Intervention de Philippe Caradec

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 16h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Philippe Caradec, directeur en charge du développement et des relations institutionnelles :

Autrement dit, quand Excellcium lâche ses enquêteurs, il y a des volées de certificats qui émergent.

Il faut bien être conscient de cela : nos enquêteurs ont poireauté, on les a fait venir et revenir. Ils étaient basés à Alger, ils ont dû aller à Tizi Ouzou, à Sétif, à Bordj Bou Arreridj, à Bejaïa, venir une fois, deux fois, trois fois, quatre fois pour enfin avoir le certificat.

Nous aurions aimé que notre commanditaire nous dise spontanément : « Halte au feu, je viens de recevoir le certificat de vie de M. Untel ! » Nous aurions gagné un temps considérable, nous aurions fait des économies et nous aurions tous, parce que c'est l'intérêt général qui compte pour nous, réalisé des économies et été beaucoup plus efficaces.

J'en tire un ensemble d'enseignements qui sont très forts pour nous, et je pense pour les organismes et les institutions qui veulent lutter contre la fraude, parce que nous avons une expérience de terrain. Nous sommes allés très loin. C'est le privilège, en quelque sorte, en même temps que le devoir et l'obligation d'un groupe privé, contrairement à une institution étatique qui doit prendre certaines précautions avant d'engager ou de ne pas engager certaines démarches.

Nous avions une condition sine qua non qui était la discrétion absolue. En aucun cas nous ne devions apparaître et être mentionnés, en aucun cas notre commanditaire ne devait apparaître ou être mentionné, en aucun cas une démarche de l'État français ou d'une quelconque institution ne devait être supposée, présupposée, voire subodorée.

Nous avons tenu cet engagement et avons eu en plus des résultats.

C'est bien qu'il y ait des initiatives, parce que toutes les initiatives qui concourent à lutter contre la fraude, même les plus modeste, permettent d'avancer. Encore faut-il avancer en cohérence.

Un test sur 1 000 personnes a été réalisé en Algérie avec le réseau de la BRED-Banque Populaire et leur partenaire algérien. C'est très bien de prendre cette initiative. Maintenant, de même qu'on ne demande pas à un banquier de vérifier des informations sécuritaires, on ne demande pas un enquêteur de vérifier les comptes d'un particulier. Le banquier s'occupe de la banque, les officiers de sécurité s'occupent des problématiques d'identification et de sécurité et les enquêteurs s'occupent d'enquêter et de retrouver les personnes. S'il y a une bonne répartition, nous avancerons.

Je ne connais pas les résultats. On m'a dit qu'il y avait à peu près une personne sur deux qui s'était présentée. C'est déjà très bien, mais on retrouve encore ce chiffre de 50 %. Dans les personnes qui se sont présentées, qui s'est présenté, qui a représenté quelqu'un ou qui a représenté plusieurs personnes ?

Je passerai sur les difficultés considérables que nous avons rencontrées. Sachez seulement que nous avons eu un nombre très limité d'informations pour retrouver ces personnes. Étonnamment, nous avions juste un nom et un prénom, une date de naissance et une adresse. Sur les 1 000, toutes les adresses étaient fausses. Il manquait en outre une donnée indispensable pour traiter notamment les problèmes d'homonymie : le lieu de naissance. Or notre commanditaire, comme tous nos clients dans la grande majorité des cas, a les lieux de naissance.

Au Portugal, avec une organisation administrative est assez similaire à la nôtre, qui fonctionne et en laquelle nous pouvons avoir raisonnablement confiance, nous avons seulement trouvé un ou deux possibles fraudeurs sur 500. Vous savez comment sont constitués les noms et les prénoms au Portugal : il est très facile de confondre et de prendre une personne pour une autre et encore pour une dixième autre. En dépit de tout cela, nous avons fait le job.

L'un des grands enseignements est qu'il faut absolument avoir ces informations complémentaires pour être beaucoup plus performant et percutant. Nous irons plus vite, nous ferons mieux et pour moins cher.

Le deuxième enseignement concerne la mesure de la fraude.

Même si on ne fait pas appel à Excellcium, il faut absolument la quantifier. Je le dis pour nous, pour la France, pour notre pays, pour nos comptes publics qui sont dans un état désastreux. On réforme les retraites, mais le robinet coule dans la baignoire qui est ouverte. Pour quantifier, il faut sortir d'un certain déni de réalité et prendre en considération les informations que nous faisons remonter, parce que nous avons l'information fine, l'information du terrain. Nous ne sommes pas derrière un guichet de banque, dans une agence à Alger ou ailleurs, à regarder défiler du monde. Nous allons chercher. Comme l'avait dit la sénatrice Nathalie Goulet, nous avons retrouvé des décédés dans les cimetières.

Nous avons monté des équipes et quatre réseaux – c'est le quatrième qui a fonctionné – qui savent parler à chaque personne, qui savent parler le berbère, le tamazight, l'algérois, parce que sinon vous n'avez pas l'information.

J'en reviens à cette initiative. Je la salue parce que c'est déjà une initiative, mais elle a tout sauf la discrétion. Prenez un camion de cirque avec un haut-parleur et déclamez dans les rues d'Alger la liste des personnes que vous recherchez. Je vous garantis le résultat !

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