C'est avec beaucoup d'émotion et de gravité que j'ouvre nos travaux relatifs à la triste affaire dite « Sarah Halimi ». Cette commission s'affirme trans-partisane et sans intention politique. Elle ne constitue pas un troisième degré de juridiction. La justice a tranché en première instance, en appel, en cassation et elle nous oblige. En revanche, il nous appartient de faire toute la lumière sur les dysfonctionnements éventuels de la justice, de la police et d'autres acteurs afin d'éviter qu'un tel drame se reproduise.
Cette affaire est une immense tragédie. En 2017, une femme a été torturée pendant de très longues minutes et défenestrée, rue de Vaucouleurs à Paris, parce qu'elle était juive. Cette affaire est passée sous silence jusqu'en juillet 2017, date à laquelle l'opinion publique et les médias s'y sont enfin intéressés. Le Président de la République a lui-même rappelé, en janvier 2020, lors de son voyage à Jérusalem, le « besoin de procès ».
Le 14 avril dernier, la Cour de cassation, tout en entérinant le caractère antisémite du crime, a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 décembre 2019, retenant l'irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, en raison d'une « bouffée délirante aiguë », due à la consommation de cannabis. Le meurtrier ne sera donc pas renvoyé devant la cour d'assises de la République.
Cette affaire a suscité une vive émotion non seulement en France, mais également à l'étranger. Après quatre années de souffrance pour la famille, je formule le vœu que cette commission puisse apporter des éclairages sur les éventuels dysfonctionnements.
Je vous rappelle succinctement les faits. Dans la nuit du 4 avril 2017, à quatre heures vingt-et-une, l'opérateur en charge des appels du 17 informe la salle de commandement du deuxième district de l'appel d'un membre de la famille Diarra qui se dit séquestrée par une connaissance, un nommé Kobili, dans son appartement du troisième étage du 26, rue de Vaucouleurs, dans le onzième arrondissement. Après avoir ouvert volontairement la porte, la famille se retranche dans la chambre des parents.
La BAC arrive sur les lieux à quatre heures vingt-cinq et un membre de la famille Diarra lui lance un badge d'accès à l'immeuble par la fenêtre donnant sur la rue. Les policiers entrent immédiatement et se positionnent devant la porte d'entrée des Diarra. Ils se signalent, demandant d'ouvrir la porte. Ils n'obtiennent pas de réponse, mais ils entendent une voix masculine prononcer des prières en arabe. À quatre heures trente, la BAC confirme une possible séquestration en cours.
Dans l'intervalle, après ses prières et après s'être probablement changé, l'auteur est passé du balcon des Diarra à celui de Sarah Halimi, qui dormait.
À quatre heures trente-huit, une deuxième équipe de la BAC arrive sur place. À quatre heures quarante-huit, un équipage de la BAC N75 arrive en renfort.
Plusieurs voisins, témoins directs de la scène, réveillés par les cris, appellent les secours et renseignent les forces de police en direct. Ils affirment notamment que l'homme n'est pas armé et frappe la victime avec une violence extrême de ses poings. La scène se déroule sur le balcon.
À quatre heures quarante-et-une, un témoin appelle les pompiers pour les informer qu'une femme venait d'être défenestrée. Ils arrivent avec le SAMU à quatre heures cinquante-et-une.
Kobili Traoré est interpellé sans la moindre résistance, chez les Diarra, à cinq heures trente-cinq, par la colonne d'assaut de la BAC N75, arrivée sur place entre quatre heures cinquante-deux et quatre heures cinquante-trois.
Traoré arrive au commissariat à sept heures. Il est calme et après quelques heures d'attente sur un banc, et sans la moindre résistance, il est placé en UMD (Unité pour Malades Difficiles).
Lucie Attal, connue sous le nom de Sarah Halimi, sera rapidement identifiée comme la victime.
Pour l'ouverture de cette commission d'enquête, nous auditionnerons ce jour les avocats des parties civiles. Dans les prochaines semaines, nous entendrons les familles des victimes, les fonctionnaires de police, la chaîne de commandement, des témoins, les magistrats du siège et du parquet, l'auteur des faits, les ministres concernés, les autorités religieuses et toute personne qui pourrait être utile à nos travaux.
Je précise, à l'intention de la presse, que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 sera appliqué tout au long de cette commission d'enquête et que certaines séances pourront se dérouler à huis clos, auquel cas un compte rendu total ou partiel sera publié a posteriori.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Me Jean-Alex Buchinger, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
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