Intervention de Jean-Michel Hayat

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 8h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris :

Cette organisation clarifie considérablement les choses. Elle permet à un procureur et à un président de réfléchir au déploiement des moyens de manière beaucoup plus sereine. J'ai travaillé avec François Molins dans cette organisation-là. Cette période fut pour nous extrêmement précieuse, parce qu'il n'y avait absolument aucune tension à ce sujet.

Nous avons connu jusqu'à 10 % de postes vacants dans les effectifs de greffe. Effectivement, cela est très préoccupant quand il manque du personnel à la permanence du parquet pour gérer les permanences et les déferrements, qui constituent le poumon du parquet. C'est également une catastrophe s'il n'y a pas de greffier dans un cabinet d'instruction, s'il n'y a pas de greffier aux côtés d'un juge aux affaires familiales ; tous les matins, nous nous demandons comment organiser les audiences !

Voilà qui pèse véritablement sur le bon fonctionnement de la justice et n'est pas digne d'une démocratie. La bataille des moyens est constante ! 10 % de postes vacants indiquent une réelle situation de fragilité, qui nous vaut des critiques, parce que la justice est lente, parce que les décisions traînent à être à être mises en forme alors qu'elles sont rendues. Tout cela n'est pas bon non plus pour l'image d'un grand service public qui devrait fonctionner de manière fluide.

Par ailleurs, le combat est permanent avec l'administration centrale pour convaincre de la nécessité de renforcer les équipes autour du juge. Je m'en suis expliqué publiquement à deux reprises, récemment. Dans les petites juridictions du ressort – Sens, Fontainebleau, Auxerre – les présidents exercent généralement pour la première fois les fonctions de chef de juridiction. Il suffit qu'il y ait un juge aux affaires familiales en stage, un juge d'instruction en congé de maternité ou un juge des référés qui tombe malade et le chef de juridiction doit assumer en plus de ses fonctions d'administration, comme il a la responsabilité de sa juridiction, celle de juge des référés le matin, président de correctionnelle l'après-midi et juge des libertés et de la détention le soir. Nous ne pouvons continuer ainsi. Je les vois tous au bord du burn-out. Il faut leur permettre non pas d'avoir un greffier en chef, un directeur de service de greffe, mais un juriste assistant, c'est-à-dire un juriste bac+5, à leurs côtés, qui leur permette de mettre en forme les ordonnances de référé qu'ils ont rendues ou des jugements correctionnels qui sont frappés d'appel ; ils doivent être assistés au quotidien pour exercer leur rôle de juge. Je me bagarre depuis des mois et des mois pour obtenir ce renfort pour les petites juridictions ; mais je me bagarre aussi pour avoir des assistants spécialisés au pôle antiterroriste ou dans d'autres services.

Nous sommes écoutés, mais tout cela vient trop lentement. On m'a reproché de créer la polémique, je l'assume. Quand le tribunal de Paris, par les décisions qu'il a rendues sur des conventions judiciaires d'intérêt public, rapporte en deux ans quatre milliards d'euros à l'État, il serait normal qu'il y ait une enveloppe pour la justice, comme pour les douanes qui bénéficient d'un « retour sur investissement ». Cela ne servirait pas à augmenter la rémunération de qui que ce soit, mais à renforcer les équipes dans les juridictions. Le dialogue serait plus équilibré vis-à-vis de l'administration centrale. Cela doit profiter à tout le monde, pas seulement à Paris, mais à Périgueux, à Dunkerque, etc. Ces équipes renforcées autour des juges sont nécessaires, parce que ces sous-effectifs structurels nous affaiblissent.

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