Intervention de Jean-Marc Galland

Réunion du mercredi 22 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Jean-Marc Galland, chef de la mission « délivrance sécurisée des titres » :

La mission « délivrance sécurisée des titres » fait partie de la direction de la modernisation et de l'administration territoriale du ministère de l'intérieur, laquelle a la responsabilité du corps préfectoral et de la gestion des préfectures. La mission est chargée d'assurer une coordination de l'ensemble des services du ministère de l'intérieur en matière de lutte contre la fraude, le dispositif de détection étant déconcentré au niveau préfectoral. Les référents fraude départementaux, dont la désignation est devenue systématique à partir de 2017 – ce réseau est donc très récent –, sont placés sous l'autorité directe des secrétaires généraux des préfectures.

Le réseau préfectoral de lutte contre la fraude est constitué des référents fraude départementaux, qui ont une compétence générale, des correspondants fraude dans les services des étrangers, dont M. Olivier Marmion vient de parler et qui sont en cours de désignation, et des centres d'expertise et de ressources des titres (CERT), qui ont été créés au niveau interdépartemental à partir de 2017, lors de la dématérialisation de la délivrance des titres par le ministre de l'intérieur. Les CERT, qui assurent l'instruction des demandes et la délivrance des titres, comportent des cellules fraudes.

Parmi les 25 millions de titres délivrés chaque année, on dénombre entre 5 et 6 millions de cartes nationales d'identité (CNI) – il y a eu une augmentation au cours des dernières années –, plus de 4 millions de passeports – on assiste également à une hausse en la matière – et un peu plus d'un million de titres de séjour, le reste étant constitué des cartes grises, ou certificats d'immatriculation des véhicules, et des permis de conduire. Je précise que la question de la fraude à l'identité inclut notamment, pour le ministère de l'intérieur, les permis de conduire, qui restent très souvent utilisés par les Français comme justificatifs d'identité.

En ce qui concerne la lutte contre fraude, l'activité du réseau préfectoral – qui, je l'ai dit, est très récent – monte très vite en charge. On est passé d'un peu plus de 8 000 cas de fraude détectés en 2017 à plus de 21 000 en 2019, ce qui représente presque un quasi-triplement. La part des CNI et des passeports est restée relativement stable, ce qui est plutôt rassurant ; celle des titres de séjour a augmenté, mais dans une moindre proportion que celle des certificats d'immatriculation des véhicules et des permis de conduire – vous connaissez les conditions de délivrance des CNI, des passeports et des titres de séjour.

Je crois qu'il faut bien différencier la fraude documentaire à proprement parler et la fraude à l'identité. Ce sont deux concepts complémentaires mais de plus en plus distincts, qui sont utilisés dans le cadre des statistiques de la délinquance, en particulier de l'état 4001. La fraude documentaire concerne les documents sources, qui sont très divers. Sa part a tendance à régresser par rapport à celle de la fraude à l'identité ou des fraudes à l'identité. Nous sommes confrontés à plusieurs phénomènes.

La fraude à l'identité est parfois qualifiée d'« intellectuelle ». Elle peut reposer sur un titre faussé ou contrefait mais c'est de moins en moins le cas. On distingue d'abord l'usurpation d'identité définie par l'article 226-4-1 du code pénal, qui figure dans son livre II, relatif aux crimes et délits contre les personnes. Dans cette hypothèse, on ne se fait pas seulement passer pour un tiers : on s'approprie une autre identité. Une deuxième forme de fraude, que l'on rencontre de plus en plus et dont la fraude mimétique fait partie, est l'utilisation d'un titre qui n'est pas nécessairement faux en lui-même. On exploite un look alike, un effet de ressemblance. C'est une technique que des réseaux, et même des individus, exploitent de plus en plus – on utilise un titre en s'appuyant sur une similitude des traits du visage.

Il existe aussi des formes beaucoup plus retorses qui font appel à des techniques numériques, comme le morphing, lequel consiste à créer une photographie à partir de plusieurs visages – le titre peut alors être utilisé par plusieurs personnes –, et qui nécessiteront sans doute des contre-mesures beaucoup plus fortes à l'avenir. Ces techniques numériques avancées évoluent très vite. L'utilisation indue d'un titre fait l'objet d'infractions pénales prévues dans une autre partie du code pénal.

L'examen de l'état 4001 montre que la part des infractions relevant de la fraude documentaire et de la fraude à l'identité est passée entre 2017 et 2019 de 1,80 % à 1,98 % du total des infractions constatées en France, ce qui représente une hausse de 10 %. La part de la fraude à l'identité, quant à elle, est passée de 1,02 % à 1,19 %, soit une augmentation encore plus forte, de 17 %. Le phénomène le plus significatif est maintenant la fraude à l'identité : il y a une augmentation extrêmement forte des infractions en la matière. Beaucoup de chiffres circulent. L'état 4001, pour sa part, recense environ 30 000 infractions par an. Dans le total, la fraude par usurpation d'identité sur internet est en hausse : on est passé, en gros, de 3 000 à 5 000 cas entre 2016 et 2018 – pour 2019, les chiffres n'ont pas encore été établis par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure.

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