Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 30 novembre 2021 à 17h00
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Le drame horrible qui s'est déroulé au petit matin du 4 avril rue de Vaucouleurs a ému tous les Français, quelle que soit leur confession, moi le premier.

Vous avez souhaité créer une commission d'enquête pour mieux comprendre le déroulement des faits ayant conduit au décès de Sarah Halimi et aborder la difficile question de l'irresponsabilité pénale, sans vous immiscer dans la procédure judiciaire. À ce sujet, je sais que vous entendrez bientôt le garde des sceaux. Sans piétiner ses plates-bandes, je tiens à saluer l'accord, dont il est l'une des chevilles ouvrières, entre les deux chambres sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure auquel nos deux ministères ont travaillé et qui trouve en partie son origine dans ce drame ignoble. L'engagement du Président de la République a ainsi été tenu.

Même si, vous l'avez rappelé, je n'étais pas ministre de l'intérieur à l'époque, je tiens à témoigner de la solidarité et de la continuité de l'État

Nombreux sont ceux qui se sont interrogés, comme vous, sur l'intervention des policiers ce jour-là. Dans presque toutes les affaires, le rôle des primo-intervenants est complexe – vous l'avez évoqué à propos du Bataclan. À cet égard, je salue l'action des policiers nationaux et des gendarmes, en particulier de police secours, qui chaque jour interviennent courageusement dans des conditions très difficiles, sans savoir toujours ce qui les attend. À mes yeux, police secours fait partie des unités d'élite de la police tant est grande la diversité des drames auxquels ils sont confrontés quotidiennement.

Sans rentrer dans le détail des faits – Matthias Fekl l'a fait –, je voudrais mettre en évidence les points qui peuvent faire consensus.

D'abord, Paris et la petite couronne, qui concentrent une grande partie de la délinquance, disposent d'une plateforme d'appels d'urgence, créée par la préfecture de police, unique en son genre puisqu'elle est commune aux numéros d'urgence 17, 18 et 112. C'est un gage d'efficacité mais aussi de justes qualifications des opérations de secours. En 2020, pour le seul 17, plus de 1,8 million d'appels ont été reçus et le temps moyen pour y répondre était de quinze secondes. Si l'on soustrait les sept secondes incompressibles du message d'accueil, la très grande majorité des appels des Franciliens sont ainsi pris en charge par la police dans une extrême urgence. 40 % des appels sont classés « urgents » et 13 % « très urgents », donc la police reconnaît un caractère d'urgence à plus de la moitié des 1,8 million d'appels reçus par la plateforme. La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi « Matras », vise à expérimenter la généralisation du numéro unique pour les appels d'urgence.

Dès le 25 mars 2016, à la suite des attentats et avant le drame que nous évoquons, la direction générale de la police nationale a publié une instruction générale relative au concept d'intervention au sein de la police nationale qui s'applique aux policiers de la préfecture de police de Paris. Celle-ci a été complétée par une autre instruction relative à l'intervention dans un contexte de tuerie de masse. L'instruction générale s'essaie à établir une délicate typologie des interventions en trois niveaux parmi lesquels la séquestration. Elle rappelle le cadre légal de l'intervention des policiers, les conditions de sécurité et de responsabilité, les unités engagées selon les niveaux ainsi que les différentes phases de l'intervention. Le schéma d'intervention est enseigné dans les écoles de police et en formation continue.

D'après les éléments qui ont été portés à ma connaissance, la complexité intermédiaire de l'intervention a été reconnue dès l'appel puisque ce sont des agents de la brigade anticriminalité (BAC) qui ont été envoyés sur place et non pas de police secours. Cela correspond au deuxième niveau d'intervention impliquant des hommes et des femmes particulièrement formés, ce qui tend à montrer que l'appel a été pris au sérieux et justement évalué dès le début.

Après le premier appel à 4 heures 22, les trois policiers de la BAC 11 arrivent sur place à 4 heures 25 afin de mettre un terme à une séquestration. Nul reproche ne peut être fait sur la rapidité – elle est particulièrement diligente – ni sur les moyens – une BAC est mobilisée – de l'intervention de la préfecture de police.

Pourquoi les policiers ne sont-ils pas intervenus plus tôt ? Ils pensaient avoir affaire à une séquestration ; à aucun moment, ils n'ont eu conscience qu'une dame allait perdre la vie dans des circonstances aussi horribles – vous l'avez rappelé, sans que le meurtrier soit muni d'armes.

Si, dès le début de l'intervention, les policiers sont en possession d'un pass Vigik, à aucun moment, ils ne semblent penser disposer des clés de l'appartement – c'est ce qu'il ressort des éléments portés à la connaissance du ministère de l'intérieur et ce qu'ils vous ont certainement confirmé.

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