Intervention de Renaud Villard

Réunion du mardi 2 juin 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse :

Il s'agit d'un sujet que je connais bien, puisque les audits ont été menés par la CNAV en lien avec la direction centrale avec la police aux frontières (DCPAF). Le chiffre de 10 % que vous évoquez – qui est au demeurant un chiffre de 6,4 % approximé afin d'embarquer les documents pour lesquels les pièces ne pouvaient être fournies – n'est pas un chiffre de fraude, et tout le sujet est là. Le rapporteur général Jean-Marie Vanlerenberghe l'établit bien : ce sont des documents non conformes. Ces audits, que nous avons continués avec la DCPAF, sont des audits de non-conformité.

Détecter la fraude revient à trouver la personne qui n'est pas celle qu'elle dit être, qui dispose d'un numéro de sécurité sociale – avec un nom, un prénom et une date de naissance – qui n'est pas le sien. Pour cela, il faut partir d'un échantillon, vérifier tous les non-conformes – dont le chiffre a tendance à baisser – un par un, avec convocation de l'assuré. Si l'assuré est bien celui qu'il prétend être, cela veut dire que la non-conformité résulte non pas d'une fraude, mais d'un mauvais document ou d'une imprécision de gestion. C'est la raison pour laquelle, après vérification, ce taux a été ramené de 6,4 % en 2011 à 1 % aujourd'hui.

Depuis cet audit, la CNAV exige la remise de deux documents par les assurés, ce qui réduit le risque de recevoir un document de mauvaise qualité, a formé son personnel et croise ses données avec la DCPAF.

Mais il est bien évidemment normal de réagir quand vous déterminez 6,4 %, ou 10 %, de non-qualité dans un processus. Vous trouverez tous les détails dans le document que je vous ai envoyé. Aujourd'hui, non estimons que cette non-qualité se situe autour de 3 %.

Pour voir si un numéro de sécurité sociale a été attribué à une personne qui a présenté une fausse identité, il suffit de prendre un échantillon de 1 575 personnes, comme cela a été fait pour l'audit de 2019, de vérifier la non-conformité, qui touchait une cinquantaine de dossiers et de convoquer les assurés potentiellement fraudeurs. L'identité d'environ deux tiers des auditionnés est confirmée et relève donc d'une non-conformité non fraudogène. Il reste douze ou treize personnes dont une partie n'ont pas répondu et « n'habitent plus à l'adresse indiquée » et une partie qui, effectivement, n'était pas celles qu'elles prétendaient être. Ce sont eux les fraudeurs, et c'est comme cela que nous atteignons 1 % de fraude si vous considérez que les 13 étaient fraudeurs et moins si vous considérez que les seuls vrais fraudeurs sont ceux que vous avez identifiés comme tels. Cela explique l'écart entre les moins de 1 % dans le rapport de M. Vanlerenberghe et l'évaluation que je vous ai donnée, qui concerne uniquement les fraudeurs que nous avons identifiés – deux personnes. Je ne conteste pas, évidemment l'analyse réalisée par M. Vanlerenberghe. Ce mécanisme fonctionne en entonnoir.

J'ai lu qu'il y aurait des millions de « fantômes », mais quand vous une demandez n'importe quelle prestation, quand vous renouvelez n'importe quel document, on vous demande votre carte d'identité. Si, vraiment, nous avions 10 % de personnes qui ne sont pas celles qu'elles disent être, c'est qu'ils ont nécessairement fraudé, également, l'état civil et que leur document d'identité est un faux. À supposer, ce qui est une absurdité, qu'il y ait 10 % de personnes ayant fraudé pour s'immatriculer à la sécurité sociale, quel serait l'intérêt de faire cela ? Pourquoi s'amuser à détenir un faux numéro de Sécurité sociale ? Si vous voulez toucher le revenu de solidarité active (RSA) ou être couvert au titre du risque maladie, il faut montrer patte blanche, à savoir un document d'identité ! Il faut d'ailleurs la montrer régulièrement : c'est une blague récurrente de dire que, à la Sécurité sociale, nous aimons demander les papiers plusieurs fois. L'écart entre les 10 et 1 % est donc celui qui existe entre la non-conformité détectée dans le cadre d'un processus industriel et la fraude en elle-même.

Voilà, monsieur le président, j'espère avoir pu vous éclairer sur l'écart de pourcentage.

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