Intervention de Rémy Heitz

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 17h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris :

J'ai exercé une dizaine de fonctions ces trente dernières années. J'ai toujours très scrupuleusement respecté le cadre institutionnel. Lorsque j'ai été nommé président du tribunal de Bobigny, il y a un peu plus de dix ans, un journal avait titré : la reprise en mains du tribunal de Bobigny. Comme si j'allais, moi, reprendre en mains quoi que ce soit ! Au bout de quinze jours, l'ambiguïté avec mes collègues et les représentations syndicales au sein du tribunal de Bobigny était levée. Ils avaient compris que je venais pour exercer mes fonctions, pour respecter et défendre l'indépendance des magistrats du siège. Personne ne viendra vous dire que je n'ai pas tenu cet engagement.

Nous sommes habitués à ce cloisonnement et nous avons des réflexes. Celui de demander à un collègue de se déporter en fait partie. Je ne délègue jamais les déclarations d'intérêt par exemple. C'est un moment de discussion et d'échanges alors que tout ne figure pas dans la déclaration écrite d'intérêts.

Les termes de l'arrêt de la CJUE sont très clairs. Ils démontrent qu'en France, les magistrats du parquet disposent du pouvoir d'apprécier de manière indépendante, notamment par rapport au pouvoir exécutif, la nécessité et le caractère proportionné de l'émission d'un mandat d'arrêt européen et exercent ce pouvoir de manière objective en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge.

Cet arrêt de la CJUE nous a mis du baume au cœur car nous avons souffert des suites de l'arrêt Medvedyev.

Qu'est-ce qui garantit notre indépendance dans le temps ? Ce sont les fonctionnements que j'ai décrits, mais c'est surtout la loi du 25 juillet 2013. Elle interdit les instructions individuelles de façon parfaitement limpide. Demain, lorsque la réforme constitutionnelle sera adoptée et que le principe de l'avis conforme du CSM pour toute nomination d'un parquetier sera gravé dans le marbre constitutionnel, je pense que nous aurons franchi une étape extrêmement importante.

Aujourd'hui, les pratiques vertueuses existent déjà, mais l'adoption de la loi nous permettrait d'interdire tout retour en arrière.

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