COMMISSION D'ENQUÊTE RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES
Jeudi 25 juin 2020
La séance est ouverte à seize heures trente.
Présidence de M. Patrick Hetzel, président
La commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales procède à l'audition de M. Pierre-Alexandre Rocoffort de Vinnière, président de la société Excellcium, et de M. Philippe Caradec, directeur en charge du développement et des relations institutionnelles.
Nous entendons aujourd'hui M. Pierre-Alexandre Rocoffort de Vinnière, président de la société Excellcium, et M. Philippe Caradec, directeur en charge du développement et des relations institutionnelles.
La société Excellcium a été missionnée en 2018 puis en 2019 par l'AGIRC-ARRCO (association générale des institutions de retraite des cadres et association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) afin de réaliser des contrôles sur les prestations de retraite complémentaire versées à l'étranger. De premiers éléments communiqués à la commission d'enquête font état de propositions relatives à la sécurisation des certificats de vie. D'autres éléments que vous nous avez transmis hier en réponse à notre questionnaire ont été envoyés à tous les membres de la commission d'enquête. Ils présentent un intérêt tout particulier. Nous vous remercions pour cette contribution.
Nous serons heureux de vous entendre sur cette mission particulière qui vous a été confiée par l'AGIRC-ARRCO, mais aussi sur les autres enquêtes que vous avez pu mener pour des sociétés privées et sur la vision d'ensemble que vous avez aujourd'hui de la fraude aux prestations sociales, d'autant que vous avez émis à plusieurs reprises des propositions pour élargir le dispositif au-delà de l'AGIRC-ARRCO et pour mener de manière plus systématique un travail concernant un plus grand nombre de cas et, potentiellement, un plus grand nombre d'organismes.
Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc tous deux à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
Les missions qui nous ont été confiées l'ont été par un organisme semi-public, mais aussi par des organismes privés. Ces organismes pouvaient supputer qu'un certain nombre de leurs retraités étaient, malgré les certificats de vie qu'ils recevaient, décédés. À partir de là, ils ont essayé de mettre en place différents tests, sur place ou depuis la France, puisque la plupart de ces retraités supposés décédés étaient étrangers, spécifiquement en Afrique du Nord, en Algérie.
À la suite de ces supputations, ils nous ont mandatés pour trouver une solution afin de savoir si oui ou non il y avait des cas de fraude où des personnes touchaient la retraite d'un retraité en fait décédé.
Nous donc avons mis en place un protocole et missionné un certain nombre de personnes sur place afin de savoir si, oui ou non, des retraités de notre commanditaire, en l'occurrence l'AGIRC-ARRCO, étaient décédés ou pas, alors qu'ils percevaient leur retraite. Ils nous ont confié de manière aléatoire 1 000 dossiers en Algérie et 500 au Portugal.
Je passe rapidement sur le Portugal, où tout semble relativement concorder. Je n'ai pas de suspicion de fraude particulière, sauf pour quelques dossiers évidemment.
S'agissant de l'Algérie, on nous a confié 1 000 dossiers de personnes de plus de 85 ans. Notre mission était de vérifier s'ils étaient décédés. Au début des discussions avec notre commanditaire, une suspicion de fraude suffisait. Nous étions uniquement rémunérés au résultat. Puis ils ont arrêté le fait qu'il nous fallait une preuve irréfutable de décès, donc un certificat de décès algérien avec une traduction française. Sur 1 000 dossiers répartis entre quatre wilayas distinctes – étonnamment pas celle d'Alger, qui est la plus importante –, nous en avons retrouvé 500 personnes. Notre travail, chez Excellcium, est de retrouver les gens, en France et partout dans le monde. Généralement, nous retrouvons entre 80 et 92 % des personnes.
En l'occurrence, nous n'en avons retrouvé que 50 %. Sur ces 50 % nous avons ressorti de l'administration algérienne 26 % d'actes de décès. Pour les 24 % restants, ce sont des supputations de décès, je n'ai donc pas l'acte de décès qui permet de prouver que la personne est décédée, ou l'acte de décès qu'on m'a présenté est tellement farfelu que je ne peux pas me permettre de le présenter à mes clients, ou alors les personnes sont bien vivantes ; ce qui laisse un nombre de personnes vivantes relativement faible.
Les 500 personnes que je n'ai pas retrouvées, à mon grand étonnement évidemment, sont selon nous décédées à l'étranger, en France pour la grande majorité. Nous avons d'ailleurs fait un picking sur les personnes algériennes décédées dans les quatre hôpitaux principaux de Marseille. Il y a à peu près un millier de personnes étrangères, algériennes, qui décèdent à Marseille. Au vu du test que nous avons effectué, le protocole de suivi de documents administratifs nous permet de penser, a priori, que quand un étranger meurt sur le territoire français, aucun certificat de décès n'est transmis aux autorités compétentes du pays d'origine. Un certificat est envoyé à la mairie. La mairie n'en fait rien, sinon le transmettre à l'administration de la santé à des fins de comptabilisation du nombre de décès. Rien n'est envoyé à l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), au consulat, aux autres administrations françaises, et évidemment pas à nos commanditaires.
