Intervention de Meyer Habib

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 15h00
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib, président :

Nous reprenons nos travaux aujourd'hui avec l'audition de M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation. Je vous remercie de vous être déplacé. Votre audition est extrêmement importante pour nous. Vous êtes depuis de nombreuses années l'une des plus hautes autorités judiciaires de notre pays. Vous avez été à la tête du parquet de Paris pendant de longues années au cours desquelles vous avez notamment fait face à de nombreuses crises, comme les attentats de Charlie Hebdo, de l'Hypercacher, du 13 novembre, ou l'assassinat de Mireille Knoll et l'affaire de Sarah Halimi pour laquelle vous étiez procureur de Paris au moment des faits. C'est vous qui avez bataillé quelques mois après le meurtre pour que son caractère antisémite soit reconnu.

Vous avez envoyé un courrier, que je ne l'ai pas lu, mais qui a été confié à notre ancien rapporteur et vice-président et envoyé au président de l'Assemblée nationale, dans lequel vous vous inquiétez de la tenue de cette commission. Elle n'est pas un troisième degré de juridiction. La justice a tranché. Elle nous oblige. Malgré tout, le rôle de notre commission, comme celle qui a suivi l'affaire d'Outreau, est d'enquêter sur les éventuels dysfonctionnements de la police et de la justice, pour qu'un tel drame ne puisse se reproduire.

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, une femme française juive, âgée de 65 ans, docteure en médecine, devenue directrice de crèche, a été défigurée et défenestrée en plein Paris aux cris de « Allah akbar ». De nombreux policiers étaient présents sur place, de longues minutes avant même que débute le massacre. Dès le 4 avril, compte tenu de la gravité du crime, vous avez décidé de superviser l'enquête de police en étroite collaboration avec la substitute du procureur, Mme Johanna Brousse. Nous l'avons auditionnée. Elle était enceinte au moment des faits, et a témoigné avec une immense émotion. Vous avez très vite appris que Sarah Halimi était juive, ce qui vous a amené à être immédiatement en contact avec les représentants de la communauté juive de France, dont M. Joël Mergui, président du consistoire israélite de France, que nous venons d'auditionner. Cependant, à ce stade, vous décidez d'écarter le caractère antisémite de ce crime. Vous nous expliquerez peut-être quels éléments vous y ont conduit. Nous connaissons votre sensibilité sur le sujet, et comme l'a expliqué Mme Johanna Labrousse, dès les premiers instants, vous vous interrogiez sur le caractère antisémite du meurtre.

À l'époque, le parquet national antiterroriste (PNAT) n'existait pas encore, mais vous n'avez pas saisi la section antiterroriste du parquet de Paris, alors qu'une femme a été massacrée, aux cris de « Allah akbar », « que Dieu me soit témoin » et « j'ai tué le sheitan du quartier ». M. Traoré s'est rendu à trois ou quatre reprises à la mosquée dans la journée. Il ne tenait plus la porte aux femmes. Je ne crois pas qu'une enquête ait été menée sur la mosquée de Omar, réputée salafiste, qu'il fréquentait la veille du drame.

Pourquoi, M. le procureur, n'y a-t-il pas eu d'enquête sur les fréquentations de l'assassin, notamment ses deux amis Abdelkader Rabhi et Sofiane al-Bachir ? Ce dernier, je tiens à le confirmer devant tous nos collègues et Mme Camille Galliard-Minier, parle clairement dans son audition d'un trousseau de clés. Kobili Traoré se trouvait avec lui quelques minutes avant de massacrer Sarah Halimi. Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'investigations sur le téléphone de Kobili Traoré, de sa famille ou de l'ami chez qui il s'est rendu lors du crime ? Pourquoi la préméditation n'a-t-elle jamais été envisagée ni par les enquêteurs ni par la juge ? Plusieurs éléments factuels nous laissent penser qu'il avait prémédité son crime, même s'il se trouvait sans doute, puisque tous les experts l'ont dit, en pleine bouffée délirante. Beaucoup de commissaires ici présents pensent qu'il y a eu prémédiatation. Les réponses à ces questions restent floues et j'espère que votre audition apportera de la lumière sur l'ensemble de ces points.

Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

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