif n'a pas de sens dans une approche statistique.

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Je me suis fait mal comprendre. Nous connaissons la différence entre le nombre de NIR attribués, notamment depuis le début la création du SANDIA, et les NIR qui font l'objet d'un versement de prestation. Aucune confusion n'a été faite par nos collèges Nathalie Goulet et Carole Grandjean ou par nous-mêmes.

L'écart entre les chiffres donnés fait débat entre différentes autorités publiques, s'agissant notamment du nombre de NIR qui seraient encore actifs alors qu'ils ne devraient plus l'être, qui font l'objet d'un versement de prestation alors que cela ne devrait plus être le cas. Ou encore, s'agissant des cartes vitales, les chiffres annoncés par la direction sécurité sociale (DSS) ne sont pas corroborés par ceux de l'INSEE.

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je suis désolé d'insister, mais il s'agit d'une question de vocabulaire. Et nous devons, pour avancer, parler des mêmes chiffres, notamment s'agissant des NIR actifs et inactifs. Je ne parviens pas, en ce qui me concerne, à comprendre ce que sont un NIR « actif » et un NIR « inactif ». À aucun moment, dans un répertoire des numéros de sécurité sociale, il n'y aura la mention d'une activité ou d'une non-activité. Seule la mention du décès peut parfois apparaître, car un répertoire, c'est binaire : vous êtes vivant ou mort.

Lorsque nous parlons de droits ouverts, nous devons différencier deux catégories de droits : les droits ouverts qui donnent lieu à paiement et les droits ouverts qui sont des droits potentiels. Un droit ouvert à la retraite ne signifie pas que la retraite est mise en paiement. Je prenais l'exemple de la personne qui, depuis quatre ans, n'a pas renvoyé ses certificats d'existence.

Votre souhait, monsieur le rapporteur, serait donc d'identifier, au sein de la branche retraite, l'ensemble des NIR 99 vivant à l'étranger ayant un droit ouvert et mis en paiement ? Je vous prie de m'excuser si je parais presque scolaire mais je crois que beaucoup de choses ont été dites, notamment par voie de presse, qui reposaient sur des incompréhensions et des écarts de périmètres.

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Oui, ce chiffre serait pour nous très éclairant.

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je l'ajouterai donc aux chiffres demandés par M. le président.

La récupération des indus après décès repose sur la coopération avec nos opérateurs bancaires de paiement à l'étranger – la Bred, principalement – qui ont l'obligation de faire diligence pour récupérer les montants sur les comptes des prestataires décédés. Leur capacité opérationnelle leur permet de sécuriser une bonne partie de la somme à récupérer. En outre, dans le cadre contractuel qui nous lie à la Bred, cette dernière a une obligation de résultat.

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Il vous est donc aisé d'avoir une vision géographique du recouvrement des indus, donc de la fraude ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Vous allez me trouver excessivement tatillon, mais un indu n'est pas nécessairement une fraude. Nous recouvrons 100 millions d'indus par an, et la plupart ne sont pas liés à la fraude. La CNAV peut, par exemple, durant un ou deux mois, continuer à verser une prestation indûment – cela peut d'ailleurs être une erreur de la caisse. L'indu peut être lié au fait que le questionnaire ressources nous arrive en juillet et que l'on constate qu'à partir de mai les ressources ont changé. La personne sera alors en indu de mai à juillet, sans aucune fraude : nous faisons juste rétroagir la situation à la date à laquelle nous notifions les droits. Il n'y a par exemple pas d'obligation légale de nous signaler un mariage le jour même.

En revanche, le cas que vous évoquez ne recouvre pas, le plus souvent, de fraude. Nul ne peut attendre d'un pensionné du régime général qu'il nous signale son propre décès. Par conséquent, si la famille, qui n'est pas en obligation de le faire, ne le fait pas, les virements continuent à arriver sur le compte bancaire. On peut considérer que, si la famille reçoit l'argent régulièrement, pendant plusieurs mois, et a réglé la succession, alors on s'approche de la fraude : lors de la succession, la famille a vu le compte bancaire. Tant que la famille n'a pas vu le compte bancaire et n'a pas réglé la succession, il n'y a pas de faute ni de fraude. Le virement est effectué tant que la personne n'a pas été constatée comme décédée.

