Intervention de Jacques Toubon

Réunion du jeudi 4 juin 2020 à 15h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

Il nous paraît inacceptable que la lutte contre la fraude, aux cotisations ou aux prestations, aboutisse, de droit ou de fait, à la stigmatisation d'une partie de la population. C'est malheureusement le pain quotidien du Défenseur des droits et de ses délégués territoriaux que de constater la manière inégale et hétérogène dont sont traités les droits, que nous nous efforçons de réparer, de nombreuses personnes. En plus de cela, si, en ne retenant pas la nécessité de l'intentionnalité et en travaillant sur le fondement d'approximations statistiques, de bases de données et d'algorithmes, on aboutit à pourchasser la fraude et à prononcer des indus auprès d'une partie de la population qui est déjà celle qui connaît le plus de difficultés, à mon avis, on sort totalement de l'épure de ce que doit être un système de protection sociale tel que le nôtre.

C'est une des raisons pour lesquelles ma réponse à votre question sera très prudente. L'utilisation de données extérieures obtenues dans différents fichiers, qui seraient concentrées afin que les demandes s'effectuent automatiquement à partir de la situation traduite dans les fichiers, aboutirait à une surveillance globale, notamment de tous les bénéficiaires d'allocations non contributives et donc d'une partie de la population qui est le plus en difficulté. Un tel dispositif irait à l'encontre de l'objectif recherché qui est de se mettre au service de l'accès aux droits de ceux qui connaissent les plus grandes difficultés à y accéder.

À cet égard, une contestation a émergé entre les caisses et la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) à propos de croisements de fichiers sur lesquels la CNIL a émis un certain nombre d'observations et de recommandations qui, à ce jour, n'ont pas été suivies par les caisses. Votre proposition suscite une très grande réticence et méfiance de ma part. Je le dis et le répète depuis des années, et c'est particulièrement valable pour la protection sociale, tous les systèmes qui évacuent l'humain, que ce soit du côté du demandeur ou de l'organisme, sont lourds de risques individuels, humains, mais aussi pour la société.

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