Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 15h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

éric Dupond-Moretti, ministre :

J'étais réservé pour les mêmes raisons que vous, en particulier la crainte de refaire le procès, même si vous devez vous trouver dans une situation encore plus délicate que ne l'était la mienne à l'époque puisque j'étais auditionné en qualité de témoin. D'autre part, il régnait un climat que je ne retrouve pas ici, fort heureusement. On avait l'impression de sonner l'hallali et je n'aime pas la meute. Je l'avais d'ailleurs dit, en ces termes. Le juge Burgaud connaissait ma position et dieu sait pourtant que je n'ai pas été tendre avec lui. J'étais alors avocat et ce dossier était particulier.

Nous avons fait beaucoup pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme et nous en sommes fiers. Une première circulaire relative à la lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux a été prise le 4 avril 2019. Nous avons voulu sensibiliser les services de police et de gendarmerie à la qualité de l'accueil des victimes d'agressions à caractère raciste, antisémite ou homophobe et les inviter à privilégier la prise d'une plainte à la main courante. Au passage, rappelons que ceux qui veulent tricher avec les chiffres pour faire baisser ceux de la délinquance préfèrent la main courante à la plainte. Ce sont souvent les mêmes qui dénoncent l'augmentation de la délinquance quand ils ne sont plus aux affaires. Fermons la parenthèse.

Par la circulaire du 10 janvier 2020 relative à la protection de la laïcité et à la lutte contre la radicalisation et le communautarisme, nous demandons de veiller à mettre en œuvre les incriminations visant à sanctionner les abus et les dérives commis au nom des religions et celles visant à protéger des atteintes commises en raison des religions. Nous avons, en parallèle, développé les mesures de remplacement à dimension pédagogique.

Une dépêche relative à la répression des appels discriminatoires au boycott des produits israéliens a été prise le 20 octobre 2020.

La circulaire le 24 novembre 2020 relative à la lutte contre la haine en ligne crée, à droit constant, un pôle national de lutte contre la haine en ligne, à la suite de l'adoption de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia.

Le tribunal judiciaire de Paris sera désigné comme pôle pour centraliser sous la direction du procureur de Paris le traitement des affaires significatives de cyberharcèlement et de haine en ligne. Depuis le 4 janvier 2021, le pôle a été doté de trois magistrats, deux juristes assistants, un assistant spécialisé et un fonctionnaire de police. Il s'est saisi de 423 dossiers dont plusieurs phénomènes de harcèlement en ligne qui présentent une dimension d'atteinte aux valeurs républicaines. Je pense notamment aux faits commis à l'encontre de cette jeune femme de confession juive, première dauphine de Miss France : on se souvient tous du torrent d'insanités déversées sur les réseaux sociaux.

Je ne m'attarderai pas sur la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République que vous connaissez parfaitement. Plusieurs délits de presse, notamment les délits de provocation à la haine ou à la discrimination, pourront faire l'objet de procédures accélérées. On n'a pas touché à la loi de 1881 qui protège la liberté de la presse – en revanche, depuis qu'il a été malmené par un journaliste de TF1, un candidat à l'élection présidentielle voudrait abroger ce texte qui a permis à des juges de le condamner. Passons. Nous voulons que les haineux en ligne soient immédiatement jugés car ils s'abritaient derrière ce texte qui permet de protéger les seuls journalistes. Ces gens revendiquaient cette protection alors qu'ils n'étaient pas journalistes. Ils n'étaient que des haineux et ils seront désormais jugés en tant que tels, en comparution immédiate.

Dans chaque juridiction, un magistrat référent pour les infractions de discrimination sera désigné. La répression des infractions à caractère raciste ou accompagnées d'une circonstance aggravante de racisme sera accrue. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Le taux de réponse pénale s'élevait à 86 % en 2020, 43 % de poursuite devant les juridictions pénales, 57 % de procédures alternatives aux poursuites, hausse de 4,2 % des condamnations entre 2019 et 2020, soit 875 condamnations. Le taux d'emprisonnement en 2020 atteignait 88 % pour les atteintes à la vie et les violences dont 36 % d'emprisonnement ferme, 65 % pour les menaces dont 48 % d'emprisonnement ferme, 49 % pour les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence dont 11 % d'emprisonnement ferme et 21 % pour injure et diffamation à caractère raciste dont 9 % d'emprisonnement ferme. Les mentalités évoluent. Nous sommes plus attentifs et ces faits sont davantage punis qu'ils ne l'étaient autrefois.

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