Des documents français volés et proposés à la vente sur le darknet ou les réseaux sociaux, proprement falsifiés par l'apposition d'un simple film, sont beaucoup moins détectables par les personnels en première ligne, même chez nous, que des faux documents. C'est une tendance européenne qui va au-delà de 50 %. En France, la baisse de 10 % de faux documents détectés en 2019 n'est pas due à la modification de nos méthodes, ce sont les fraudeurs qui évoluent vers des pratiques plus sûres. Ainsi, il est plus sûr de falsifier légèrement la photo sur un passeport volé que d'en fabriquer un biométrique avec de fausses puces pour rentrer dans l'espace Schengen
Nous travaillons à mettre fin à cette technique de fraude. Parmi les choses à faire, une campagne de communication invitant le public à protéger davantage ses papiers et son identité même serait bien utile. Certains de nos concitoyens se montrent trop désinvoltes en ne déclarant pas la perte de leur carte d'identité ou de leur passeport, d'autres donnent sur les réseaux sociaux des informations qui facilitent considérablement le travail des réseaux organisés. Un passeport volé le mardi à Francfort peut ainsi être livré le jeudi, par Chronopost ou DHL, à un migrant dans un camp en Grèce.
Au niveau européen, la tendance est la même. Il y a des réseaux organisés ; sur le marché, le passeport américain vaut quelque 650 euros, le passeport français se négocie entre 300 et 450 euros. Nous essayons de lutter avec nos collègues de l'OCRIEST, mais aussi au niveau européen en organisant des équipes communes d'enquête financées par Europol. En matière de cybercriminalité, les patrouilles cyber de l'OCRIEST investiguent sur les réseaux sociaux et effectuent un travail considérable pour faire fermer les sites.
Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, ces fraudes ont forcément des conséquences sur la délivrance de prestations sociales indues, mais c'est sur l'immigration qu'elles se font sentir dans un premier temps. Nous fournissons des chiffres pour les statistiques publiées par Frontex.
Quant au protocole de gestion, nous pouvons, effectivement, présenter un certain nombre de suggestions, à commencer par la sécurisation de la photographie, en prenant les photos devant l'autorité de délivrance ou l'organisme pouvant confirmer l'identité de la personne, et en la faisant figurer sur toutes les cartes d'organismes sociaux. Peut-être aussi conviendrait-il de passer à la biométrie.
Il y a deux ou trois ans, les Allemands ont émis l'idée d'une base commune d'identité européenne biométrique. La présidence allemande de l'Union européenne, qui s'installera dans quelques jours, proposera des mesures pour lutter contre l'usurpation d'identité. C'est au niveau européen que doivent être élaborés les processus de sécurisation des données d'identité, appuyés sur une base d'état civil biométrique. Déjà, le Portugal, les Pays-Bas et la Belgique ont mis en place des numéros uniques rattachés à une base d'état civil. Toutes ne sont pas biométriques, mais c'est par là qu'il faudra en passer pour sécuriser les transactions dématérialisées et le versement des prestations sociales.