Nous supputons donc que les 500 personnes que nous n'avons pas réussi à retrouver sont malgré tout décédées, mais en France.
Quand nous demandons sur place les certificats de décès à l'administration algérienne dans les différents villages, wilayas ou villes, elle est incapable de nous les ressortir parce que ces personnes sont décédées en France.
Nous gérons une entreprise privée dont le but est évidemment d'être relativement rentable. En dépit de cela, nous sommes tellement sûrs de nous concernant ces décès survenus en France que nous avons proposé à notre commanditaire de lui offrir une centaine de dossiers. Nous avons essuyé un refus. Nous ne savons pas pour quelle raison.
Nous sommes également allés voir la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), qui n'a pas voulu aller plus loin.
Nous avons proposé nos services à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), que nous n'avons jamais vraiment réussi à rencontrer. Nous ne leur avons jamais fait d'offre tarifaire, d'offre de prestations, etc. – à mon grand étonnement, c'est pourquoi je me permets d'en parler aujourd'hui.
Je vous interromps car nous avons reçu en audition le directeur général de la CNAV qui nous indiquait que...
…que, grosso modo, c'était trop cher de faire appel à une société privée.
Nous imaginons qu'ils nous ciblaient parce que je pense qu' a priori, nous sommes la seule société française à être intervenue sur cette typologie de sujet. Nous avons monté ce qu'on appelle un POC (proof of concept), soit un test pour notre commanditaire. Dans le cadre de ce test, qui est vraiment un prototype, nous avons établi un tarif. Une fois que la prestation a été industrialisée, les prix ont été divisés par trois ou quatre au moins. Nous travaillons aujourd'hui pour un certain nombre d'organismes privés sur ce genre de sujet. Si la CNAV vient vers nous demain, les tarifs seraient largement divisés par rapport à ceux proposés au commanditaire dont nous parlons. C'est pourquoi j'ai été très étonné par sa réponse.
Accessoirement, sur la partie française qui correspondrait à environ 50 % des dossiers, les tarifs sont bien sûr beaucoup moins importants que pour un travail réalisé sur le terrain en Algérie.
Entre 350 et 1 500 euros par dossier.
Plus la quantité de dossiers à traiter est importante, plus il y a d'économies d'échelle et plus les tarifs sont revus à la baisse.
Pour la partie algérienne, nous avons ressorti 26 % de certificats de décès. Lorsque vous demandez un certificat de décès en France, vous l'avez dans la journée, le lendemain ou dans les trois jours. Comme par hasard, en Algérie, à chaque fois que nous avons travaillé sur un dossier, l'administration a mis deux, trois, quatre ou cinq mois à nous ressortir le certificat de décès. Nous supposons, et c'est notre travail d'enquêteur de nous poser les bonnes questions, que les directives ont été demandées avant de sortir le certificat de décès. Accessoirement, que vous appeliez n'importe quel équivalent de nos mairies en Algérie pour demander si monsieur untel est décédé ou pas, la réponse orale est systématiquement la suivante : « Oui, il est en vie, je le connais très bien. » Après insistance, le certificat de décès est demandé. Ils sont obligés de le sortir au bout d'un moment. Ils mettent un certain nombre de mois le faire. Entre-temps, il a été envoyé à notre commanditaire.
Étonnamment, sur 90 % des certificats de décès que nous avons ressortis, la date de décès indiquée était dans les deux ou trois mois précédant notre demande.
Ce qu'il faut savoir, c'est que, pour nos commanditaires, on ne peut estimer qu'il y a fraude que si la personne est décédée depuis plus de six mois. En dessous de six mois, il n'y a pas d'indu à reverser, il n'y a pas de pension de réversion, etc.
Les 26 % ne prennent pas en compte le nombre de certificats de décès que nous avons reçus – et qui, sauf erreur de ma part, vous ont déjà été présentés –, qui sont des « vrais-faux », de vrais certificats de décès sortis de l'administration avec des dates tellement farfelues qu'ils sont évidemment faux. Quand la date de décès précède la naissance, il y a un problème !
Nous avons fait remonter ces informations. Nos commanditaires estiment qu'à partir du moment où l'acte de décès date de moins de six mois par rapport à la demande, il n'y a pas de fraude. Ils en concluent qu'il y a 0,6 % de fraude quand nous estimons qu'il y en a au minimum 40 % – au minimum car nous ne tenons pas compte ici de la partie française du dossier, c'est-à-dire les Algériens décédés à l'étranger, en France par exemple : nos commanditaires, je l'ai dit, ont refusé que nous fassions des tests gracieux sur cette partie-là.
Je vous interromps de nouveau afin que nous soyons bien d'accord sur ce dont nous parlons.
Vous indiquez avoir réalisé un travail pour l'AGIRC-ARRCO sur 1 000 allocataires en Algérie âgés de 85 ans et plus. Quand vous évoquez des taux de fraude aux alentours de 45 à 50 %, est-ce que vous raisonnez sur ce quantum des 1 000 ?
Par ailleurs, aujourd'hui, il y a 400 000 retraites qui sont versées à des personnes qui se trouvent physiquement sur le sol algérien, donc des retraites versées par différents régimes de retraite français, généralement à des ressortissants algériens qui sont retournés dans leur pays d'origine.