C'est la raison pour laquelle l'intervalle est parfois long – six mois en moyenne, parfois onze – entre le décès qui intervient à l'étranger et le constat que nous pouvons en faire par les mécanismes de maîtrise des risques. Quand les familles ne nous signalent pas le décès, c'est souvent au moment du règlement de la succession que nous recouvrons les indus, par l'intermédiaire des opérateurs bancaires, sans qu'il y ait fraude. La grande majorité des indus ne repose donc absolument pas sur des fautes ou des fraudes.

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Je vous prie de m'excuser : je n'avais pas noté que les 85 % de recouvrement que vous évoquiez concernaient les indus et non la fraude. Pour autant, le mécanisme et la question de la géographie restent les mêmes.

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Sur ce sujet, je pourrai adjoindre aux réponses que je vous dois une géographie du recouvrement des indus au décès à l'étranger, qu'ils soient frauduleux ou non. Encore une fois, je m'excuse de paraître scolaire, presque notarial, mais je veux être sûr de bien comprendre vos demandes.

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Monsieur le directeur général, je vous remercie pour vos explications, même si je ne suis pas certaine d'avoir tout compris. J'espère que les éléments que vous nous fournirez pourront nous éclairer.

La semaine dernière, nous avons interrogé M. Jean-Pierre Viola, conseiller maître à la Cour des comptes, au sujet des incohérences quant au nombre de cartes Vitale en circulation en France, ainsi qu'au nombre de cartes Vitale actives en surnombre. Malheureusement, de nombreuses questions restent en suspens – ou alors nous ne comprenons pas tout, parce que nous ne sommes pas assez « scolaires », pour reprendre votre expression.

Je souhaiterais revenir sur l'attribution des numéros de sécurité sociale aux personnes nées à l'étranger et des fonds de prestations sociales touchées, notamment en matière de retraites. J'ai abordé cette question en juillet dernier, lors de la mission d'évaluation des coûts et des bénéfices de l'immigration en matière économique et sociale, où il a été fait état de « retraités fantômes ». J'avais alors adressé un courrier à la CNAV. Or, presque un an plus tard, force est de constater que nous éprouvons toujours des difficultés à obtenir des données cohérentes.

Je voudrais également revenir sur la réponse du Gouvernement à la question écrite, publiée au Journal officiel le 7 novembre 2019, où nous apprenions qu'il y avait 12 392 865 personnes disposant d'un NIR attribué par le SANDIA et bénéficiant, au 1er juin 2019, d'un droit ouvert, alors que, selon l'INSEE, il n'y aurait que 8,2 millions d'étrangers en France.

En retranchant les retraités vivant à l'étranger, soit 1,1 million, et les régimes spécifiques de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, cela laisse apparaître une différence massive de 2,5 millions de personnes ayant des droits ouverts et percevant des prestations – il s'agit bien, ici, des deux.

Si nous considérons que la dépense moyenne nationale par NIR est de 11 800 euros par personne et par an, alors ces 2,5 millions de numéros fantômes pourraient représenter 30 milliards d'euros de fraude potentielle.

Telles sont nos interrogations, mais peut-être faisons-nous fausse route.

Je souhaiterais, par ailleurs, connaître le nombre de bénéficiaires de prestations sociales en France qui sont nés à l'étranger et leur ventilation par nationalité et par âge. Peut-être que l'espérance de vie est supérieure ailleurs qu'en France ?

En outre, si nous suivons les données fournies par le Gouvernement le 7 novembre 2019, 5,3 millions des 12,7 millions d'allocataires de la branche famille seraient nés à l'étranger, soit 42 % des bénéficiaires d'allocations familiales. Et s'agissant uniquement de la branche retraite, 4,1 millions de retraités nés à l'étranger seraient pris en charge, dont 3 millions résident en France. Cela signifierait que 37 % des personnes nées à l'étranger bénéficieraient d'une prestation, par rapport aux 8,2 millions de l'INSEE.

Ce taux de 37 % de retraités vous semble-t-il cohérent avec la pyramide des âges de cette population, ainsi qu'avec la moyenne d'âge de la population en général ? Pourrions-nous avoir confirmation de ces données concernant les personnes nées à l'étranger et percevant une prestation sociale, notamment une prestation retraite, ainsi que des précisions sur le lieu de résidence de ces individus ?

