Intervention de Stéphane Noël

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 15h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris :

Permettez-moi de vous objecter, monsieur le président, que tous les magistrats qui ont jugé des affaires impliquant des « gilets jaunes » ne sont pas nécessairement passés par l'administration centrale. J'ajoute qu'un juge du siège n'est pas là pour appliquer des circulaires. Engager l'action publique, c'est le rôle du ministère public. Le juge a pour fonction quant à lui d'apprécier individuellement les situations qui lui sont soumises, d'établir la matérialité des faits, de considérer les éléments constitutifs de l'infraction, la personnalité de l'auteur, l'objectif de réinsertion notamment, pour individualiser la peine et son application.

Vous affirmez que les peines prononcées ont dépassé les réquisitions ou ce qui pouvait être attendu ; je ne peux me prononcer sur ces situations individuelles. Ce que je peux vous affirmer avec certitude, et je suis catégorique sur ce point, c'est que le passage en administration centrale n'obère pas l'indépendance du juge.

On pourrait éventuellement soutenir que les fonctions de magistrats sont incompatibles avec celles exercées au ministère de la justice ou celles de membre d'un cabinet. Christian Vigouroux, conseiller d'État, a écrit un très beau livre sur les cabinets ministériels dans lequel cette question est posée. Or, si les magistrats de l'ordre judiciaire ne participaient pas à la vie du ministère ou à celle des cabinets, ce serait alors des administrateurs civils, des membres des tribunaux administratifs ou du Conseil d'État – lesquels participent déjà beaucoup à l'activité ministérielle –, qui porteraient leur appréciation sur le fonctionnement de la justice.

Il me paraît souhaitable au contraire que des magistrats familiers du fonctionnement de l'institution judiciaire apportent aussi leur concours au bon fonctionnement du ministère ou leurs conseils à un garde des Sceaux, et cette mobilité ne me paraît pas nuire à l'image de l'institution judiciaire. Nous sommes désormais nombreux à avoir occupé de telles fonctions, en particulier à Paris, sous l'autorité de directeurs ou de gardes des Sceaux de sensibilités différentes, et il serait infondé d'accuser les uns ou les autres de partialité ou d'atteinte à l'indépendance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.