Est-ce que vous considérez que ce taux de 45 à 50 % s'applique pour les 1 000 ou est-ce que, potentiellement, il s'appliquerait pour les 400 000 retraités ?
Nous avons fait un picking sur les plus de 85 ans et travaillé sur 1 000 dossiers, ce qui n'est pas anodin. Je pense que c'est relativement significatif par rapport au fichier de nos commanditaires. Nous, qui sommes des professionnels de la recherche, de l'enquête, de la généalogie et de la personne pour le compte de cette typologie de clients, estimons qu'il y a effectivement au minimum 50 % de fraude pour les plus de 85 ans. Ensuite, si nous descendons aux plus de 80 ans, nous allons peut-être descendre à 45 %. Et si l'on monte aux plus de 100 ans, je vais estimer la fraude à plus de 70 %. Je m'étonne d'ailleurs du nombre extraordinaire de centenaires théoriques en Algérie au regard du nombre de centenaires en France. Regardez le nombre de retraités centenaires qui touchent une retraite française en Algérie : la proportion ne correspond pas. On nous explique que c'est parce qu'il n'y a pas eu de Première Guerre mondiale ou n'importe quoi, mais la réalité est tangible. Notre travail est de se baser uniquement sur du bon sens et de nous assurer que les chiffres qui nous sont présentés correspondent à la réalité.
En l'occurrence, ce n'est absolument pas le cas.
Je vous disais que, s'agissant des plus de 85 ans, il s'agissait un picking au hasard. J'ai cependant été étonné d'avoir aussi peu de centenaires dans les dossiers qui nous étaient confiés. Pour les centenaires, nous rapportons 36 % de certificats de décès. Nous n'arrivons qu'à 26 % pour les autres, simplement parce que nous arrivons à récupérer véritablement les certificats de décès. Ensuite, il y a énormément de dossiers pour lesquels nous n'arrivons pas à avoir le certificat de décès.
Donnez-moi les plus de 150 ans, je vous dirai qu'il y aura 99 % de fraude…
Nous apportons des solutions gracieusement en disant que nous sommes sûrs, parce que c'est notre job, qu'il y a un taux de fraude absolument démesuré sur les décédés en France. Nous avons fait un picking à Marseille. On nous a alors fait comprendre que Marseille était une ville à laquelle on tenait – c'était un peu avant les élections municipales – et sur laquelle il ne fallait pas travailler. Je n'ai pas compris le lien. Si je ne suis pas missionné sur un sujet, je ne vais évidemment pas y aller.
Pour autant, selon les études que nous avons faites pour savoir ce que nous allions dire à nos clients potentiels, d'après le nombre d'Algériens qui vont se faire soigner en France quand ils sont en fin de vie, nous supputons que les personnes étrangères qui vont se faire soigner en France vont dans une ville dans laquelle ils ont des attaches familiales, ce qui semble relativement logique. Il n'y a pas de ligne aérienne directe entre Alger et Marseille. Cela veut dire qu'ils passent par Paris ou par Toulouse par exemple. À moins que le professeur Raoult ait fait des émules de l'autre côté de la Méditerranée, il y a quand même, comme par hasard, beaucoup d'Algériens qui vont se faire soigner à Marseille.
Ce qui nous a été indiqué oralement – nous n'avons pas de preuves écrites –, c'est qu'il y a beaucoup d'Algériens qui viennent se faire soigner en fin de vie, qui décèdent, qui ont des assurances spécifiques privées algériennes pour venir en France, au pire, pour le rapatriement du corps en bateau. Aucun certificat de décès n'est envoyé aux administrations françaises. Un certificat de décès est envoyé à la mairie, mais il n'y a pas d'avis de décès rédigé ensuite s'il n'est pas demandé. Les familles l'ont, elles veulent ou pas le transmettre au consulat d'Algérie en France, à l'administration française ou à l'administration algérienne.
En l'occurrence, nous savons que, sur les 500 personnes que nous avons retrouvées, aucune n'était décédée en France, ce qui est impossible. Pour nous, les familles gardent les certificats de décès, en font ce qu'elles en veulent, mais ne le donnent certainement pas aux administrations.
Si on leur met suffisamment la pression, ils nous donnent le certificat de décès – car pour avoir un certificat de décès algérien, il est nécessaire d'avoir le consentement de la famille. Une fois qu'on a le consentement de la famille, on ne sait pas ce qui est fait du certificat de décès.
Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de Photoshop… La fraude est simple !
Aujourd'hui, le document demandé pour le versement d'une retraite, c'est le certificat de vie. Vos enfants savent utiliser Photoshop. Vous imaginez bien que, pour des fraudes qui semblent bien être totalement institutionnalisées, ils savent le faire aussi. La question est de savoir comment nos commanditaires peuvent se reposer sur un certificat de vie. Comment est-ce possible ?
Pour prendre un prêt immobilier ou un achat quelconque, je suis obligé de montrer dix papiers de l'administration, un certificat de domicile, une carte d'identité, un permis de conduire, etc., etc.
