L'indépendance de l'autorité judiciaire est inscrite dans la Constitution et il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'appartenance des magistrats du parquet à l'autorité judiciaire : elle va de soi. Le principe d'indépendance concerne aussi bien les magistrats du siège que ceux du parquet.
La question qui se pose, en revanche, est de savoir si les garanties de l'indépendance des magistrats du parquet sont suffisantes et si elles sont au niveau de ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre. Le statut des magistrats du parquet a certes déjà évolué, mais d'autres évolutions sont attendues depuis de nombreuses années. Au début du mois, lorsque Mme la garde des sceaux a réuni les chefs de cour, la présidente de la conférence nationale des procureurs généraux a rappelé la nécessité de faire évoluer le statut des magistrats sur deux points. Premièrement, nous souhaitons que les nominations des magistrats du parquet fassent l'objet d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Deuxièmement, nous demandons l'alignement du régime disciplinaire des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège.
Certains candidats aux élections s'étaient engagés à mener ces réformes que nous appelons de nos vœux depuis de nombreuses années mais que d'autres questions sont venues les éclipser. La conférence nationale des procureurs généraux est convaincue que ces deux évolutions sont absolument nécessaires si nous voulons que nos concitoyens cessent de s'interroger sur l'indépendance des magistrats du parquet et sur les pressions qu'ils pourraient subir de la part des pouvoirs exécutif ou législatif.
Si les deux points que je viens d'évoquer font l'unanimité, d'autres questions sont moins consensuelles.
Par exemple, le garde des sceaux doit-il ou non conserver son pouvoir de proposition pour la nomination des magistrats du parquet ? Aujourd'hui, le CSM donne un avis simple sur la proposition de nomination du garde des sceaux – dans les faits, il s'agit désormais d'un avis conforme, mais nous souhaiterions passer du fait au droit. Les procureurs généraux souhaitent majoritairement que le garde des sceaux conserve son pouvoir de proposition, parce qu'ils considèrent que le rôle des magistrats du parquet est d'appliquer la politique pénale, qui est l'une des politiques publiques du Gouvernement. La nomination par le garde des sceaux garantit à leurs yeux une application uniforme des politiques pénales au niveau national, c'est-à-dire la protection de l'intérêt général et l'égalité de nos concitoyens.
L'évolution du CSM fait également débat. Faut-il qu'il ait des pouvoirs de proposition, de nomination, voire de gestion du corps ? Certains le proposent. Actuellement, c'est la direction des services judiciaires qui est chargée de la gestion du corps des magistrats. Faut-il que le CSM s'en charge à l'avenir, ce qui entraînerait une déconnexion totale avec le ministère ? Je n'ai pas trouvé, dans les dernières motions de la conférence nationale de procureurs généraux, de position officielle sur ce sujet.