Intervention de Carole Grandjean

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 9h45
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Grandjean :

Le rapport est de grande qualité. Les travaux menés par la commission d'enquête et par son rapporteur, avec l'aide constante des administrateurs et des agents de l'Assemblée nationale dans un contexte compliqué, permettent de documenter la fraude aux prestations sociales, objet d'une attention croissante de nos concitoyens et des pouvoirs publics et sur laquelle il fallait faire toute la lumière. Le phénomène, complexe, est encore mal connu. Nos concitoyens doivent disposer de données fiables et étayées sur une fraude qui, parce qu'elle nuit à la solidarité nationale, doit être combattue mais qui est souvent source d'approximations ou de fantasmes. Je me réjouis que nous ayons ainsi contribué à une nécessaire transparence.

Le rapport qui vient de nous être présenté s'inscrit dans une série de progrès récents sur la connaissance de la fraude sociale, après le rapport de la Cour des comptes et le rapport parlementaire que Mme la sénatrice Nathalie Goulet et moi-même avons rendu l'année dernière et qui a permis d'appuyer plusieurs avancées législatives récentes, les pouvoirs publics ayant souhaité mieux appréhender ce phénomène protéiforme pour mieux le prévenir et le combattre.

Plusieurs axes des travaux menés par la commission d'enquête sont d'une importance particulière pour le groupe La République en Marche. En premier lieu, je partage les préoccupations exprimées par le rapporteur au sujet de l'insuffisant partage de données entre administrations. Mme Nathalie Goulet et moi-même l'avions également observé, cette situation constitue un frein réel à la prévention, la détection et la sanction de la fraude sociale. Des efforts importants ont eu lieu récemment à ce sujet ; ils doivent être poursuivis. L'ouverture des données patrimoniales par la loi du 23 octobre 2018 relative à la fraude, l'instauration du prélèvement à la source et le décret du 11 juin 2020 relatif à la consultation du traitement de données VISABIO aux fins de vérifier la situation des personnes sollicitant le bénéfice des certaines prestations sont autant de progrès. Le renforcement du partage de données est ainsi un axe important des politiques menées depuis 2017 par notre groupe, et nous souhaitons que ce travail soit et amplifié.

Je me réjouis également que le rapport mette en valeur les efforts menés par les organismes de protection sociale, la CNAF notamment, pour évaluer l'ampleur et la diversité de la fraude sociale. Les conventions d'objectifs et de gestion doivent néanmoins gagner en lisibilité et ambition à ce sujet et tous les organismes doivent participer à ce mouvement. Le rapport met en lumière le retard de la CNAM sur ce plan et dit l'importance de mieux détecter et sanctionner les fraudes commises par les professionnels de santé.

Je suis plus positive que le rapporteur au sujet de la transformation de la DNLF en mission interministérielle de coordination anti-fraude. C'est la réponse apportée aux limites actuelles, soulignée par le rapporteur, de l'impulsion politique et de coordination interministérielle de lutte contre la fraude. Nous pourrions peut-être avoir là un axe de travail dans le cadre de nos prochains travaux budgétaires. La création des CODAF doit aussi permettre de mieux détecter des fraudes protéiformes, notamment les fraudes en réseau, largement évoquées. Le groupe La République en Marche a présenté plusieurs amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 visant à mieux prévenir et sanctionner les différentes fraudes. Ces propositions, qui faisaient suite au rapport que Nathalie Goulet et moi-même avions rendu, créent un programme de contrôle et de lutte contre la fraude dans le plan de contrôle interne ; incluent la représentation des agences régionales de santé dans la composition des CODAF ; prévoient la remise d'un rapport au Parlement sur les modalités de gestion et d'utilisation du RNCPS, dont le rapporteur a souligné le retard de la création. Il me semble important que ces avancées d'initiative parlementaire adoptées dans le dernier budget de la sécurité sociale apparaissent dans le rapport de la commission d'enquête.

Le prochain PLFSS sera, à mon sens, l'occasion de renforcer encore la lutte contre la fraude aux prestations sociales par la création de nouveaux outils à cette fin ; je sais pouvoir compter sur les membres de la commission d'enquête.

Nous soutenons pleinement les observations du rapporteur relatives aux enjeux de la dématérialisation et à la nécessaire maîtrise des failles des processus de contrôle, au fait que la fraude structurée est en expansion, et que le mode déclaratif est source à la fois d'erreurs de bonne foi et de fraudes qui pourraient être mieux maîtrisées par le partage de données. Parce que chaque fraude, fiscale ou sociale, doit être combattue, notre groupe soutiendra toutes les propositions de lutte contre les fraudes sociales avec autant de détermination que les propositions de lutte contre les fraudes fiscales.

Je déplore que la lutte contre la fraude aux prestations soit l'objet d'efforts inégaux selon les organismes de protection sociale, et regrette, comme vous, la difficulté que nous avons éprouvée à évaluer le montant exact de la fraude. Ce fut déjà le cas au cours des travaux que j'avais menés avec la sénatrice Nathalie Goulet, et ces difficultés persistantes ont une nouvelle fois été mises en lumière par des déclarations et des chiffrages parfois contradictoires.

Enfin, le lien que vous faites entre fraude aux prestations sociales et organisations criminelles et terroristes nous semble insuffisamment étayé ; l'importance donnée à ce phénomène me semble disproportionnée à la réalité. Pour en avoir longuement discuté avec le procureur chargé du dossier à l'époque, je connais le cas de fraude commise à Valenciennes que vous avez donné en exemple et je sais que ce dossier n'était pas lié au terrorisme. Conférer aux organismes de protection sociale des prérogatives d'officiers de police nous paraît aussi être un sujet à débattre.

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