Je conteste la notion de bouffée délirante en raison du maquillage du crime en tentative de suicide et du choix de la cible. Si vous auditionnez les experts, ils vous expliqueront ce qui les a amenés à penser qu'on pouvait concilier le choix délibéré d'une cible pour des raisons antisémites et la bouffée délirante. J'ai déjà dit mon scepticisme sur ce point.
Concernant l'état de M. Traoré, je ne sais officiellement rien. En effet, le secret médical s'impose. Si la commission a quelques pouvoirs d'investigation, elle pourra certainement apprendre que M. Traoré ne prend pas de traitement particulier car il ne souffre d'aucune maladie mentale. M. Zagury pourra vous le confirmer. L'inénarrable M. Bensussan avait diagnostiqué une potentielle schizophrénie puis avait reconnu son erreur. M. Traoré se porte donc comme un charme aujourd'hui. Le seul problème qui se pose est de savoir, s'il revenait à consommer du cannabis, si cette consommation pourrait déclencher quelque crise. Je pense que, si M. Traoré a un bon avocat et si les psychiatres qui le suivent sont indépendants d'esprit et courageux, ils seront obligés de reconnaître que M. Traoré n'a rien à faire dans un hôpital psychiatrique. M. Traoré devrait pouvoir retrouver rapidement sa liberté.
J'ai été le premier avocat à faire condamner un étranger pour un crime commis à l'étranger sur un ressortissant français. En effet, j'ai été l'avocat des sœurs Alice Domon et Léonie Duquet, enlevées en Argentine. J'ai déposé plainte contre le capitaine Astiz, qui sévissait à l'école supérieure de mécanique de la marine argentine (ESMA). Bien qu'Astiz soit Argentin, qu'il ait bénéficié dans son pays de l'amnistie et que le crime ait été commis en Argentine, il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises de Paris. D'ailleurs, les Argentins sont revenus par la suite sur la loi d'amnistie.
J'ai entendu certains dire qu'il existe une loi spécifique pour les Juifs. La loi israélienne ne fait que reprendre ce que notre code de procédure pénale et un certain nombre de législations reprennent, à savoir qu'un pays protège ses ressortissants, lorsque le crime, commis par un étranger, a lieu à l'étranger. La loi israélienne a introduit une modification qui m'apparaît judicieuse : elle est compétente pour tout Juif tué à l'étranger à raison du caractère antisémite de ce crime. Nous sommes donc tout à fait dans ce que prévoit la loi française. Mme Lecover, citoyenne israélienne, ne fait qu'utiliser la faculté que n'importe quel citoyen français aurait si l'un de ses proches était tué à l'étranger dans un pays où la justice ne lui a pas été rendue.
J'ajoute que la règle « non bis in idem » ne s'applique pas, parce que M. Traoré n'a pas été acquitté. Ce dernier bénéficie d'un non-lieu, ce qui n'est pas, par définition, une décision de justice définitive.
La loi israélienne a considéré que lorsqu'une personne tue en état de démence, la consommation de drogues est une circonstance aggravante. Ainsi, la prise de cannabis par M. Traoré constitue une circonstance aggravante et non une circonstance exonératoire. La règle « non bis in idem » ne saurait s'appliquer.
Enfin, je dois dire que la décision de la Cour de cassation est hallucinante. Tous les jours, la Cour de cassation complète, invente, crée et tord le droit pour prendre des décisions. Lorsque vous prenez consciemment des produits qui entraîneront un effet sur votre organisme, vous ne pouvez pas demander à être exonéré de cette responsabilité. La Cour de cassation dit que la loi est restrictive et que nous ne pouvons pas demander à procéder à des ajouts. Or c'est une pratique courante. Tout le droit de la responsabilité civile a été construit ainsi. C'est « se moquer du monde » que d'avoir demandé à changer une loi inutilement parce que les magistrats de la Cour de cassation n'ont pas voulu prendre leurs responsabilités.