Sur un certificat de vie, il n'y a pas de photo. Du reste, même s'il y avait une photo, même si on demandait à la personne de se déplacer, vous ne feriez pas la différence entre M. Untel qui se déplace et qui a 80 ans et M. Untel qui est sur le papier et qui a 102 ans.
Je le sais, c'est notre métier.
Nos commanditaires se reposent sur des certificats de vie qui sont trop facilement falsifiables.
Vous menez des auditions sur la fraude à la sécurité sociale. La première chose, évidemment, c'est le fait que les préposées de la sécurité sociale ne vérifient pas l'identité des personnes quand elles leur présentent une carte, parce qu'elles ont peur. Quand se présentent quatre personnes qui ont des épaules ultra-larges, la petite dame qui est censée vérifier ne va pas chercher des problèmes.
En Algérie, et à l'étranger, de manière générale, c'est pire.
Le véritable problème est pour moi le calcul de la fraude potentielle. La façon de calculer de nos commanditaires me semble tellement peu professionnelle que je me demande qui a estimé ça, qui s'est dit que les documents n'étaient pas falsifiables. On part du principe que tout ce qu'on nous donne est juste. J'en parlerai à mon banquier !
Vous soulignez une contradiction entre le taux de fraude estimé l'AGIRC-ARRCO et celui qui résulte de vos travaux. Cela a donné lieu à un bilan contradictoire. Pourriez-vous le communiquer à la commission ?
Non, vous le demanderez à l'AGIRC-ARRCO. Je pense que cela peut faire partie de vos prérogatives et cela m'intéresserait que vous leur posiez la question. Ce que je peux vous dire, c'est qu'ils nous ont fait part d'un taux de fraude estimé selon eux à 0,6 %. Selon nous, il se situe plus aux alentours de 40 % de manière très factuelle, prouvée par des certificats de décès, etc.
Une fois qu'on demande les certificats de décès, comme par hasard ou heureusement, ils sont envoyés, avant de nous les présenter, à l'organisme. La personne à qui on demande le certificat de décès se dit qu'il vaut mieux prendre les devants et présenter un certificat de décès de moins de six mois aux différents organismes. Du coup, notre commanditaire nous dit qu'il n'aurait pas eu besoin de nous parce qu'il a reçu le certificat de décès.
La réalité est que le certificat de décès a été édité uniquement parce que nous l'avons demandé de manière relativement intense.
Autrement dit, quand Excellcium lâche ses enquêteurs, il y a des volées de certificats qui émergent.
Il faut bien être conscient de cela : nos enquêteurs ont poireauté, on les a fait venir et revenir. Ils étaient basés à Alger, ils ont dû aller à Tizi Ouzou, à Sétif, à Bordj Bou Arreridj, à Bejaïa, venir une fois, deux fois, trois fois, quatre fois pour enfin avoir le certificat.
Nous aurions aimé que notre commanditaire nous dise spontanément : « Halte au feu, je viens de recevoir le certificat de vie de M. Untel ! » Nous aurions gagné un temps considérable, nous aurions fait des économies et nous aurions tous, parce que c'est l'intérêt général qui compte pour nous, réalisé des économies et été beaucoup plus efficaces.
J'en tire un ensemble d'enseignements qui sont très forts pour nous, et je pense pour les organismes et les institutions qui veulent lutter contre la fraude, parce que nous avons une expérience de terrain. Nous sommes allés très loin. C'est le privilège, en quelque sorte, en même temps que le devoir et l'obligation d'un groupe privé, contrairement à une institution étatique qui doit prendre certaines précautions avant d'engager ou de ne pas engager certaines démarches.
Nous avions une condition sine qua non qui était la discrétion absolue. En aucun cas nous ne devions apparaître et être mentionnés, en aucun cas notre commanditaire ne devait apparaître ou être mentionné, en aucun cas une démarche de l'État français ou d'une quelconque institution ne devait être supposée, présupposée, voire subodorée.
Nous avons tenu cet engagement et avons eu en plus des résultats.
C'est bien qu'il y ait des initiatives, parce que toutes les initiatives qui concourent à lutter contre la fraude, même les plus modeste, permettent d'avancer. Encore faut-il avancer en cohérence.
Un test sur 1 000 personnes a été réalisé en Algérie avec le réseau de la BRED-Banque Populaire et leur partenaire algérien. C'est très bien de prendre cette initiative. Maintenant, de même qu'on ne demande pas à un banquier de vérifier des informations sécuritaires, on ne demande pas un enquêteur de vérifier les comptes d'un particulier. Le banquier s'occupe de la banque, les officiers de sécurité s'occupent des problématiques d'identification et de sécurité et les enquêteurs s'occupent d'enquêter et de retrouver les personnes. S'il y a une bonne répartition, nous avancerons.
Je ne connais pas les résultats. On m'a dit qu'il y avait à peu près une personne sur deux qui s'était présentée. C'est déjà très bien, mais on retrouve encore ce chiffre de 50 %. Dans les personnes qui se sont présentées, qui s'est présenté, qui a représenté quelqu'un ou qui a représenté plusieurs personnes ?
