Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 30 novembre 2021 à 17h00
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Gérald Darmanin, ministre :

Vous dites qu'il est normal qu'un ministre de l'intérieur couvre ses hommes. Non, ce n'est pas normal, et d'ailleurs, je ne les « couvre » pas. Mon travail de chef, c'est d'être devant les femmes et les hommes qui sont sous ma responsabilité. Si j'accepte de prendre des coups politiques, de répondre au Parlement, au Président de la République et à l'opinion, si j'accepte de me faire attaquer – c'est le lot de tout homme public et je ne m'en plains pas –, c'est aussi parce qu'en contrepartie, j'exige des personnes qui sont sous ma responsabilité qu'elles respectent la déontologie. C'est essentiel : quand on devient policier, on apprend la déontologie et on prête serment de servir la République. C'est un engagement que doivent respecter aussi bien les policiers du rang que les officiers ou les commissaires.

Je ne couvre pas les policiers, je les défends. Cela étant, il m'est arrivé, depuis que je suis ministre de l'intérieur, de prendre des sanctions et même de signaler à la justice des attitudes qui me semblaient contraires à l'éthique et à la déontologie. J'ai moi-même pris la décision de réformer les décisions du conseil de discipline pour me séparer de certains personnels. Il ne s'agit donc pas de « couvrir, quoi qu'il arrive » les policiers ou les gendarmes. Je n'exercerais pas mes fonctions de ministre de l'intérieur conformément aux principes républicains si je couvrais, quoi qu'il arrive, des personnes qui ont le monopole de la violence légitime. C'est une grande responsabilité.

Je rappelle par ailleurs qu'une autre majorité était au pouvoir à l'époque et que je n'ai aucun intérêt politique à me montrer solidaire des décisions qui ont été prises, soit au moment des faits, soit lors des enquêtes administratives qui ont suivi. Je dis ce que je sais, je vous livre les éléments que j'ai en ma possession. Je défends les policiers, mais je ne les couvre pas. S'ils avaient fait une erreur, je le dirais volontiers, en mon âme et conscience, parce que je le dois à la représentation nationale, ayant été député moi-même, et parce que c'est ma conception même de la démocratie.

Il faut prendre garde aux anachronismes. Les faits se sont produits à quatre heures du matin, les policiers avaient sans doute déjà beaucoup travaillé, multiplié les opérations de ce genre, ils n'avaient peut-être pas toutes les informations nécessaires… S'il y a eu une faute, un manquement, je pense qu'il est lié au manque d'interopérabilité, au défaut de communication entre les services de police : le centre d'information et de commandement (CIC), qui reçoit les appels du 17, la première et la deuxième BAC. Alors que la première BAC est déjà arrivée sur les lieux, le 17 continue de recevoir des appels, mais les informations qu'il reçoit ne sont pas transmises en temps réel aux policiers qui sont sur place. Les BAC n'ont pas été informées des appels qui ont été passés après leur départ pour l'intervention : voilà le vrai problème.

Les policiers n'avaient pas le point de vue du héros de Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock. Ils n'avaient pas une vision globale de la scène, ils n'avaient ni le recul, ni le calme dont nous bénéficions aujourd'hui. Le vrai problème, je le répète, c'est que les policiers des deux BAC n'ont pas eu les informations qui parvenaient au 17. S'ils avaient disposé de ces informations, ils auraient peut-être pris des décisions différentes.

Je ne comprends pas bien pourquoi vous dites que les événements ont duré douze ou treize minutes, mais cela ne change pas grand-chose au drame. D'après ce que j'ai compris, l'appel a eu lieu à 4 heures 22, la première BAC est arrivée à 4 heures 25 et la défenestration est survenue à 4 heures 33.

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