Vous faisiez la différence entre fraude et indus, ce qui n'est pas du tout la même chose, nous sommes bien d'accord, et vous évoquiez le fait que votre taux de recouvrement des indus est de 85 %. Comment procédez-vous, en cas de fraude constatée, pour récupérer les prestations indûment versées ? Par ailleurs, dans le cas de fraudes constatées à la retraite, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas déclaré qu'elles sont décédées, comment recouvrez-vous les indus ? En France, quand un membre de votre famille décède, cela me semble absolument impossible de ne pas le déclarer dans les deux mois qui suivent. Je ne sais pas comment cela se passe à l'étranger mais, pour l'avoir vécu dans ma propre famille, ces choses sont faites extrêmement rapidement, une fois que l'on a signalé le décès. Les caisses de retraite sont à l'affût, au jour près, pour ne pas payer des pensions de retraite indues.

Concernant les ayants droit de ces retraités, comment cela se passe-t-il pour les pensions de réversion ?

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Je crois que chacun comprend bien cette notion de NIR actif : le prestataire a non seulement ouvert des droits, mais perçoit des prestations. Nous parlons bien de la même chose.

S'agissant des certificats d'existence, pouvez-vous revenir sur l'évolution des contrôles et sur l'utilisation des nouveaux outils pour contrôler les déclarations de vie ? En outre, quels mécanismes de contrôle sur la base d'échantillons pouvez-vous effectuer ?

De même, pour les pensions de réversion, quels sont les mécanismes de contrôle dont vous vous servez quand vous entrez un bénéficiaire dans votre système et quels sont les nouveaux outils pour prolonger le contrôle dans le temps ?

La représentation parlementaire attend des données statistiques sur le nombre de bénéficiaires, par âge et par pays, afin d'avoir une visibilité sur les versements effectués à l'étranger – les mécanismes de déclarations de décès étant très rigoureux en France.

En ce qui concerne vos partenaires, il me semble qu'un test a été engagé au printemps 2019 avec une société de conseil privée qui se rendait dans les pays tiers pour vérifier les déclarations de vie. Cette expérience se serait arrêtée très rapidement, après quelques semaines. Pourquoi cette expérience a-t-elle pris fin ? N'est-il pas opportun de s'associer avec des sociétés qui pourraient vous accompagner pour vérifier la véracité des déclarations de vie qui vous sont remontées ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Madame Boyer, je ne me serais pas permis – par conviction et par correction – de traiter la représentation nationale de « scolaire ». Je me suis qualifié moi-même de scolaire, parce que je souhaitais être certain de bien comprendre les questions posées.

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C'était une boutade, monsieur le directeur général !

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je vous remercie de cette précision, mais je préfère être clair : je ne me permettrais pas d'être désobligeant vis-à-vis de la représentation nationale.

Vous m'avez interrogé sur le courrier que vous m'avez envoyé il y a un an. Je crois y avoir répondu dans un délai raisonnable. Je mets un point d'honneur à répondre à l'ensemble des courriers des parlementaires – j'en reçois beaucoup – dans des délais les plus raisonnables possible.

Vous évoquez des retraités fantômes et, effectivement, j'ai lu des propos sur ce thème, notamment qu'il y aurait 3 millions de retraités centenaires au régime général ; or, ils sont 14 859, dont 3 211 NIR 99 et environ 1 500 qui vivent à l'étranger. Parmi ces centenaires, notamment les 1 500 qui vivent à l'étranger, certains sont-ils morts ? Sans doute. Et c'est bien la tâche de la politique de la lutte contre la fraude de les identifier.

Nous suivons les atypies que vous évoquez sur les centenaires et leur ventilation. Il y a une atypie forte sur les centenaires actuels nés en Europe par rapport à ceux nés hors du continent : ils sont nés pendant ou après le conflit de la Première Guerre mondiale, période durant laquelle les pays européens ont connu un déficit de naissance. Cela donne lieu, évidemment, à correction et analyse statistique.

Je vous remercie, enfin, de souligner la diligence des caisses de retraite dans l'authentification de l'état civil français. Nous recevons effectivement les notifications de décès chaque nuit et procédons à la suspension des versements le lendemain : il s'agit en effet de ne pas créer d'indus.

Les indus liés aux décès frauduleux sont rarissimes – peut-être trois par an. Ces fraudes sont commises, il est vrai, plus facilement lorsque le prestataire vivait à l'étranger car il y est plus facile de cacher un décès. La famille a pu dissimuler sciemment le décès, pendant longtemps. Dans ces cas-là, nous appliquons la même procédure – avec notre opérateur bancaire –, avec la même rigueur en termes d'obligation de résultat.

