Intervention de Meyer Habib

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 15h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib, président :

Mme la rapporteure, mes chers collègues, nous reprenons nos travaux avec l'audition de Mme Anne Ihuellou, vice-présidente chargée de l'instruction au tribunal judiciaire de Paris, qui était juge d'instruction en charge de l'enquête au moment des faits.

Votre audition est d'une extrême importance pour les membres de notre commission, pour la famille de cette malheureuse Sarah Halimi, défenestrée, torturée et tuée parce que juive, en plein Paris, en 2017. Elle l'est plus largement pour tout le peuple français, à l'image de la plus haute autorité de l'État, du Président de la République qui, lors de son voyage en Israël, a déclaré : «  Le besoin de procès est là  ».

Depuis que nous avons démarré nos auditions il y a quelques semaines, je constate des zones d'ombre et des interrogations quant à la manière dont a été dirigée cette enquête sur l'assassinat du Dr Sarah Halimi.

La première grande interrogation concerne votre refus d'ordonner une reconstitution, pourtant quasi systématique lorsqu'il y a mort d'homme, et qui aurait peut-être permis de relever certains points fondamentaux, comme l'absence de chandelier à sept branches ou de Torah.

Une deuxième grande interrogation concerne l'absence d'audition de trois témoins qui nous semblent fondamentaux, certains ayant assisté à une partie du massacre. Un autre avait hébergé M. Kobili Traoré la nuit des faits, quelques heures avant le crime.

Une troisième interrogation porte sur la place donnée à l'expertise médicale réalisée par l'éminent psychiatre commis par la justice, le Dr Zagury. Alors que l'ensemble des parties étaient d'accord pour suivre sa conclusion, vous avez imposé une contre-expertise qui conclura à l'abolition totale et non plus partielle de l'entendement de l'assassin. Nous aimerions que vous nous expliquiez les raisons qui vous ont poussée à suivre les conclusions du Dr Bensussan plutôt que celle du Dr Zagury et à ordonner cette nouvelle expertise.

Une quatrième interrogation porte sur le caractère antisémite du meurtre de Sarah Halimi qui a tardé, alors que même l'expertise du Dr Zagury ne laissait pas de place au doute.

Une cinquième grande interrogation, partagée par de nombreux avocats de la partie civile et par la famille Halimi, concerne le manque d'impartialité ressenti au cours de l'instruction. Des réponses auraient été suggérées à l'assassin pour que votre conviction soit la conclusion de l'enquête. Je cite Me Szpiner : «  Les parties civiles ont eu le sentiment désagréable que la juge s'est substituée à la défense de M. Traoré. L'impartialité est attendue d'un juge. Le parquet a demandé la requalification cinq mois après la mise en examen notant l'existence d'autres péripéties. Au moment du règlement du dossier, la juge d'instruction n'était pas favorable à retenir l'antisémitisme, contrairement au parquet. Finalement, la chambre d'instruction a retenu l'antisémitisme, ce qui a constitué le lot de consolation accordé à la famille  ». La famille Halimi a eu le sentiment, peut-être légitime, d'une instruction conduite à décharge, plutôt qu'à charge, au cours de laquelle vous auriez, par vos questions, répondu à la place de M. Traoré.

Encore une fois, merci d'être présente pour répondre à notre commission. Je vous propose de prendre la parole lors d'un propos liminaire, pendant une vingtaine de minutes, ou plus si nécessaire. Nous vous poserons ensuite de nombreuses questions. Nous avons décidé de consacrer a minima deux heures à cette audition, qui est extrêmement importante pour la suite de nos travaux. Notre objectif n'est pas de faire un second procès, mais avec les moyens qui sont les nôtres, de mettre en lumière des éventuels dysfonctionnements, dont certains peuvent être du fait de la justice. Notre seul objectif est de pointer ces dysfonctionnements, pour que si une affaire similaire devait se reproduire en France — ce que nous ne souhaitons pas — nous ne reproduisions pas les mêmes éventuelles erreurs.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

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