Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 15h05
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

éric Dupond-Moretti, ministre :

S'agissant tout d'abord de la différence entre cosaisine et collégialité, je me suis exprimé de façon générale en ayant conscience d'égrener un certain nombre de poncifs. En effet, elles sont légèrement différentes puisque, en cas de cosaisine, le premier juge saisi conserve un pouvoir spécifique en cas de désaccord. Certains juges trouveront beaucoup d'avantages à travailler avec d'autres collègues, d'autres moins. C'est du cas par cas. C'est pourquoi je me suis permis de vous conseiller, avant de formuler des propositions en ce domaine, d'auditionner des magistrats qui travaillent régulièrement en cosaisine et en collégialité.

Pour le reste, ce que vous dites est vrai. J'ai connu un immense avocat pénaliste, Jean-Louis Pelletier. Il exprimait ce sentiment d'apaisement que l'on peut éprouver à l'issue d'un verdict quand l'accusé s'est senti entendu et les parties civiles, prises en considération : un bon verdict est celui dans lequel tout le monde est enfermé. Il faudrait, de la même façon, être enfermé par l'instruction. L'accusé doit avoir le sentiment d'avoir été entendu, les parties civiles aussi. Au fond, cette vieille formule de Camus, qui n'est pas écrite dans le code de procédure pénale, est très juste : la justice est une chaleur de l'âme. Je m'exprime ici de façon très générale, vous l'aurez compris.

Oui, la loi prévoit l'audition. La temporalité est laissée à la libre appréciation du juge mais je suis favorable à ce que l'on procède, surtout dans ce type de dossier, à une audition récapitulative au cours de laquelle le juge explique les raisons de sa décision pour que les parties ne l'apprennent pas par la notification. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que les verdicts de culpabilité doivent être motivés. Il est normal qu'un homme sache quels arguments ont été retenus pour fonder sa culpabilité. Dans un deuxième temps, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité que j'avais plaidée, nous avons obtenu la motivation du quantum de la peine. Le condamné doit savoir pourquoi on lui inflige une peine de vingt ans d'emprisonnement et non pas de quinze. Cette considération vaut aussi pour les parties civiles : elles doivent comprendre pourquoi un magistrat-instructeur souhaite prononcer un non-lieu.

Nous allons y réfléchir ensemble. Vous proposez que je prenne une circulaire. Soit mais, vous le savez bien, la force de la circulaire est ténue. Nous pouvons toujours, cependant, appeler l'attention des procureurs généraux.

Concernant les expertises judiciaires, vous souhaitez que les experts qui ont examiné l'auteur des faits soient aussi en charge de son suivi médical. Je comprends votre intention mais l'auteur a été pris en charge médicalement dans un établissement psychiatrique et il me semble compliqué que les experts psychiatres judiciaires y interviennent alors que des spécialistes sont déjà à l'œuvre et que nous manquons d'experts judiciaires. Je ne suis pas convaincu par votre proposition mais je vais y réfléchir.

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