Je suis magistrat au parquet et depuis trente ans j'ai constaté que les relations avec le préfet avaient considérablement évolué. Des dispositifs, notamment des dispositifs de coordination de la police judiciaire, ont été mis en œuvre. Je pense à l'état-major de sécurité. C'est une structure coprésidée par le procureur de la République et par le préfet qui rassemble les services de sécurité intérieure, la direction générale des finances publiques (DGFiP), l'éducation nationale et les services susceptibles de connaître des problèmes de prévention de la délinquance.
Dans le cadre de ces dispositifs coprésidés, les procureurs demandent que les réunions se tiennent en alternance au tribunal et à la préfecture. Lorsque j'ai sollicité cette alternance dans des départements où elle n'existait pas, ma demande a toujours été entendue.
Ces structures ont permis aux procureurs et aux préfets de mieux se connaître. Les préfets comprennent mieux les particularismes de l'institution judiciaire, notamment sa dyarchie qui implique que des orientations d'un procureur en matière de politique pénale ne peuvent être garanties par les décisions du tribunal. Pour des hauts fonctionnaires de l'administration, où il n'y a qu'une tête, l'indépendance du magistrat du siège et du parquet doit être expliquée.
Ces dernières années, je constate que les préfets sont très respectueux de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Je trouve utile d'être informé des conséquences possibles d'une décision. Je ne le vis pas comme une pression. J'ai besoin, par exemple pour des affaires relevant du tribunal de commerce, d'être informé d'une situation sensible et d'avoir tous les éléments à ma disposition pour prendre une décision parfaitement éclairée en toute indépendance. C'est ce que j'appelle une action publique éclairée.
Concernant l'affectation des moyens de police judiciaire, de mon point de vue, la question ne pose pas vis-à-vis du préfet, mais plutôt avec les responsables de services de police ou de gendarmerie. Le dialogue s'installe et le procureur de la République a la possibilité de demander des moyens nécessaires à la dimension de l'enquête. Ceux-ci ont toujours été déployés.