Je passerai sur les difficultés considérables que nous avons rencontrées. Sachez seulement que nous avons eu un nombre très limité d'informations pour retrouver ces personnes. Étonnamment, nous avions juste un nom et un prénom, une date de naissance et une adresse. Sur les 1 000, toutes les adresses étaient fausses. Il manquait en outre une donnée indispensable pour traiter notamment les problèmes d'homonymie : le lieu de naissance. Or notre commanditaire, comme tous nos clients dans la grande majorité des cas, a les lieux de naissance.
Au Portugal, avec une organisation administrative est assez similaire à la nôtre, qui fonctionne et en laquelle nous pouvons avoir raisonnablement confiance, nous avons seulement trouvé un ou deux possibles fraudeurs sur 500. Vous savez comment sont constitués les noms et les prénoms au Portugal : il est très facile de confondre et de prendre une personne pour une autre et encore pour une dixième autre. En dépit de tout cela, nous avons fait le job.
L'un des grands enseignements est qu'il faut absolument avoir ces informations complémentaires pour être beaucoup plus performant et percutant. Nous irons plus vite, nous ferons mieux et pour moins cher.
Le deuxième enseignement concerne la mesure de la fraude.
Même si on ne fait pas appel à Excellcium, il faut absolument la quantifier. Je le dis pour nous, pour la France, pour notre pays, pour nos comptes publics qui sont dans un état désastreux. On réforme les retraites, mais le robinet coule dans la baignoire qui est ouverte. Pour quantifier, il faut sortir d'un certain déni de réalité et prendre en considération les informations que nous faisons remonter, parce que nous avons l'information fine, l'information du terrain. Nous ne sommes pas derrière un guichet de banque, dans une agence à Alger ou ailleurs, à regarder défiler du monde. Nous allons chercher. Comme l'avait dit la sénatrice Nathalie Goulet, nous avons retrouvé des décédés dans les cimetières.
Nous avons monté des équipes et quatre réseaux – c'est le quatrième qui a fonctionné – qui savent parler à chaque personne, qui savent parler le berbère, le tamazight, l'algérois, parce que sinon vous n'avez pas l'information.
J'en reviens à cette initiative. Je la salue parce que c'est déjà une initiative, mais elle a tout sauf la discrétion. Prenez un camion de cirque avec un haut-parleur et déclamez dans les rues d'Alger la liste des personnes que vous recherchez. Je vous garantis le résultat !
Les chiffres que vous avez établis selon vos techniques de contrôles confirment le taux de fraude que vous mentionniez dans vos réponses à notre questionnaire.
Vous décrivez une fraude réelle, généralisée, défendue et probablement institutionnalisée. Lorsque vous vous adressez à des mairies, on vous explique que la personne est bien connue et en très bonne santé. Or un certificat de décès est produit deux mois plus tard, renvoyant à une période où elle était déjà décédée alors qu'elle était censée bien aller. Ce sont des éléments forts et graves.
Notre commission s'intéresse à la fraude sociale dans toutes ses configurations, mais tout particulièrement à la notion de fraude organisée, de fraude collective. D'après votre expérience en Algérie, s'agit-il d'un comportement culturel, où le comportement sera le même quelle que soit la mairie parce que cela fait partie, entre guillemets, d'une culture, ou bien est-ce un système d'État qui favorise une forme de ponction frauduleuse de deniers publics français à destination d'une population algérienne vivant ou ayant vécu une partie de sa retraite en Algérie ? Ce n'est pas la même chose.
Monsieur Rocoffort de Vinnière, vous indiquez ne pas comprendre pourquoi des organismes comme l'AGIRC-ARRCO et d'autres organismes publics de prestations sociales se fondent uniquement sur un certificat de vie aisément falsifiable.
Or, dans les auditions que nous avons menées, ces organismes – la CNAM, etc. – nous ont expliqué que désormais, pour ouvrir des droits., la personne doit présenter plusieurs documents, jamais un seul, précisément pour essayer de prévenir cette potentielle falsification de documents.
D'autre part, s'agissant de la falsification de documents, avez-vous pu mesurer, dans les contrôles que vous avez opérés, ce qui relève de la falsification grossière et une fraude beaucoup plus insidieuse et complexe à détecter, relevée notamment par direction centrale de la police aux frontières en matière d'usurpation d'identité – ce phénomène pouvant être une des causes du système de fraude que vous décrivez ? En d'autres termes, quelle est la part de la falsification grossière de documents et ce qui relève d'un trafic de documents authentiques, mais utilisés de manière frauduleuse ? Pouvez-vous ou non le mesurer dans vos contrôles ?
Au vu de toutes les informations que nous avons obtenues sur place, dans les quatre wilayas qui nous ont été confiées nous considérons de manière suffisamment claire pour le clamer haut et fort aujourd'hui que c'est une fraude a minima régionalisée. Au niveau de l'État, je ne serais pas capable de le dire aujourd'hui parce que, malheureusement, on ne nous a pas confié les wilayas les plus importantes, – j'étais d'ailleurs très étonné que l'on ne travaille pas sur Alger, puisque c'est là où il y a le plus de retraités.
Bref, en écoutant de façon très basique, très terre à terre, les retours de mes enquêteurs, je conclus c'est a minima une fraude régionalisée, bien sûr.
