Intervention de Fernand Gontier

Réunion du mardi 9 juin 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Fernand Gontier, directeur central de la police aux frontières (DCPAF) :

La police aux frontières a trois missions principales : le contrôle des documents de voyage et d'identité ; la lutte contre l'immigration irrégulière et les trafics de migrants, dont la fraude documentaire et le démantèlement des officines de fabrication de faux documents ; la mise en œuvre des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Notre direction centrale travaille depuis longtemps sur la question de la fraude documentaire. Le 31 juillet 2019, elle a donné à la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité (DEFDI) une place éminente dans sa nouvelle organisation. Cette division est organisée en strates de compétences : du sommet vers la base, 35 experts de la PAF, 315 analystes en fraude documentaire et à l'identité, et 764 analystes en fraude documentaire. Nous coopérons avec l'ensemble des centres d'expertise et des ressources titres (CERT) et avons deux antennes chargées des documents liés à l'échange des permis de conduire étrangers en permis français, l'une à Nantes, l'autre, depuis peu, à la préfecture de police (PP).

En matière de fraude documentaire, la police aux frontières intervient à deux niveaux. D'abord, celui de l'expertise administrative et judiciaire. Ayant pour mission principale d'examiner des documents administratifs français et étrangers, la DEFDI produit des rapports d'analyse qui caractérisent, ou non, la fraude documentaire. En 2019, plus de 48 000 documents ont été examinés pour des magistrats et des administrations. La PAF est également associée à l'élaboration de documents sécurisés français, mais également européens – l'Europe s'organise contre ce type de fraude.

Dans le domaine judiciaire, la PAF a pour mission de démanteler les structures criminelles, les organisations de trafiquants de migrants ou d'emploi d'étrangers sans titre, qui utilisent la fraude documentaire comme support de leur activité criminelle. Pour ce faire, nous disposons de l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST), créé en 1996 et qui compte une centaine d'enquêteurs. Cet office bénéficie aussi d'un réseau territorial de plus de 600 enquêteurs spécialisés dans le démantèlement des filières d'immigration irrégulière et des réseaux de trafic de documents d'identité et de voyage.

Nous avons affaire à des réseaux très organisés. En 2019, sur 328 filières d'immigration démantelées, 22 % étaient des officines de fabrication ou de distribution de faux documents, et, pour 40 % d'entre elles, la fraude documentaire était une activité annexe.

L'ampleur de cette fraude sur le territoire ne peut être révélée que par l'activité des services anti-fraude, cette activité étant proportionnelle aux moyens dont ils disposent.

Nous disposons d'outils statistiques, pour certains encore relativement imparfaits ou partiels. Le programme d'analyse des flux et indicateurs statistiques d'activité (PAFISA) fournit des statistiques et des analyses sur la fraude documentaire. En 2019, 8 881 porteurs de faux ont été interpellés par la PAF pour 16 194 faux documents. Nous connaissons, grâce au PAFISA, le type des documents et leur nationalité, la nationalité des porteurs et le type de fraude : contrefaçon, falsification, usage frauduleux, obtention indue.

Cet outil n'est pas totalement partagé par l'ensemble des services de police et de gendarmerie, il est donc difficile de trouver d'autres indicateurs, d'autres tableaux de bord de la détection de la fraude documentaire. L'outil de requête des univers statistiques (ORUS), outil d'activité judiciaire des services de police et de gendarmerie, peut nous fournir certains éléments, mais le niveau de la fraude est souvent dissimulé par des infractions plus importantes.

La police aux frontières a également une activité de formation : environ 10 000 personnes sont formées annuellement par nos services, qui partagent leurs informations sur les modes opératoires et présentent des faux documents types. En 2019, 891 personnels des organismes de protection sociale – caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), URSSAF, caisse d'allocations familiales (CAF), Pôle emploi, caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), mutualité sociale agricole (MSA) – ont été formés, ainsi que les personnels de certains ministères, dont celui des affaires étrangères.

Par définition, un faux document ne se détecte pas facilement ; des outils et du matériel ainsi qu'une formation sont nécessaires. Nous sommes la direction de référence pour la police nationale, en matière de doctrine, de formation et de documentation.

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