Au vu de toutes les informations que nous avons obtenues sur place, dans les quatre wilayas qui nous ont été confiées nous considérons de manière suffisamment claire pour le clamer haut et fort aujourd'hui que c'est une fraude a minima régionalisée. Au niveau de l'État, je ne serais pas capable de le dire aujourd'hui parce que, malheureusement, on ne nous a pas confié les wilayas les plus importantes, – j'étais d'ailleurs très étonné que l'on ne travaille pas sur Alger, puisque c'est là où il y a le plus de retraités.
Bref, en écoutant de façon très basique, très terre à terre, les retours de mes enquêteurs, je conclus c'est a minima une fraude régionalisée, bien sûr.
Est-ce culturel ? Est-ce financier ? Je ne saurais pas le dire aujourd'hui. En revanche, ce qui me semble absolument certain, c'est que toutes les administrations algériennes ont été briefées sur la réponse qu'elles devaient apporter lorsqu'on leur demandait un certificat de décès. La réponse est la même : « Ce n'est pas vrai. ». Parfois c'est le cousin, parfois c'est le frère... dans tous les cas, elles le connaissent !
Votre deuxième question porte sur les pièces à présenter pour chaque nouvelle personne qui rentre dans les fichiers. En l'occurrence, nous travaillons sur des personnes qui ont plus de 85 ans et sont retraitées depuis longtemps. Je ne sais pas ce qui se passe aujourd'hui. J'espère bien évidemment qu'il y a des vérifications un peu plus poussées aujourd'hui qu'à l'époque pour les nouveaux affiliés. Mais ce qui est sûr, c'est que, quel que soit le nombre de pièces qu'ils doivent donner à l'entrée, les certificats de vie envoyés chaque année sont tous les mêmes. Et un certificat de vie est très facile à falsifier.
Philippe Caradec vous disait à l'instant que nous avions envoyé quatre équipes sur place, ce qui est beaucoup. Nous étions en période de test, il s'agissait de trouver une nouvelle solution à une nouvelle problématique, nous voulions que cela marche, donc nous essayons de tout tester et nous mettons quatre équipes en place. Vous imaginez les profils : des anciens policiers, des anciens de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de vrais professionnels.
Nous pourrons vous fournir tous les éléments, mais étonnamment, les 50 premiers actes de décès que j'ai reçus et que j'ai vérifiés personnellement – parce que c'était un sujet important et que tous les documents et retours arrivaient directement sur mon bureau –, étaient tous faux. La date de décès était antérieure à celle de l'acte de naissance, par exemple. Évidemment, nous avons tapé du poing sur la table en disant que c'était strictement impossible et anormal de recevoir ce genre de choses et qu'il fallait redemander aux mairies parce qu'il y avait eu un problème. Comme par hasard, après, il y avait beaucoup moins de problèmes sur les quatre wilayas. C'est donc institutionnalisé, ma réponse est très claire.
Quant à savoir si c'est régionalisé ou étatisé, je ne peux répondre que pour le niveau régional. Nous avons eu 50 faux. Nous avons dit aux administrations qui nous les avaient transmis que c'étaient des faux, que ce n'était pas possible. Ils sont montés en compétence et depuis, effectivement, nous avons eu beaucoup moins de faux.
J'espère que cela répond à votre question.