Est-ce culturel ? Est-ce financier ? Je ne saurais pas le dire aujourd'hui. En revanche, ce qui me semble absolument certain, c'est que toutes les administrations algériennes ont été briefées sur la réponse qu'elles devaient apporter lorsqu'on leur demandait un certificat de décès. La réponse est la même : « Ce n'est pas vrai. ». Parfois c'est le cousin, parfois c'est le frère... dans tous les cas, elles le connaissent !
Votre deuxième question porte sur les pièces à présenter pour chaque nouvelle personne qui rentre dans les fichiers. En l'occurrence, nous travaillons sur des personnes qui ont plus de 85 ans et sont retraitées depuis longtemps. Je ne sais pas ce qui se passe aujourd'hui. J'espère bien évidemment qu'il y a des vérifications un peu plus poussées aujourd'hui qu'à l'époque pour les nouveaux affiliés. Mais ce qui est sûr, c'est que, quel que soit le nombre de pièces qu'ils doivent donner à l'entrée, les certificats de vie envoyés chaque année sont tous les mêmes. Et un certificat de vie est très facile à falsifier.
Philippe Caradec vous disait à l'instant que nous avions envoyé quatre équipes sur place, ce qui est beaucoup. Nous étions en période de test, il s'agissait de trouver une nouvelle solution à une nouvelle problématique, nous voulions que cela marche, donc nous essayons de tout tester et nous mettons quatre équipes en place. Vous imaginez les profils : des anciens policiers, des anciens de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de vrais professionnels.
Nous pourrons vous fournir tous les éléments, mais étonnamment, les 50 premiers actes de décès que j'ai reçus et que j'ai vérifiés personnellement – parce que c'était un sujet important et que tous les documents et retours arrivaient directement sur mon bureau –, étaient tous faux. La date de décès était antérieure à celle de l'acte de naissance, par exemple. Évidemment, nous avons tapé du poing sur la table en disant que c'était strictement impossible et anormal de recevoir ce genre de choses et qu'il fallait redemander aux mairies parce qu'il y avait eu un problème. Comme par hasard, après, il y avait beaucoup moins de problèmes sur les quatre wilayas. C'est donc institutionnalisé, ma réponse est très claire.
Quant à savoir si c'est régionalisé ou étatisé, je ne peux répondre que pour le niveau régional. Nous avons eu 50 faux. Nous avons dit aux administrations qui nous les avaient transmis que c'étaient des faux, que ce n'était pas possible. Ils sont montés en compétence et depuis, effectivement, nous avons eu beaucoup moins de faux.
J'espère que cela répond à votre question.
Une question sur vos équipes pour bien comprendre comment s'effectue le travail, sans trahir de secret professionnel : les agents qui sont intervenus pour le compte de votre société sont-ils des enquêteurs de droit privé et sont-ils soumis à la législation et à la réglementation qui encadrent cette profession ?
En France, oui, absolument. L'activité relève du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). L'autorisation qui est donnée ou pas par le ministère de l'intérieur. Excellcium a cette autorisation, de même que toutes les équipes que nous faisons travailler. Je ne peux évidemment pas divulguer le type de liens que nous avons avec ces personnes, qui ne peuvent évidemment pas travailler sous l'étiquette Excellcium. D'aucune manière, on ne peut faire le lien entre elles et Excellcium.
Sur place, elles ont l'obligation de se conformer à la législation du pays. C'est très clair aussi.
Après la recherche particulière demandée par l'AGIRC-ARRCO en l'Algérie, êtes-vous en capacité, si un autre organisme de prestations sociales vous le demandait demain pour un autre type de prestation ou pour un autre type de fraude, lié soit à la fraude documentaire, soit à l'usurpation d'identité, de réaliser ce même travail ?
D'après les différents organismes que nous avons entendus, dont les services de la direction centrale de la police aux frontières, nous savons par exemple qu'il existe une typologie de fraude au travail détaché et nous connaissons des pays à risque, par exemple la Roumanie.
Votre société serait-elle capable, demain, de traiter ce type de question sous l'égide d'un service public de lutte contre la fraude ? Pourriez-vous être prestataire d'une politique et d'une stratégie particulières ciblées vers la lutte contre la fraude ?
La réponse est oui.
Tout d'abord, nous avons actuellement sur place, et pas seulement en Algérie, les équipes opérationnelles, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, qui travaillent pour d'autres organismes, dont plusieurs grands assureurs français privés qui, eux, savent pertinemment qu'il y a une fraude. Ils savent qu'elle est très importante, voire massive. Ils apprécient les résultats d'Excellcium, la manière de travailler, la remontée, la fiabilité, les tarifs qui sont maintenant ceux de grands volumes dont tout organisme peut bénéficier.
Premièrement, nous avons des équipes qui sont opérationnelles, deuxièmement, nous avons la possibilité de monter en capacité très rapidement, sur 5 000, 10 000, 15 000 dossiers. C'est d'ailleurs à la fois un étonnement et peut-être un regret d'avoir cet élan, cette montée en puissance des équipes d'Excellcium, stoppés net, car nous aurions pu continuer, à partir de ce fichier AGIRC-ARRCO, à pousser les feux dans certaines wilayas où nous sommes à 30, 35, 40 % de fraude quand nous n'étions qu'à 18 dans une autre. Il s'agit donc de vrais nids de fraudes que nous avons signalés. Nous avons réitéré nos demandes.
