Mme la rapporteure, cher Docteur Melman, nous reprenons nos travaux sur l'affaire Sarah Halimi. Je vous remercie de votre présence. Vous êtes un éminent psychiatre et psychanalyste. Vous êtes né en 1930 et je vous suis très reconnaissant de vous être déplacé pour nous éclairer. Vous avez écrit plusieurs ouvrages de psychiatrie. Vous avez fondé en 1982 l'Association freudienne internationale, qui contribue fortement à la formation et à la reconnaissance des psychanalystes. Dans la mesure où vous êtes retraité, j'imagine que vous n'avez jamais été sollicité par un juge dans l'affaire Sarah Halimi mais vous vous êtes intéressé à l'affaire. L'expertise psychiatrique de M. Kobili Traoré a conduit à prononcer son irresponsabilité pénale.
Vous avez déclaré dans diverses vidéos que selon vous, non seulement le discernement de M. Kobili Traoré n'était pas aboli mais « aiguisé et en éveil ». Cela accréditerait la thèse de la préméditation, dont la famille est convaincue et certains commissaires, dont je suis.
Comme vous le savez, plusieurs avis psychiatriques contradictoires ont été établis, l'un selon lequel le discernement était partiellement aboli et l'autre qui aboutissait à la conclusion d'une abolition totale. La question de la préméditation est tout à fait cruciale.
Vous avez également pointé des éléments qui sembleraient indiquer que Kobili Traoré se préparait à une opération de ce genre. Votre témoignage sur ce point sera intéressant en ce qu'il pourrait être contradictoire par rapport aux conclusions des experts. Ces derniers ont pu rencontrer Kobili Traoré, contrairement à vous, mais vous vous êtes longuement penché sur la question et notamment sur le rapport du Dr Paul Bensussan selon lequel le discernement avait été totalement aboli.
Certaines questions sont pour nous sans réponses, et notamment pour ce qui est de l'état psychiatrique de Kobili Traoré avant, pendant et après les faits. Il n'avait pas d'antécédent psychiatrique, même si sa sœur est bipolaire. Son dossier judiciaire ne mentionne aucun antécédent psychiatrique ni aucun traitement.
Nous avons auditionné hier un témoin qui aurait une source en contact très proche avec Kobili Traoré, selon laquelle il ne suivrait aucun traitement et se serait même rendu chez sa famille à plusieurs reprises. Ce témoignage n'est pas encore avéré et ces informations sont donc à considérer avec prudence. La personne auditionnée est un journaliste qui nous semble fiable mais sa source n'a pas encore été vérifiée par nous à ce stade – le journaliste en question souhaite la préserver.
Tous ces éléments nous interpellent et votre analyse psychiatrique sera sans doute intéressante. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec Mme la rapporteure, vous auditionner. Je vous inviterai dans un instant à effectuer un propos liminaire mais avant cela, en vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demanderai de bien vouloir prêter serment en jurant de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande de lever la main droite et de dire : « Je le jure ! »