En ce qui concerne la manière de comptabiliser la fraude à l'identité dans le cadre des statistiques de la délinquance, j'ajoute qu'il s'agit généralement d'une infraction accessoire : la qualification retenue par la caisse de sécurité sociale, la police, la gendarmerie ou le procureur de la République sera celle de l'infraction principale, l'obtention d'un avantage indu. Cela peut contribuer à expliquer la différence entre les deux chiffres – 30 000 cas d'un côté, 200 000 de l'autre – même s'il faudrait réaliser des études très longues pour le montrer vraiment.
Quoi qu'il en soit, la fraude à l'identité constituant un aspect important de la fraude aux prestations sociales, il a été décidé, en concertation avec la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) devenue la mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF), de constituer un groupe interministériel que j'ai l'honneur de coanimer avec M. Éric Belfayol et qui réunit les organismes de protection sociale, des administrations du secteur financier et la DGEF.
Nous travaillons sur la fraude documentaire et la fraude à l'identité en matière d'état civil. C'est une problématique très importante pour le service administratif national d'identification des assurés (SANDIA). Les organismes de protection sociale sont très demandeurs d'outils pour contrer ce type de fraude, étant entendu qu'elle peut concerner tous les titres, qu'ils soient détenus par des ressortissants français ou par des ressortissants étrangers.
Ces travaux devraient aboutir à l'adoption d'un protocole interministériel reposant sur plusieurs principes. Le premier est de réaliser autant que possible les échanges d'information que la loi permet, notamment le code de la sécurité sociale et, s'agissant du sous-sujet des titres de séjour, la loi de 2016. Il devra ainsi permettre de fournir aux organismes de protection sociale de nouvelles méthodes de travail que le ministère de l'intérieur peut mettre à leur disposition, comme DOCVERIF – vous nous avez d'ailleurs adressé des questions à ce sujet.
Si vous le souhaitez, je pourrai présenter plus en détail DOCVERIF, notamment son lien avec la base des titres électroniques sécurisés (TES) et son intérêt – même si ce n'est pas l'outil absolu ou universel – pour améliorer la détection de la fraude à l'identité par les organismes de protection sociale. Pôle emploi a testé ce dispositif et est en train de généraliser son usage. Nous avons, par ailleurs, des contacts avancés avec les trois grandes caisses nationales de sécurité sociale.
Outre DOCVERIF, il existe une réflexion d'ensemble sur l'utilisation, ou non, de l'identité numérique au sens large du terme. Je suis en charge de cette question au sein de la DMAT, en lien avec les autres directions du ministère.
Un autre sujet, que nous abordons notamment avec la sécurité sociale, est l'extension possible, à terme, du dispositif Justif'Adresse, c'est-à-dire l'automatisation de la vérification du domicile pour les demandes de titres gérées par le ministère de l'intérieur – hormis les titres de séjour, qui pourraient être concernés dans un second temps. Vous avez prévu ce dispositif lorsque vous avez adopté l'article 44 de la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) et une généralisation est prévue par le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP).
Les organismes de protection sociale s'intéressent aussi à COMEDEC (communication électronique des données de l'état civil), qui est placé sous la responsabilité du ministère de la justice et cogéré avec celui de l'intérieur. Cet outil est utilisé pour consulter à distance des actes d'état civil dans le cadre de la délivrance des CNI et des passeports.
Je voudrais enfin insister sur la spécificité de la délivrance des CNI, des passeports et des titres de séjour. Une partie de la délivrance de ces titres a pour point commun de faire appel à un face-à-face physique et à l'utilisation de la biométrie, qui sont des garanties pour lutter contre l'usurpation d'identité, les données concernées étant extrêmement sensibles. TES et AGDREF reposent en grande partie sur des outils de lutte contre l'usurpation d'identité – le principe du face-à-face et la prise des empreintes digitales, qui servent au moment du renouvellement.