Nous aurions donc pu aujourd'hui présenter, ici et à notre commanditaire, un résultat bien plus important que celui que nous avons présenté le 4 juin 2019. Vous imaginez bien le résultat si on avait laissé les équipes Excellcium continuer à travailler un an de plus, et en France également !
Par ailleurs, il y a des multipensionnés et il y a des parentés.
Le groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite est aujourd'hui en charge d'un certain nombre d'opérations de coordination, notamment en matière de retraite supplémentaire. Des dispositions ont été votées à l'instigation du député Labaronne il y a quelques jours, elles doivent maintenant être actées.
On peut imaginer que les trente-cinq organismes de retraite représentés au sein du GIP ont des fichiers concordants et qu'une mutualisation peut être réalisée.
Nous pouvons tout à fait dupliquer ce que nous avons fait pour d'autres types de prestations et d'autres typologies de fraude. Du reste, beaucoup d'autres sociétés pourraient le faire, il n'y a pas qu'Excellcium.
Pour en revenir à l'historique, en mars 2017, le directeur de la retraite complémentaire d'un des premiers organismes de gestion de la retraite complémentaire en France me dit : « M. Caradec, j'ai un problème, c'est celui de la validation des certificats de vie. Pouvez-vous me trouver une solution ? » À cette époque-là, nous n'avions pas la solution. Le problème ne nous avait jamais été soumis, nous n'avions jamais été saisis. Je lui ai demandé quelques semaines avant de revenir vers lui avec une solution. Nous avons monté un projet que nous sommes allés présenter avec eux à l'AGIRC-ARRCO.
Bref, la réponse est trois fois oui.
Les certificats de vie, on l'a dit, sont facilement falsifiables, mais le premier élément à mettre en place, me semble-t-il, et ce n'est pas Excellcium qui le fait donc je suis totalement objectif, ce sont des outils que nous utilisons de manière régulière pour d'autres sujets, à savoir des logiciels pour vérifier si les documents ont été photoshopés ou pas, s'ils ont été modifiés. C'est très simple, mais cela n'existe pas chez nos commanditaires. Je suis effaré par la façon de traiter ce genre de sujet. Étant pour notre part entrés dans le détail, nous avons vu l'ampleur de la fraude qu'il pouvait y avoir, et la façon dont les organismes de gestion traitent la fraude potentielle me semble hallucinante. Les organismes privés qui nous font confiance, et qui font peut-être plus attention à leur argent parce que c'est le leur, sont ravis de nos prestations et continuent de manière régulière à nous confier des missions, non seulement en Algérie mais aussi au Maroc, en Tunisie et dans quelques pays d'Afrique noire comme le Mali ou le Gabon.
La moindre des choses serait d'utiliser un logiciel qui permette de savoir si le document a été photoshopé ou pas. Cela donne une indication. Nous l'utilisons et je ne vois pas pourquoi un organisme public ou semi-public ne pourrait pas le faire.
S'agissant des retraites complémentaires gérées par AGIRC-ARRCO, l'organisme lui-même évalue une fraude de 0,6 %, et nous retrouvons de manière récurrente des pourcentages de 0,6 %, 1 % ou 1,2 % dans les évaluations des fraudes aux autres prestations sociales.
Je sais bien que la méthode d'extrapolation peut être contestable, mais si on transposait votre modèle de vérification d'un niveau de fraude à d'autres prestations – sans pour autant retrouver les proportions parce que nous voyons bien que c'est un système très organisé, institutionnalisé, dans un pays en particulier et pour un type de prestation en particulier –, pensez-vous, d'après l'expérience que vous avez, que la fraude aux prestations sociales pourrait en réalité être bien supérieure aux évaluations des organismes de prestations sociales en France ?
Aujourd'hui, nous intervenons spécifiquement contre la fraude à la retraite, mais nous avons regardé si ce type d'action pouvait être décliné sur d'autres typologies de fraude aux prestations sociales, notamment la fraude à la sécurité sociale, qui n'est pas loin d'être la plus importante.
Nous avons listé tous les éléments que nous aurions mis en place. Nous sommes une société privée, nous faisons donc les choses avec bon sens. Comme par hasard, nous avons trois pages et demie de lignes d'éléments de contrôle que nous aurions mis en place quand aujourd'hui, vous avez deux ou trois lignes dans les différents organismes.
Quand les organismes de sécurité sociale, par exemple, vérifient un élément, ils n'ont que deux ou trois éléments de contrôle. Or nous sommes au XXIe siècle : si vous avez la volonté de frauder, il y a 10 000 façons de le faire. Notre travail est de faire en sorte qu'il y en ait le moins possible, de se demander où les organismes – parce que la fraude peut être institutionnalisée –, les administrations, les personnes, ont la possibilité de frauder et où nous allons pouvoir récupérer de l'information pour prouver qu'ils ont vraiment fraudé ?
Nous sommes une toute petite société privée ; il n'empêche que nous avons 10 000 fois plus de process que n'importe lequel de vos organismes. Tout ce que nous avons mis en place pour la fraude à la retraite peut évidemment l'être pour les différentes fraudes aux prestations sociales de manière générale.
