Intervention de Meyer Habib

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 15h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib, président :

Nous reprenons nos travaux aujourd'hui avec l'audition de M. Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste. M. Ricard, je vous remercie de votre présence. Vous avez été juge d'instruction, chargé notamment des affaires de terrorisme pendant douze ans. Avec M. Jean-Louis Bruguière, vous avez été chargé du dossier de l'attentat du RER B à Saint-Michel. Entre 2009 et 2015, vous avez été avocat à la cour d'appel de Paris, et vous avez requis au procès du terroriste Carlos en 2013. Aujourd'hui, notre commission se penche sur la terrible affaire du meurtre de Mme Sarah Halimi. Vous n'étiez pas en poste à cette époque et le parquet national antiterroriste (PNAT) n'avait pas encore été créé. La section du parquet antiterroriste du parquet de Paris était en charge des affaires de terrorisme. Vous n'avez donc aucune implication directe en tant que témoin dans cette affaire, mais vous êtes la plus haute autorité judiciaire en matière terroriste dans ce pays. Il nous semblait ainsi important de vous entendre. Je rappelle souvent que cette commission d'enquête n'est pas un troisième degré de juridiction. L'affaire a été jugée en appel. La justice a tranché, et, quel que soit notre sentiment sur ce jugement, il nous oblige. Malgré tout, notre commission enquête sur les dysfonctionnements éventuels, notamment de la police et de la justice, afin d'éviter le cas échéant qu'ils ne se reproduisent.

Pour ne rien vous cacher, mon humble avis en tant que président de cette commission qui mène ces travaux depuis quelques mois est que ces dysfonctionnements sont réels. Le 4 avril 2017, Mme Sarah Halimi, qui aurait dû fêter hier ses soixante-dix ans, a été massacrée, défigurée puis défenestrée, aux cris de « Allah Akbar », parce qu'elle était juive, comme l'a établi la justice plusieurs mois plus tard. Deux témoins que nous avons auditionnés et qui ont assisté directement à ce massacre indiquent que M. Traoré a crié à plusieurs reprises « Allah Akbar », « que Dieu me soit témoin », « j'ai tué le sheitan du quartier », ou encore « c'est pour venger mon frère », qui, nous l'avons appris, est décédé au Mali. Pourtant, à aucun moment, la piste terroriste n'a été investiguée ni la section antiterroriste du parquet de Paris saisie. La juge d'instruction n'a jamais auditionné ces témoins. Nous savons que quatre jours avant les faits, M. Traoré a visionné un documentaire intitulé « l'histoire secrète du 11 septembre », probablement à caractère d'apologie du terrorisme ou complotiste. Nous savons également, d'après un témoin, que le comportement de M. Traoré avait changé depuis plusieurs mois. Il ne tenait plus la porte aux femmes et ne les saluait plus. La veille des faits, il emmène ses neveux pour la première fois de sa vie chez les Diarra et se rend dans une mosquée qui pourrait être réputée salafiste. Il est vrai que le ministre de l'intérieur nous a indiqué qu'en 2017 la classification des mosquées dites salafistes n'était pas aussi pointue qu'elle l'est aujourd'hui. Lorsqu'il se rend chez les Diarra la veille du drame, il arrive pieds nus et se change. Plusieurs vêtements ont été retrouvés sur place. Nous sommes plusieurs à penser qu'ils ont pu être déposés la veille, même si cette possibilité n'est pas vérifiée par notre enquête. Il est cependant avéré qu'il a récité des sourates du Coran et a fait ses ablutions. Une serviette qui n'appartient pas aux Diarra a été retrouvée sur place. Puis, il se rend par la partie du balcon la moins accessible pour arriver dans l'appartement de Sarah Halimi. Pour moi, tous ces éléments s'apparentent à la préparation d'un acte prémédité, antisémite et terroriste. Je voudrais votre avis là-dessus. Comment est-il possible que la section antiterroriste n'ait été ni saisie ni même consultée ? Comment est-il possible qu'aucune investigation n'ait été menée sur la mosquée Omar ou sur les fréquentations de M. Kobili Traoré ? Ces questions restent à ce jour sans réponse, même si chacun des commissaires commence à avoir son avis sur le sujet. C'est la raison pour laquelle cette audition est très importante pour nous.

Avant de vous céder la parole pour un propos liminaire de la durée que vous souhaiterez, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

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