Intervention de Meyer Habib

Réunion du mardi 30 novembre 2021 à 17h00
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib, président :

Je vous remercie, M. le ministre. Les mesures que vous avez évoquées vont dans le bon sens, j'en suis sûr.

Je comprends qu'un ministre de l'intérieur, quoi qu'il arrive, couvre ses hommes. C'est tout à vote honneur et c'est normal. Mais nous sommes des êtres humains. Un député peut faire une erreur, un ministre peut faire une erreur, un président de la République peut faire une erreur. Le tout, c'est de les voir, sans passion, avec honnêteté, parce qu'une famille souffre.

Je vais me concentrer sur la police. Avant que l'assassin ne pénètre chez Sarah Halimi, avant qu'il lui donne le moindre coup, six policiers sont sur les lieux. Dans le contexte actuel, marqué par la menace djihadiste et islamiste, il se peut que le fait d'entendre « Allahu Akbar » les ait tétanisés et les ait empêchés d'ouvrir la porte. Nous nous sommes rendus sur place, nous avons vu les lieux. Comment croire que les policiers qui se trouvaient dans la cour n'aient pas entendu les hurlements d'une femme qui s'est fait massacrer à mains nues, à poings nus, pendant douze longues minutes, alors que les voisins, même avec un double vitrage, ont été réveillés par ses cris ? Plusieurs d'entre eux ont appelé la police – alors que les premiers policiers étaient déjà présents – et certains ont même proposé aux policiers d'entrer chez eux pour passer chez Sarah Halimi par le balcon.

Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre que six policiers aient été présents et qu'ils ne soient pas intervenus. Il faudrait faire une reconstitution. Certains disent qu'ils n'entendaient rien ; d'autres ont dit qu'ils ont entendu des cris qui semblaient être ceux d'une femme. Il y a eu un problème, un dysfonctionnement, c'est un échec. Les policiers sont arrivés en moins de trois minutes : le premier coup de fil a été passé à 4 heures 22 et les premiers policiers sont arrivés à 4 heures 25. La deuxième BAC est arrivée trois minutes après et Sarah Halimi n'avait encore reçu aucun coup. Ensuite, le silence s'est fait et Kobili Traoré est passé par le balcon – ce qui pose la question de la préméditation, mais c'est un autre sujet.

La question islamiste n'a jamais vraiment été posée. Pourquoi la section antiterroriste du parquet de Paris – le parquet national antiterroriste n'existait pas encore – n'a-t-elle pas été saisie ? Vous allez dire que cela ne dépend pas de vous et nous interrogerons M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, à ce sujet. Pourquoi les officiers de police judiciaire qui ont pris les dépositions n'ont-ils retenu à aucun moment la piste islamiste, alors que l'assassin hurlait « Allahu Akbar » et d'autres mots en arabe ? On sait que cette personne s'était radicalisée et qu'elle fréquentait une mosquée salafiste située à quelques centaines de mètres. Or, à aucun moment, au cours des auditions, on n'a retenu le caractère terroriste ou islamiste du crime. C'est, là encore, un dysfonctionnement.

La substitut du procureur, que nous avons auditionnée la semaine dernière, et qui était sur place, nous a informés qu'elle avait immédiatement demandé l'intervention de la brigade de recherche et d'intervention (BRI), en vain. À titre personnel, je pense que la BRI n'aurait rien fait de plus : il y avait déjà six policiers et l'homme n'était même pas armé. Les témoins nous ont dit qu'il aurait été possible de tirer depuis chez eux, qu'ils l'ont proposé aux policiers. Et je répète que tout cela a duré au moins douze longues minutes.

Je ne mets personne en cause, mais je dis qu'il faudrait peut-être modifier la doctrine d'intervention, et j'aimerais avoir votre sentiment à ce sujet, M. le ministre. Dans un cas comme celui-ci, quand une femme est massacrée à poings nus, ne faudrait-il pas aller au contact, quoi qu'il arrive, et au péril de sa vie ? N'est-ce pas la fonction d'un policier ?

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