Intervention de Nicolas Revel

Réunion du jeudi 30 juillet 2020 à 14h00
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Nicolas Revel, directeur de cabinet du Premier ministre :

Au risque de me répéter, je vous dirai qu'il y a beaucoup de chiffres et que la question est de savoir sur quel périmètre et quelle période ils portent. C'est là que, très souvent, on se retrouve avec une pluralité de chiffres différents mais qui correspondent à des mesures différentes. Je comprends que cela puisse être un peu perturbant, voire contrariant. Cela ne signifie pas nécessairement que les choses ne sont pas normales, mais juste que la réalité est un peu complexe.

Je vais essayer de répondre précisément au sujet des technologies susceptibles de fiabiliser davantage nos processus. Plusieurs pistes permettent de l'envisager. Pour votre part, vous parlez d'une carte Vitale biométrique. Nous y avons réfléchi, d'autant qu'une proposition de loi sénatoriale porte sur ce sujet. J'avais d'ailleurs été auditionné par la rapporteure et amené à partager avec elle une première interrogation, celle du coût et de l'intérêt de cette évolution technologique.

Le coût serait réel, puisque, au-delà du coût de fabrication d'une carte Vitale biométrique, il s'agit ensuite de gérer la transition du parc. Le montant n'est pas le même suivant qu'elle est réalisée sur dix ou quinze ans ou en quelques années seulement.

Pour notre part, nous avons un autre projet : la carte Vitale dématérialisée avec une authentification forte, car c'est cela qui est important. La Caisse nationale d'assurance maladie et le GIE SESAM-Vitale ont lancé une expérimentation à Lyon et à Nice. Le dispositif suppose un enrôlement de l'assuré, afin de vérifier que c'est bien lui. L'autre avantage, c'est que les droits de l'assuré sont actualisés en temps réel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisqu'ils sont mis à jour lorsque l'assurée décide de le faire dans un lecteur de carte Vitale, en officine de pharmacie notamment.

Ce dispositif de carte Vitale dématérialisée fait que le terminal, qui est un smartphone, va chercher les droits en ligne en temps réel, ce qui permet une prise en charge strictement ajustée à la situation à date instantanée : on sait si l'assuré a encore des droits ouverts, s'il est ou s'il n'est plus en affection de longue durée, s'il a une complémentaire santé solidaire ou non, etc. On a là un dispositif qui synchronise les données de manière extrêmement fiable.

L'autre élément, ce sont les croisements de données. L'assurance maladie est très régulièrement approchée par des organismes, des entreprises, des équipes de recherche qui disent vouloir faire parler les données, faire du big data, pour trouver la fraude. Mais c'est un peu plus compliqué que cela. Et Dieu sait que l'assurance maladie est curieuse et ouverte, parce que si les algorithmes pouvaient nous mâcher le travail, ce serait formidable, la vie serait beaucoup plus simple. Je ne dis pas que c'est impossible et nous avons déjà travaillé, lorsque les volumes étaient suffisamment importants, à essayer d'identifier des profils pour lesquels il y a un risque de comportement fautif ou frauduleux plus important. Mais il est très difficile de le porter à l'échelle car, comme je l'avais déjà indiqué au mois de juin dernier, les dépenses d'assurance maladie se répartissent entre des centaines et des milliers de dispositifs différents, de professions différentes, d'actes médicaux différents, de régimes de prestation en espèces différents. Chacun porte un nombre d'actes de prestations de remboursement qui n'est pas nul. Il faut inventer l'algorithme spécifique sur telle dépense de soins infirmiers, telle dépense de médicament. On ne peut pas faire masse de tout cela.

C'est donc un élément sur lequel l'assurance maladie travaille. Elle a aussi dans ses moyens d'investigation bien d'autres leviers, plus humains, de remontée de signaux faibles et de signalement de situations particulières qui permettent ensuite de tirer des fils, et souvent d'identifier les affaires les plus intéressantes.

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