Je suis particulièrement étonné que si peu de vérifications soient faites de manière régulière. Quand nous faisons des enquêtes sur place, quand nous appelons ou rencontrons des agents de la sécurité sociale, nous sommes extrêmement étonnés par leurs réponses. Il n'y a aucune vérification. Ils ne regardent pas la personne qui est en face d'eux et qui leur apporte une carte de sécurité sociale – parce qu'ils n'ont pas envie de se faire crever les pneus, etc. Vous imaginez bien les pressions qu'il peut y avoir ! Les prestations sociales portent bien leur nom.
Nous sommes une petite société privée qui donne son avis d'après ce qu'elle a vu. Vous en ferez ce que vous voudrez. Mais, a priori, nous sommes la seule société en France à avoir cette expérience de terrain et notre avis est que oui, la fraude semble absolument gigantesque, parce que vous laissez la possibilité de le faire. Si on dit à quelqu'un qui touche le SMIC que sa retraite de 1 000 euros s'en va si son père est décédé, il va faire en sorte que son père ne soit pas décédé sur le papier.
Toute une partie de votre activité dépend de commanditaires du domaine de l'assurance et concerne le champ de la fraude aux assurances. Quand on vous a demandé d'intervenir sur le dossier AGIRC-ARRCO, vous avez transposé au secteur des prestations sociales une méthodologie déjà éprouvée en matière de fraude aux assurances. Il s'agit dans les deux cas de sommes versées, indûment ou non, à des ayants droit. C'est ce qui vous a permis de faire un certain nombre de parallèles. Pensez-vous que ce potentiel d'extension méthodologique devrait être approfondi ?
Naturellement.
Le métier d'Excellcium, au départ, est de travailler pour toutes les compagnies d'assurances, les banques, les institutions de prévoyance et les organismes de retraite pour trouver les bonnes informations sur leurs clients de différentes manières. Qu'il s'agisse de données, d'enquête ou de généalogie, nous poussons plus ou moins le curseur en fonction de ce que nous voulons trouver.
Vous avez tout à fait raison, nous avons transposé nos savoir-faire sur une problématique particulière qui nous était posée. De la même manière, nous pourrions très bien transposer la méthodologie que nous avons employée en Algérie, au Portugal, ou aujourd'hui au Maroc et ailleurs sur tous les autres sujets de fraude aux prestations sociales, et ce de manière relativement simple, tellement simple, d'ailleurs, que je m'étonne que cela n'ait pas déjà été mis en place !
Nous essaierons également d'auditionner également des assureurs afin qu'ils nous donnent un peu leur regard sur la question. Eux veillent à ce que la prestation soit versée à un ayant droit légitime.
À une nuance près, c'est que c'est leur argent, donc ils font très attention.
Dans le cas qui nous concerne, il s'agit du pacte républicain. Ce n'est pas l'argent de sociétés privées, ce sont les deniers publics.
D'expérience, nous voyons que les sociétés privées qui nous confient ce genre de mission sont un petit peu plus intéressées par les résultats – elles nous laissent le champ libre et nous donnent un maximum d'informations sur les personnes pour que nous puissions vraiment faire notre travail et les retrouver – que les organismes semi-publics ou publics, avec lesquels nous n'avons eu aucun échange.
Vous avez une solution unique sur un sujet qui semble être relativement important. Vous apportez cette solution en disant de ne pas regarder les tarifs parce qu'il s'agissait d'un test et que les tarifs seront revus en fonction du volume et de beaucoup d'autres paramètres. Étonnamment, les seuls qui n'ont pas daigné répondre à nos demandes de présentation sont des organismes publics. Je ne connais aucune société privée qui ne me recevra pas si je lui dis : « Je vous trouve une solution qui ne va pas vous coûter cher pour lutter contre la fraude ».
Lors d'auditions précédentes, on nous a indiqué les mutuelles étaient particulièrement vulnérables. Sans donner de noms, des mutuelles font-elles appel à vous ?
Excellcium travaille avec la quasi-totalité des acteurs de la place : assureurs, instituts de prévoyance, mutuelles, organismes de gestion de retraite complémentaire, banques.
Parmi eux, il y a un grand nombre de mutuelles pour lesquelles nous recherchons des bénéficiaires de contrats en déshérence, notamment dans le cadre de la loi Eckert, mais pas seulement : également pour des retraites collectives, des retraites supplémentaires, en particulier pour celles qui ont une forte population de personnes qui sont nées à l'étranger – en Europe du Sud ou en Afrique du Nord par exemple –, qui ont travaillé en France et qui sont parties prendre leur retraite dans leur pays ou qui partagent leur existence entre la France et leur pays. Elles apprécient particulièrement le travail que nous réalisons pour identifier les personnes qui sont décédées.
Cela dit, concernant la fraude sur laquelle nous avons travaillé, il n'y a pas de mutuelle qui nous ait pour l'instant missionnés.
La réunion se termine à dix-sept heures trente.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales
Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 16 heures 30
Présents. - M. Pascal Brindeau, M. Patrick Hetzel
Excusés. - Mme Josette Manin, M. Thomas Mesnier