Si le montant de la fraude est extrêmement important, parce que, par exemple, le décès aura été caché pendant cinq ans, il est vrai que l'impossibilité juridique d'agir à l'étranger peut être bloquante.

Madame Grandjean, nous essayons d'appliquer le plus possible de nouvelles techniques dans le but de vérifier les certificats de vie des prestataires résidant à l'étranger, d'autant que nous bénéficions dorénavant d'un processus de gestion mutualisée : les décédés de la CNAV sont les mêmes que ceux de l'AGIRC-ARRCO, tout comme les personnes en vie, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Nous traitons également des échantillons en fonction de la maîtrise des risques, liée notamment à l'âge de l'assuré et à son pays de résidence, c'est vrai. Parce que dans certains pays, l'état civil est plus ou moins fiable et que nous sommes obligés d'en tenir compte dans notre approche de maîtrise des risques.

Outre l'expérimentation qui est en cours avec la Bred, nous expérimentons également la possibilité de faire appel à du personnel sur place. Nous l'avons déjà fait, mais pas dans le cadre que vous évoquez, madame la députée, qui concernait, me semble-t-il, l'AGIRC-ARRCO. La société privée dont vous parlez nous avait également présenté son offre, que nous avons jugée relativement coûteuse pour un rendement incertain.

En revanche, il y a environ quatre ans, nous avons envoyé un agent assermenté de la sécurité sociale dans un pays proche de la France. Il s'est rendu au consulat et a convoqué les retraités « à risque », c'est-à-dire identifiés après une requête comme potentiellement fraudogènes. Quelques fraudes ont été détectées, mais très peu. L'expérience a été positive.

J'avais donc proposé, à l'époque, que nous puissions mettre à disposition des consulats des personnels de la branche retraite, payés par nous et sous notre propre plafond d'emploi, évidemment. Il n'était en effet pas question de faire usage du réseau consulaire, qui a l'obligation de rendre compte de ses emplois, mais plutôt que le consulat accueille des personnes recrutées localement, chargées de vérifier, d'après les listes que nous leur enverrions, l'existence de tel ou tel prestataire dont le profil est « risqué ». Je suis persuadé que le système en serait amélioré. Malheureusement, cette idée n'a pas prospéré. Je profite de cette audition pour appeler l'attention de la représentation nationale sur cette question, l'expérimentation ayant été très intéressante.

Vous souhaitez que je vous transmette une ventilation des bénéficiaires d'une prestation retraite à l'étranger par âge et par pays de résidence. Cela sera fait.

Enfin, madame Grandjean, je me permets de revenir sur cette question de sémantique car vous avez indiqué qu'un NIR actif était une personne qui touchait une prestation. Non, un NIR actif est un prestataire dont les droits sont ouverts, mais qui ne touche pas nécessaire une prestation. C'est bien tout le débat autour de la réponse publiée au JO le 7 novembre 2019. Les équipes du ministère n'avaient pas compris ce qu'est un NIR actif et ne répondent donc pas à la question posée. Encore une fois, la notion de NIR actif n'existe pas, du point de vue des organismes de sécurité sociale. En revanche, sur le nombre de personnes qui touchent de l'argent de la sécurité sociale, les résultats seraient, je pense, différents. À supposer que le RNCPS, qui n'est pas fait pour cela, puisse faire cette requête – ce que je ne saurais pas vous dire exactement sans consulter les équipes.

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La biométrie et l'utilisation des empreintes digitales sont-elles une solution pour lutter contre la fraude aux prestations sociales ? Comment concevriez-vous un système de ce type pour les prestations sociales ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

La biométrie et les empreintes sont massivement utilisées pour l'identité des ressortissants français et des personnes de nationalité étrangère résidant en France, avec un titre de séjour régulier.

Mon intuition, qui devrait être expertisée, bien entendu, est qu'il existe un moyen très simple pour épargner aux pensionnés vivant à l'étranger, dans des pays avec lesquels nous n'avons pas d'échange d'état civil, le pensum qu'est le certificat d'existence : le développement par la CNAV d'une application – mes équipes en sont tout à fait capables – par laquelle le retraité qui vit à l'étranger nous confie sa biométrie. Les retraités qui accepteraient de jouer le jeu seraient alors exonérés de certificats d'existence. Il s'agirait d'un système gagnant-gagnant, car le système serait infiniment plus fiable que celui du certificat d'existence.

