Intervention de Oudy Ch. Bloch

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 16h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Oudy Ch. Bloch, avocat au barreau de Paris et au barreau de New-York :

Il s'est en effet changé avant d'aller massacrer Sarah Halimi, puisqu'on a retrouvé son sang sur le jean et le T-shirt à manches longues qu'il portait lorsqu'il a été arrêté. Il n'était donc plus en jogging. Or, dans la pratique des martyrs islamistes, on se change avant d'aller commettre son crime.

Tous ces éléments signent donc selon nous la préméditation de l'acte et son caractère antisémite, qui a pourtant été abandonné en fin d'instruction par les juges d'instruction co-saisis, alors qu'il avait été repris par le parquet de Paris et le parquet général.

Le parquet de Paris avait en effet requis la mise en accusation de Kobili Traoré devant la cour d'assises avec la circonstance aggravante d'antisémitisme. En cour d'appel, le parquet général a également retenu la circonstance aggravante d'antisémitisme, mais a requis l'irresponsabilité pénale sur le fondement des expertises psychiatriques. Les réquisitions du parquet de Paris et du parquet général sont donc différentes, alors que le parquet est censé être un et indivisible. Si ce n'est pas un dysfonctionnement, c'est du moins une incohérence, que nous avons du mal à expliquer à M. Attal et aux parties civiles.

En retenant l'irresponsabilité pénale, comme le parquet général et les juges d'instruction avant elle, la chambre de l'instruction a précisé qu'il n'existait selon elle aucun doute que le discernement de Kobili Traoré était aboli au moment des faits. Or, trois expertises judiciaires ont été menées, par le Dr Zagury d'abord, puis par deux collèges de trois experts, et ces expertises ne sont ni unanimes ni concordantes. Il subsiste donc bien un doute.

La première expertise psychiatrique, menée par le Dr Zagury, retient l'altération du discernement et la circonstance aggravante d'antisémitisme.

La deuxième retient l'abolition du discernement, une pathologie psychiatrique chronique, et exclut l'antisémitisme.

La troisième retient à la fois l'abolition du discernement et la circonstance aggravante d'antisémitisme, mais pas de maladie psychiatrique chronique.

Lors de son audience devant la chambre de l'instruction en novembre 2019, Kobili Traoré bénéficiait d'une « fenêtre thérapeutique » : il n'était plus (ou plus que très peu) traité, parce qu'il allait manifestement mieux. Le Dr Bensussan a donc reconnu devant cette chambre s'être trompé en diagnostiquant une maladie psychiatrique chronique, ce qui aurait dû selon nous changer ses conclusions. Il les a néanmoins maintenues. Deux ans plus tard, en 2021, dans une tribune adressée au journal Le Monde avec d'autres psychiatres, il a de plus répété que Kobili Traoré souffrait bien d'une pathologie psychiatrique, alors qu'il ne l'avait pas revu à notre connaissance.

La décision de la chambre de l'instruction souffre finalement d'incohérences, que nous ne parvenons pas à expliquer à notre client. Comment comprendre qu'elle ait retenu à la fois la culpabilité de Kobili Traoré pour un homicide volontaire, impliquant donc l'intention et la conscience de tuer, en même temps que l'abolition du discernement, qui implique l'absence de conscience ? Comment admettre que Kobili Traoré a tué Sarah Halimi parce qu'elle était juive, et retenir simultanément l'absence de discernement, c'est-à-dire l'absence de toute conscience du fait qu'elle était juive ?

Enfin, comme la juge d'instruction avant elle, la chambre de l'instruction a refusé d'effectuer la reconstitution que nous avions demandée et plaidée, considérant d'abord, contre l'avis même des psychiatres, que Kobili Traoré était dans l'incapacité mentale de réaliser cette reconstitution ; considérant ensuite qu'il avait avoué, ce qui rendait cette reconstitution inutile. Or, des reconstitutions sont réalisées dans toute affaire criminelle, sauf exception. Si Kobili Traoré, passant devant une cour d'assises, avait finalement nié sa culpabilité, comment aurions-nous pu le confronter à ses contradictions ? Cette reconstitution aurait également pu nous éclairer sur le déroulement de l'intervention de la police et des événements.

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