Je vous réponds très clairement : non, car le magistrat du parquet ne peut pas se mettre dans cette situation où il évoquerait une affaire en cours et les suites susceptibles de lui être réservées. Ce n'est pas dans notre fonctionnement. Retenez ce que je vous ai dit tout à l'heure car il faut vraiment en avoir conscience : quand le procureur de Paris prend une décision, il ne la prend pas seul mais avec son équipe.
Dans tous les cas, concrètement, la décision que je prends est celle qui m'est proposée car elle est le fruit d'une réflexion collective. Elle part du magistrat du parquet. Il a le dossier en main, il connaît bien la procédure, il va en discuter avec son chef de section qui en discutera avec son procureur-adjoint. Tous viendront me voir dans mon bureau. Nous évoquerons la situation et la décision prise sera le fruit de cette réflexion partagée. Il n'y a pas place pour un conseil extérieur qui fixerait une orientation.
Je suis parfois sincèrement très étonné de voir certaines interprétations. Dans le même dossier on peut me reprocher ma dépendance avant de me dire que j'ai été un procureur formidablement indépendant !
Dans tous les cas, nous faisons notre travail. Notre travail, c'est d'exercer l'action publique, d'évaluer l'opportunité des poursuites, d'analyser des éléments à charge et à décharge, d'intégrer des éléments de faits, de les combiner avec l'analyse de la personnalité des mis en cause. Le travail d'un procureur, c'est de rechercher et de poursuivre les infractions à la loi pénale et de faire la vérité.
L'énorme travail que nous conduisons depuis quinze mois sur la question des gilets jaunes est réalisé au cas par cas et privilégie toujours l'approche individuelle et la personnalisation de la réponse. Même lorsqu'il y a eu 1 000 gardes à vue le 8 décembre 2018, nous nous sommes mis en situation de continuer à fonctionner exactement de la même façon. Il n'y a pas eu de traitement de masse ou de garde à vue préventive.
Cela a conduit, le dimanche 8 décembre, à mobiliser plus de vingt magistrats du parquet. Ce sont les procureurs-adjoints qui ont fait les rappels à la loi. Nous avons réussi à mobiliser plus de vingt magistrats pour une seule journée afin que la justice ne dévie pas de sa trajectoire. Notre force au quotidien, c'est de pouvoir décliner une politique pénale partagée et constante. Nous n'imagions pas qu'il puisse y avoir des réponses différentes d'un samedi à l'autre. Le rôle du procureur, c'est de veiller à cette cohérence et à cette ligne. Pourtant sur ce sujet, les commentateurs nous ont qualifiés indistinctement de laxistes et de « répressistes ». L'opinion a beaucoup varié dans le temps mais nous sommes restés constants.