Pour autant, je ne crois pas à l'usage universel, permanent, de la biométrie. Nous ne pouvons demander à nos concitoyens, chaque fois qu'ils vont chez le médecin, de présenter leur carte Vitale et leurs empreintes – cela ne servirait à rien. En revanche, pour des retraités à l'étranger, dont on peut craindre que le décès ne soit pas déclaré, cela aurait du sens. Si, deux à trois fois par an, nous demandons à ces retraités de se connecter à un téléservice et de s'identifier, cela permettrait de les sortir du champ du contrôle, qui serait beaucoup plus léger. Au total, avec 500 000 à 600 000 personnes sorties de ce champ grâce à l'échange de données d'état civil, 300 000 à 400 000 personnes qui acceptent de s'abonner à ce service, cela laisse, sur un total de 1,2 million de retraités à l'étranger, environ 200 000 personnes, qui seront soumis à un contrôle plus attentionné sans les forcer à la biométrie.

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Parmi les sujets qui nous préoccupent, la question du taux de fraude revient fréquemment. Des travaux ont été menés par la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), et nous possédons des données pour 2011, 2012 et 2014. À ces occasions, il avait été démontré qu'un certain nombre de NIR avaient été attribués à des personnes nées à l'étranger sur la base de faux documents. L'estimation était de l'ordre de 10 % de fraude. Or, depuis, un rapport du sénateur Vanlerenberghe a été rendu public, qui fait état d'un taux de fraude de l'ordre de 1 %. Comment expliquez-vous cet écart ? Où se situe le « vrai » chiffre ? Avons-nous les moyens d'approcher la réalité ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Il s'agit d'un sujet que je connais bien, puisque les audits ont été menés par la CNAV en lien avec la direction centrale avec la police aux frontières (DCPAF). Le chiffre de 10 % que vous évoquez – qui est au demeurant un chiffre de 6,4 % approximé afin d'embarquer les documents pour lesquels les pièces ne pouvaient être fournies – n'est pas un chiffre de fraude, et tout le sujet est là. Le rapporteur général Jean-Marie Vanlerenberghe l'établit bien : ce sont des documents non conformes. Ces audits, que nous avons continués avec la DCPAF, sont des audits de non-conformité.

Détecter la fraude revient à trouver la personne qui n'est pas celle qu'elle dit être, qui dispose d'un numéro de sécurité sociale – avec un nom, un prénom et une date de naissance – qui n'est pas le sien. Pour cela, il faut partir d'un échantillon, vérifier tous les non-conformes – dont le chiffre a tendance à baisser – un par un, avec convocation de l'assuré. Si l'assuré est bien celui qu'il prétend être, cela veut dire que la non-conformité résulte non pas d'une fraude, mais d'un mauvais document ou d'une imprécision de gestion. C'est la raison pour laquelle, après vérification, ce taux a été ramené de 6,4 % en 2011 à 1 % aujourd'hui.

Depuis cet audit, la CNAV exige la remise de deux documents par les assurés, ce qui réduit le risque de recevoir un document de mauvaise qualité, a formé son personnel et croise ses données avec la DCPAF.

Mais il est bien évidemment normal de réagir quand vous déterminez 6,4 %, ou 10 %, de non-qualité dans un processus. Vous trouverez tous les détails dans le document que je vous ai envoyé. Aujourd'hui, non estimons que cette non-qualité se situe autour de 3 %.

Pour voir si un numéro de sécurité sociale a été attribué à une personne qui a présenté une fausse identité, il suffit de prendre un échantillon de 1 575 personnes, comme cela a été fait pour l'audit de 2019, de vérifier la non-conformité, qui touchait une cinquantaine de dossiers et de convoquer les assurés potentiellement fraudeurs. L'identité d'environ deux tiers des auditionnés est confirmée et relève donc d'une non-conformité non fraudogène. Il reste douze ou treize personnes dont une partie n'ont pas répondu et « n'habitent plus à l'adresse indiquée » et une partie qui, effectivement, n'était pas celles qu'elles prétendaient être. Ce sont eux les fraudeurs, et c'est comme cela que nous atteignons 1 % de fraude si vous considérez que les 13 étaient fraudeurs et moins si vous considérez que les seuls vrais fraudeurs sont ceux que vous avez identifiés comme tels. Cela explique l'écart entre les moins de 1 % dans le rapport de M. Vanlerenberghe et l'évaluation que je vous ai donnée, qui concerne uniquement les fraudeurs que nous avons identifiés – deux personnes. Je ne conteste pas, évidemment l'analyse réalisée par M. Vanlerenberghe. Ce mécanisme fonctionne en entonnoir.

