Cette question est redoutablement complexe. Le juge n'a pas la capacité d'apprécier des éléments qui relèvent d'une expertise particulière, notamment en matière psychiatrique. L'affaire que nous évoquons constitue une situation qu'heureusement nous rencontrons rarement dans les procès en matière pénale en France. En vingt ans d'exercice de mon métier d'avocat, je n'ai jamais rencontré une affaire traitant d'un crime d'une telle horreur doublée d'un caractère antisémite. Or, il n'a pas fait l'objet d'un jugement. Cette situation est inédite.
Dès lors, la place prise par les experts dans cette affaire est tout à fait particulière. Plusieurs expertises plus ou moins contradictoires ont été publiées. Il appartient au magistrat, un juriste, d'apprécier la portée de ces expertises. Cela revient à valoriser la parole des experts, qui sont les « sachants », mais appréciée par une autorité qui a, certes, des capacités d'analyse, qui est spécialiste dans son métier, qui a suffisamment d'ancienneté, qui a lu de nombreuses expertises, etc. Cependant, le domaine de la psychiatrie est celui de l'indicible, complexe à comprendre et à apprécier. L'expert procède à son analyse sans connaître la personne, parfois sans connaître les faits reprochés à cette personne. L'interprétation de son expertise s'avère donc redoutablement compliquée.
En outre, plus les spécialités sont complexes, plus les experts sont rares et plus ils sont sollicités.
Je pense qu'il n'est pas souhaitable de réfléchir quant à la place de l'expertise sur la base d'un dossier exceptionnel en raison de son ampleur, de l'impact légitime qu'il a produit sur la société et de l'émotion qu'il a provoquée. Il convient d'étudier la question de manière plus globale, et globalement, je pense que les choses fonctionnent correctement.