Intervention de Rémy Heitz

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 17h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris :

Si la victime était venue dénoncer des faits : oui. En l'état, les faits nous sont communiqués par voie de presse à la suite de la parution d'un livre.

Dans toutes les affaires où nous avons ouvert des enquêtes, si, au départ, les victimes étaient réticentes, elles ont rapidement compris l'importance du travail d'investigation de la justice.

La communication n'est donc pas secondaire. Elle fait aujourd'hui partie intégrante de l'action, puisque nous vivons dans un monde connecté, de chaînes d'information continue, de réseaux sociaux, où tout va extrêmement vite. Nous devons nous inscrire dans ces communications alors que le temps judiciaire n'est pas celui du temps médiatique.

Nous devons aussi expliquer comment nous agissons et progressons. Il y a parfois des incompréhensions.

Par exemple, concernant les gilets jaunes, nous avons dû expliquer plusieurs éléments. C'est la raison pour laquelle, le 31 mai 2019, j'avais donné une interview au journal Le Parisien, pour expliquer notre position en matière de réponse aux plaintes concernant les violences policières. J'avais annoncé que des policiers seraient renvoyés devant le tribunal correctionnel. Il y a eu des réactions assez vives de syndicats de police, mais nous avions choisi ce temps de la communication pour expliquer de manière transparente l'action du parquet et pour dire aux plaignants que la justice passerait, que nous accordions à leur demande toute l'importance qu'elle requérait.

Aujourd'hui, si on n'explique pas l'action de la justice, on est dans l'incompréhension et on laisse se développer des visions complotistes. L'indépendance de la justice se construit donc aussi avec un message porté par une communication institutionnelle.

L'action du parquet européen sera circonscrite et limitée à la poursuite des fraudes aux intérêts financiers de l'Union et aux grandes fraudes à la TVA, avec un seuil de 10 millions d'euros. Cela n'aura donc pas du tout d'effet sur le quotidien des parquets.

Le parquet européen est doté d'une très large indépendance. Il y a un chef du parquet européen, madame Laura Kövesi, un chef des parquets européens, des procureurs nationaux et des procureurs délégués. Dans l'organisation du parquet européen, on ne connaît pas le juge d'instruction. Cela bouleversera notre ordre juridique interne. Nous allons donc devoir adapter notre loi et c'est l'objet du projet en cours. C'est un débat important car certains y voient une évolution de notre procédure pénale vers une diminution du rôle du juge d'instruction.

Pour le parquet de Paris, l'impact de la création du parquet européen sera limité. Il concernera davantage le parquet national financier. Toutefois, certains dossiers, notamment en matière de grande criminalité organisée de très grande complexité, pourront intéresser le parquet européen.

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