J'ai lu qu'il y aurait des millions de « fantômes », mais quand vous une demandez n'importe quelle prestation, quand vous renouvelez n'importe quel document, on vous demande votre carte d'identité. Si, vraiment, nous avions 10 % de personnes qui ne sont pas celles qu'elles disent être, c'est qu'ils ont nécessairement fraudé, également, l'état civil et que leur document d'identité est un faux. À supposer, ce qui est une absurdité, qu'il y ait 10 % de personnes ayant fraudé pour s'immatriculer à la sécurité sociale, quel serait l'intérêt de faire cela ? Pourquoi s'amuser à détenir un faux numéro de Sécurité sociale ? Si vous voulez toucher le revenu de solidarité active (RSA) ou être couvert au titre du risque maladie, il faut montrer patte blanche, à savoir un document d'identité ! Il faut d'ailleurs la montrer régulièrement : c'est une blague récurrente de dire que, à la Sécurité sociale, nous aimons demander les papiers plusieurs fois. L'écart entre les 10 et 1 % est donc celui qui existe entre la non-conformité détectée dans le cadre d'un processus industriel et la fraude en elle-même.

Voilà, monsieur le président, j'espère avoir pu vous éclairer sur l'écart de pourcentage.

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Non, pas totalement, car le document que j'ai en ma possession mentionne bien « le taux de faux documents sur l'ensemble de l'échantillon ». Je ne suis bien évidemment pas le plus qualifié pour définir ce qu'est un faux document, mais ce sont les équipes de Bercy qui ont avancé ce taux de 10 % de faux documents. Alors comment ces faux deviennent-ils authentiques dans un autre rapport ?

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Non, les faux documents ne sont pas devenus authentiques.

L'audit que vous évoquez a été demandé par la DNLF, il a bien été diligenté par la CNAV et pas par la DCPAF, de même que pour les audits suivants. Or la CNAV ne peut qualifier des documents de faux dans un rapport et d'authentiques dans un autre. Nous n'avons aucune réticence à identifier de la non-qualité.

Un document peut être qualifié de faux s'il n'est pas conforme. Par exemple, l'état civil algérien continue d'utiliser un formulaire – parce qu'il a un stock à épuiser – qui n'est plus le formulaire conforme de l'état civil. Normalement, nous devrions le rejeter ; c'est un faux. Nous avons d'ailleurs eu un échange de courriers avec le consulat d'Algérie qui a confirmé qu'il s'agissait d'un usage bien ancré que de continuer à utiliser ces formulaires non conformes et nous a conseillé de continuer à les accepter. Lorsque nous faisons un audit sur le stock avec un échantillon de 1 575 personnes immatriculées par le SANDIA, nous vérifions tous les dossiers de personnes qui ne seraient pas celles qu'elles prétendent être, qui sont au maximum treize – six « suspects » et sept qui n'étaient plus là – et au minimum deux. Tous les autres étaient eux-mêmes, et ceux qui étaient suspects, en raison de la non-qualité de leurs documents, ont été convoqués. La non-qualité d'un processus de gestion industrielle ne veut pas dire fraude et ne veut pas dire « fantômes » !

J'ai lu, ici ou là, qu'une bataille homérique aurait été livrée afin que le Gouvernement, à la suite de cet audit, soit forcé à déposer un amendement consistant à dire que la fraude au SANDIA ou au NIR emporte la suspension des prestations. Je me suis alors dit : « allons voir cette bataille homérique », qui aurait été menée contre l'avis du Gouvernement, puisque le Président de la République de l'époque n'en voulait pas, que la direction de la sécurité sociale (DSS) n'en voulait pas et que la terre entière n'en voulait pas. Eh bien, il s'agit en réalité d'un amendement déposé par le Gouvernement qui a donné lieu à trois lignes, peut-être dix, de débat parlementaire ! L'amendement avait, il me semble, été déposé par Valérie Pécresse, ministre du budget, au nom du Gouvernement – et non contre son avis. La réalité des chiffres permet de repartir sur des bases sans récit.

