Intervention de Dr Paul Bensussan

Réunion du mardi 23 novembre 2021 à 19h00
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Dr Paul Bensussan, psychiatre :

Votre commission entretient l'idée selon laquelle la justice française ne reconnaîtrait l'antisémitisme que lorsqu'elle y est contrainte. Le délai de fixation de la circonstance aggravante, de même que l'intitulé de cette commission d'enquête entretiennent cette perception. Vous n'affirmez pas l'existence d'un quelconque dysfonctionnement. Je comprends la révolte et l'indignation. Penser qu'une femme médecin, âgée, décrite comme une figure douce, tombe sous les coups d'un homme ayant une vingtaine de condamnations à son actif et que celui-ci ne sera pas incarcéré relève de l'insupportable. C'est pour cette raison que j'ai le devoir de répondre à votre convocation. J'ai également un devoir de pédagogie.

L'irresponsabilité pénale est toujours perçue par l'opinion publique comme une mansuétude, une indulgence faite à un assassin. Plus le crime est atroce, plus l'incompréhension est grande. Dans le cas de M. Stéphane Moitoiret, Mme Rachida Dati avait promis un procès, avant même de disposer d'une idée du diagnostic des psychiatres. Cet homme a été condamné à trente ans de prison en appel.

Une UMD est très proche de l'univers carcéral en termes de sécurité, à la différence près qu'en prison, personne ne peut vous imposer un traitement. En UMD, un sujet qui ne veut pas recevoir son injection est immobilisé de force. C'est un univers carcéral dont on peut difficilement sortir. Dans le questionnaire qui m'a été transmis, vous m'interrogez sur le traitement médical du meurtrier hospitalisé de force en UMD. Le sujet fait l'objet d'un placement d'office nommé hospitalisation sous décision d'un représentant de l'État (HDRE). Il s'agit d'une hospitalisation sous contrainte. Pour la lever, un certain nombre de conditions doivent être réunies. Ainsi, dans un premier temps, un avis favorable d'une commission médicale au sein de l'établissement d'accueil est requis. Ensuite, deux expertises concordantes sont nécessaires. La première est rédigée par un psychiatre interne à l'établissement, la seconde émane d'un collège nécessairement extérieur à l'institution. Toutefois, dès qu'un avis discordant apparaît au sein de cette procédure, le processus s'arrête. Enfin, le préfet doit avaliser tous ces éléments pour qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sous contrainte.

À titre d'exemple, Romain Dupuis, schizophrène, auteur d'un double homicide en 2004 sur deux infirmières, a été jugé irresponsable après des « querelles d'experts ». Il a été dirigé en UMD où il y est encore dix-sept ans après. La commission médicale a rendu un avis rassurant, les experts également, mais un seul indique que la page n'est peut-être tout à fait tournée. Par conséquent, le préfet ne signera pas l'assouplissement de ses conditions d'hospitalisation. Si cet homme avait été considéré comme responsable, le quantum de la peine aurait été diminué du fait de sa maladie mentale. Il avait par ailleurs consommé du cannabis. Il serait libre, car une peine a une fin. Ce n'est pas le cas d'une hospitalisation.

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