Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 15h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

éric Dupond-Moretti, ministre :

Les questions sont parfois plus importantes que les réponses. La Constitution consacre la liberté juridictionnelle. Je m'exprimerai sur ce point de façon très générale, en m'extrayant du cas qui nous occupe, dans le détail duquel chacun a compris que je ne veux pas entrer.

La liberté juridictionnelle a pour corollaire la possibilité et la nécessité, pour le juge, de faire des choix – reconstitution ou pas, interrogatoire ou pas –, menant comme il l'entend son instruction. Il y a donc un risque d'erreur. Quand on me parle de la façon dont la justice est rendue en matière pénale, en disant qu'elle ne l'a pas été dans telle ou telle affaire, je réponds qu'on ne peut pas résumer le traitement de 150 000 affaires en matière pénale à une seule. La liberté juridictionnelle a pour corollaire le risque d'erreur. Or, il est impossible d'y renoncer, sous peine de mettre un terme à l'indépendance des juges, sans laquelle nous ne sommes plus une démocratie.

Quant à l'appréciation subjective des situations, je ne peux rien en dire. Vous dites que, dans le cas d'espèce, la reconstitution aurait permis de l'infléchir. Je ne peux pas vous répondre. Si je dis qu'il aurait fallu procéder à une reconstitution, je me mêle de juridictionnel et dis à un juge des choses que je ne peux pas lui dire. S'il existe des dysfonctionnements en droit, le garde des sceaux, qui veut formuler des réponses en droit et de façon générale, sans entrer dans le détail de l'affaire, n'a qu'une possibilité : l'assignation de l'Agent judiciaire du Trésor pour faute lourde, laquelle doit être démontrée. Telle est la règle de droit. Je ne dirai pas ce qu'il fallait faire ou ne pas faire, car je n'en ai pas le droit.

Quand on a la liberté de faire comme on l'entend, on a la liberté de bien faire, et celle de ne pas forcément bien faire. Tout repose sur une analyse subjective, dans laquelle, s'agissant du cas qui nous occupe, je n'entends absolument pas entrer. Au demeurant, je préfère le risque d'erreur à une justice aux ordres et à la botte. Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, sur cette position de principe, qui est au fondement de la Constitution.

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