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Vous avez raison, le rapport d'études qui nous a été communiqué émanait bien de la CNAV et est intitulé Évaluation de la fraude à l'identité dans le processus d'immatriculation des personnes nées hors de France par le SANDIA. Or, dans ce travail, c'est bien le terme de « faux documents » qui est utilisé.

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

J'en conviens volontiers. Quand le risque a été identifié en 2010 et 2011, c'était panique à bord ! La liste de mesures que j'ai indiquée – demande de deux documents, formation des agents de la CNAV, etc. – découle de ce rapport, dans lequel il est dit que notre processus génère une non-qualité massive de 6,4 %. Je rappelle, simplement, qu'il s'agissait parfois d'une absence de traduction du document, une autre fois d'une absence de cachet, ou encore d'un formulaire trop ancien. Dans le cadre d'un audit, la non-qualité est un faux. Un audit, c'est binaire : un document est faux ou authentique – heureusement que la maîtrise des risques ne supporte pas la complaisance ! Lorsque l'audit croisé avec la DCPAF, sous le patronage de la DNLF, souligne qu'il y a 6,4 % de non-qualité, c'est inacceptable, et nous décidons une série de mesures pour rétablir le tir. En parallèle, nous approfondissons le sujet et continuons à améliorer la qualité, parce que c'est un devoir.

Qu'est devenu l'échantillon de 2011 ? Il a été tracé et les prestataires sont bien vivants et bien ceux qu'ils prétendaient être – y compris les 10 % de faux. C'est la raison pour laquelle, en 2019, nous avons réalisé le même exercice, en prenant un échantillon dans le stock. La non-qualité d'un processus industriel est insupportable mais, par exemple, vous n'avez pas le droit d'utiliser un document non traduit, donc vous ne pouvez pas l'accepter. Vous imaginez la réaction des équipes du SANDIA lorsque nous découvrons qu'il y a de la non-qualité de masse dans le travail qui est fait, que des documents ont été acceptés alors qu'il n'y avait pas le cachet, qu'ils n'étaient pas assez lisibles ou qu'ils n'étaient pas traduits : c'est une gifle pour une administration ou un opérateur. Dans ce cas-là, nous nous retroussons les manches et améliorons le processus.

Par ailleurs, est-ce que ces 6,4 % portent en eux-mêmes un risque financier ? La réponse est non : le risque porte sur les deux cas sur 1 575 que nous évoquions représentant un enjeu financier mineur d'environ 15 000 à 20 000 euros. Je ne nie pas les conclusions de cet audit ou le chiffre des 6,4 % : la CNAV a réalisé elle-même cet audit.

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Ma dernière est question est simple. Vous dites que les données de 2011 ont donné lieu à des investigations – 124 NIR étaient concernés par cette mission. Pourrions-nous récupérer un travail de votre part sur ces 124 NIR – nous n'avons pas besoin de connaître leur identité – pour voir ce qui, en 2011, a déterminé la qualification de faux documents alors qu'aujourd'hui il n'y a plus lieu de considérer que ce sont des fausses personnes ? Ainsi, nous pourrons indiquer qu'il n'y a plus lieu de considérer ces documents comme faux, ou de manière très marginale.

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Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Je ne sais pas si nous avons gardé la liste des 124 NIR : si oui, je pourrai vous faire une réponse dans les prochains jours. La réponse que je vais vous faire me met mal à l'aise, car normalement nous ne devrions plus les avoir – nous ne devons pas garder les résultats de ces audits plus de cinq ans. Cependant, au regard du choc que celui-ci a provoqué, je ne m'interdis pas de penser que nous avons gardé les 124 NIR. Si nous les avons, nous pouvons faire cette étude, en réinterrogeant, organisme par organisme, chacun des assurés, ce qui peut prendre un peu de temps. Très rapidement, nous pourrons déjà interroger le RNCPS, afin de voir si des prestations ont été versées, puis nous enverrons à chaque CPAM et chaque CAF sa liste de bénéficiaires. J'espère donc que nous avons conservé ces numéros, pour vous être utile, monsieur le président, mais j'espère que non au regard du RGPD. Dans le premier cas, je vous ferai parvenir cette étude en même temps que les réponses aux autres demandes que vous avez formulées.

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Je vous remercie. Vous faites référence au RGPD : rassurez-vous, en 2011, je ne suis pas sûr qu'il s'appliquait de la même manière. Les éléments complémentaires que vous nous fournirez nous seront fort utiles.

La réunion se termine à dix-huit heures quarante.