Dans un premier temps, je ne me saisis pas des faits. Suivant les éléments de l'enquête, je demande une évaluation à la SDAT qui continue à m'informer. Les substituts ou vice-procureurs de mon parquet s'adressent à leurs homologues de permanence, et je m'adresse à mon collègue chef de parquet à niveau égal pour suivre les investigations menées. La SDAT ou la DGSI interrogent leurs homologues localement compétents pour les inviter à procéder à des vérifications.
En quelques années, nous avons changé nos méthodes. Quand je suis arrivé au parquet antiterroriste en 2019, je portais une vision certainement décalée de ce qu'était devenu le terrorisme. J'en restais à mes observations de 1994 à 2006, et considérais les terroristes comme des individus ancrés dans leur idéologie, organisés, plutôt structurés, appartenant à des réseaux. Ces individus isolés, relevant de ce jihadisme d'atmosphère, comme l'appelle le Pr Kepel, influencés, perturbés, représentent un phénomène nouveau. Le PNAT a rencontré des difficultés pour y faire face. Nous y sommes désormais habitués. En 2021, vous-mêmes n'êtes pas étonnés de l'appellation radicalisé perturbé. En 2019, ces cas nous paraissaient encore nouveaux. Nous ne traitons pas ce type de dossiers comme nous le faisions il y a quatre ou cinq ans. Nous poussons les investigations de manière plus systématique.
Le terrorisme jihadiste est toujours un peu le même et très différent à la fois. Quand nous commençons enfin à le comprendre, il a déjà changé de nature. Nous devons conceptualiser ses constantes et sa mutation permanente rapidement pour y faire face le mieux possible, et nous y adapter, en utilisant des outils auxquels nous n'aurions pas eu recours auparavant.