Intervention de Jean Arvieu

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 18h00
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Jean Arvieu, adjoint au chef de l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST) :

L'office central de répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST) a été créé en 1996 et a la particularité d'appartenir à la DCPAF.

Une partie de mon intervention s'inscrira dans la droite ligne de ce que vous a exposé, lors de son audition, mon directeur central, M. Fernand Gontier, accompagné de mon collègue M. Didier Martin, en charge de la division d'expertise.

Je rappelle brièvement les trois grandes missions de la DCPAF. La première consiste à garder la frontière, à travers le contrôle des documents d'identité et de voyage, la deuxième est l'éloignement des étrangers en situation irrégulière et la troisième est la lutte contre l'immigration irrégulière sous toutes ses formes, et c'est là le cœur de métier de l'OCRIEST.

On peut, à travers le décret de 1996 complété en décembre 2016, retrouver les trois grandes actions de l'office. La première est le démantèlement des réseaux et filières agissant en bande organisée et favorisant l'immigration irrégulière à travers l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour d'étrangers. La deuxième est la lutte conte l'emploi d'étrangers sans titre. La troisième, relativement nouvelle pour nous, est la lutte contre la fraude documentaire et à l'identité, et ce pas toujours en lien avec l'immigration irrégulière puisqu'en 2016, nous avons récupéré de l'office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) la compétence générale sur le trafic de faux documents.

Les différentes entités de l'office regroupent environ 120 agents, dont 70 enquêteurs, répartis en plusieurs groupes thématiques. Une vingtaine d'enquêteurs composent l'unité de coordination opérationnelle de la lutte contre le trafic et l'exploitation des migrants (UCOLTEM), créée en 2011. Ils recueillent et traitent le renseignement criminel sur les filières, en animant un réseau de partenaires qui comprend notamment des organismes de prestations sociales. Une quinzaine de personnes composent le pôle d'analyse des politiques migratoires, chargé d'analyser les flux d'immigration irréguliers. Enfin, l'OCRIEST, qui utilise des techniques spéciales d'enquête, dispose d'une section d'appui technique.

Les effectifs de l'OCRIEST s'appuient en outre sur un maillage territorial composé de 46 brigades mobiles de recherche, réparties sur le territoire, en métropole et dans les outre-mer, soit 650 enquêteurs dédiés aux trois principales missions de l'OCRIEST.

L'office est chargé du comptage statistique des filières d'immigration démantelées sur le plan national. En 2019, 328 filières d'immigration irrégulière ont été démantelées en France, par les services de la police aux frontières dans 80 % des cas, et par les autres services de la police nationale, de la préfecture de police et de la gendarmerie nationale. Parmi celles-ci, près d'un quart, soit 72 filières, ont eu recours à titre principal à la fraude documentaire, et 63 étaient spécialisées dans le travail illégal.

Ces filières sont essentiellement démantelées par les brigades mobiles de recherche, composées de deux groupes : l'un spécialisé dans le démantèlement des filières d'immigration irrégulière ; l'autre, dans celui des filières de travail illégal. Leurs représentants participent très régulièrement à des CODAF.

Je souhaitais revenir plus particulièrement sur la façon dont l'UCOLTEM anime son réseau de partenaires. Cette unité chargée du recueil, du traitement et de l'exploitation du renseignement criminel en matière de lutte contre les filières, suit et traite également les demandes de coopération internationale émanant de pays tiers ou que la France adresse à ses partenaires, notamment européens. Elle se réunit plusieurs fois par an en séance plénière, en plus des nombreux échanges quotidiens. Comme le décret de création le mentionne, différentes organisations partenaires lui communiquent des informations et des renseignements sur les filières d'immigration et les criminalités connexes, en particulier Pôle emploi, la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) ou l'URSSAF.

Ces communications font l'objet d'un décompte statistique : l'UCOLTEM traite environ 2 000 informations et saisines par an en vue de rédiger des notes opérationnelles qui ont vocation à être transmises à des services d'enquête à des fins de judiciarisation. Les groupes opérationnels de l'OCRIEST en sont les principaux destinataires, mais nous alimentons également les brigades mobiles de recherche, ainsi que les autres services de police et de gendarmerie. Il s'agit d'une source importante d'informations sur les saisines et les activités des filières.

Les organismes de sécurité sociale sont relativement peu nombreux à être parties prenantes du réseau de l'UCOLTEM. Les échanges sont assez fluides, bien que peu organisés. Des améliorations pourraient y être apportées.

Comme l'a expliqué Didier Martin, responsable de la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité (DEFDI), à la commission d'enquête, nous nous appuyons sur l'expertise des fonctionnaires de cette division, associée systématiquement aux opérations de police judiciaire de l'OCRIEST, dès lors que nous suspectons la présence d'une officine de fabrication de faux. Cela a été le cas dans un dossier sur lequel la brigade mobile de recherche zonale de Marseille, que nous avons assistée en région parisienne, a enquêté en juin.

La DEFDI est également associée aux activités du groupe cyber de l'OCRIEST, spécialisé dans la traque des faussaires sévissant sur internet, notamment sur le dark web. Nous nous appuyons sur le savoir-faire de cette division. Notre objectif, avec Didier Martin, est de renforcer davantage notre interaction.

Enfin, l'OCRIEST, en complément ou non avec la DEFDI, s'implique dans différents projets européens du cycle politique de la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT, pour European Multidisciplinary Platform against Criminal Threats ). Ces projets permettent de lever des fonds européens pour mener à bien des opérations de police judiciaire. Nous sommes notamment partie prenante de l'action opérationnelle JOT (Joint Operational Team) Dunqett, qui traite exclusivement des filières d'immigration irrégulière, et de JOT Doc Fraud, dernier né de ces programmes, pour lequel nous nous appuyons sur l'action de la DEFDI en matière de détection de fraude documentaire. Dès qu'une action judiciaire implique plusieurs pays européens, l'OCRIEST est associé et peut lever des fonds visant à financer le déplacement d'enquêteurs pour procéder à des recoupements et agir au niveau européen.

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