Intervention de Jean-François Ricard

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 15h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste :

Le concept de radicalisé perturbé n'est sans doute pas le meilleur. Le fait d'être en présence de cette catégorie de personnes n'implique pas que nous nous saisissions ou non d'une affaire. L'individu de Villejuif présentait des troubles psychiatriques évidents. Il avait effectué un séjour en psychiatrie à l'hôpital six mois plus tôt. Toutefois, l'enquête démontrait une vraie radicalisation. Elle faisait apparaître que dans le déroulement même de l'action, l'intéressé avait conservé cette volonté d'exprimer sa radicalité, et que la finalité devait bien s'inscrire dans le but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, malgré des troubles psychiatriques. Dans l'exemple de l'Afghan de la banlieue de Lyon, la qualification terroriste semblait apparente, cependant l'examen de personnalité montrait que la volonté de troubler gravement l'ordre public était absente. Ce concept de radicalisé perturbé n'entraîne pas en tant que tel un choix dans une direction.

Je fais face à des terroristes depuis vingt-cinq ans. Un terroriste n'est pas nécessairement une personne perturbée. J'ai vu à de multiples reprises des individus intelligents, ayant fait des études, surtout scientifiques, de haut vol. Le gang de Roubaix, regroupant des anciens de Bosnie, était dirigé par un interne en médecine, Christophe Caze. J'ai eu face à moi des mathématiciens, des médecins, des biologistes, des informaticiens. Ces personnes savent très bien ce qu'elles font. Les dirigeants de l'ETA, Carlos savaient très bien ce qu'ils faisaient. Les jihadistes présentent des situations plus complexes, car ils sont dans une idéologie avant tout religieuse extrémiste. Ce ne sont pas des fanatiques, même s'ils adhèrent à une vision du monde complètement opposée à la nôtre. Parmi eux se rencontrent des individus perturbés. Cependant, par essence, le terroriste n'est pas un individu perturbé. Je m'occupe aussi des affaires de génocides et de crimes contre l'humanité. Pour emprunter des mots à un autre que moi, ces individus sont d'une banalité totale.

Concernant les moyens d'enquête, ce sont ceux requis pour la criminalité organisée, notamment des moyens informatiques développés comme l'IMSI-catcher. Ces moyens sont également une force de frappe importante. Nous pouvons saisir la DGSI ou la SDAT, qui sont des services extrêmement performants capables de manier en un temps très réduit ces outils particuliers d'investigation utiles pour trouver rapidement des informations dans les supports de l'intéressé, comme un téléphone ou un ordinateur. Les enquêtes sont désormais informatiques à 90 %. Nous bénéficions de ces services très performants et nécessaires pour examiner les données de connexion.

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