D'abord, le terme de « magistrats politiques », utilisé dans cet article, me gêne. En tant que citoyen et en tant qu'agent public, j'ai un profond respect pour la politique, qui est pour moi quelque chose de très important, et cet adjectif ne peut être utilisé dans un sens réducteur. Que veut-on dire par là ? La connotation de cette expression me paraît curieuse, comme si, en accolant ces deux termes, on voulait affaiblir l'un par l'autre.
Je ne sais pas comment La Lettre A a effectué ses calculs, ni ce qu'elle entend par « beaucoup ». Mais il est fondamental de rappeler que depuis une réforme statutaire, les magistrats amenés à exercer des fonctions dans les cabinets ministériels, quels qu'ils soient et quel que soit le Gouvernement en place, sont nommés pour ordre à l'inspection générale de la justice, même s'ils n'y exercent pas de manière effective, pour des raisons statutaires et budgétaires.
Je préfère mille fois cette solution à la situation antérieure, dans laquelle les magistrats exerçant dans les cabinets ministériels étaient prélevés, du point de vue budgétaire, sur des postes en juridiction. Au moins, ils ne prennent pas de poste en juridiction et leur statut est clair. En outre, c'est une garantie d'indépendance : en cas de changement de ministre ou de démission de leurs fonctions au cabinet, ils conservent un poste de rattachement. Cela permet d'éviter toute pression dans l'exercice de leurs fonctions en cabinet.
L'inspection générale de la justice a une mission de contrôle qui s'exerce sur l'ensemble du ministère de la justice, pas seulement sur les magistrats. Le raisonnement est le même pour tous, et peut-être La Lettre A s'intéressera-t-elle, après les magistrats, à ceux qui, issus de l'administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou du corps des administrateurs civils, sont passés par les cabinets ministériels avant d'arriver à l'inspection générale de la justice – car il y en a.
L'inspection fait appel à des compétences techniques, à des compétences liées à un métier particulier et à des compétences transversales. Puisque l'inspection exerce une mission transversale, il est sain que ces compétences soient recherchées et que ceux qui les détiennent y soient nommés. L'inspection compte aussi des magistrats ou d'autres agents publics dont les compétences techniques sont tirées de leur expérience en juridiction, elles leur permettent d'apporter une connaissance du terrain. On y trouve d'anciens premiers présidents de cour d'appel ou de la Cour de cassation, d'anciens présidents de juridiction, procureurs de la République, juges d'instruction ou juges des enfants. Il y a aussi des magistrats qui ont été juge d'instruction ou juge des enfants, qui sont passés par l'administration centrale avant de revenir en juridiction, et qui ont à un moment de leur carrière fait un passage en cabinet ministériel – j'en fais partie. En matière de compétences et de diversité de recrutement, le passage par un cabinet ministériel, quelle que soit sa couleur politique, est le signe d'une solide formation professionnelle, d'un intérêt pour la chose publique et d'une vraie appétence à appréhender la complexité et la diversité des sujets. À mon sens, ce n'est pas un problème, car cela ne me semble pas avoir un quelconque lien avec la question de l'indépendance.