J'en viens à l'aspect financier. Vous nous demandez si les moyens à la disposition de l'autorité judiciaire nous semblent suffisants pour assurer son indépendance et vous vous interrogez également sur les relations, en matière budgétaire, entre les chefs de cour et l'administration centrale, d'une part, et les chefs de cour et les chefs de juridiction, d'autre part.
L'organisation budgétaire de l'autorité judiciaire fait actuellement l'objet de réflexions. La conférence nationale des procureurs généraux ne revendique pas une autonomie de décision, qui supposerait l'instauration d'un conseil de justice ou d'un CSM amélioré, qui ne dépendrait pas du Gouvernement pour ses crédits et qui les allouerait aux juridictions. Notre conférence continue de penser que c'est au garde des sceaux d'obtenir du Parlement, dans le cadre de la loi de finances, les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice. De notre point de vue, c'est au pouvoir politique de fixer le montant de ces crédits – même si nous pouvons avoir un avis là-dessus.
La conférence nationale des procureurs généraux souhaite en revanche une large autonomie de gestion des crédits alloués. Les chefs de cour sont, en vertu du code de l'organisation judiciaire, ordonnateurs secondaires. Il nous paraît essentiel que les cours d'appel bénéficient de crédits et que les chefs de cour disposent de l'autonomie de gestion de ces crédits : ce sont deux données essentielles de l'indépendance de la justice.
Si, par exemple, des arbitrages doivent être rendus au sujet des frais de justice, les chefs de cour, parce qu'ils sont des magistrats, me semblent être les mieux placés pour le faire. Au risque d'être un peu technique, j'évoquerai les budgets opérationnels de programme (BOP). Dans le système actuel, certains chefs de cour sont responsables de BOP qui concernent plusieurs cours d'appel : c'est par exemple le cas de la cour d'appel de Nancy. Ils ont donc une prééminence en matière budgétaire, puisqu'ils répartissent eux-mêmes les crédits entre les différentes cours. La conférence serait favorable à ce que chaque chef de cour soit responsable d'un BOP pour sa cour d'appel.
En revanche, le principe « un BOP pour une cour d'appel » paraissant peu compatible avec le maintien de trente-six cours d'appel, il convient de réfléchir à la carte judiciaire et peut-être d'envisager la fusion de certaines cours – même si c'est une question difficile. L'autonomie de gestion implique de pouvoir choisir des marchés et de faire des choix budgétaires. Elle concerne des questions aussi différentes que le gardiennage, l'amélioration de l'environnement de travail ou l'équipement des juridictions en moyens informatiques et téléphoniques. Pour le bon fonctionnement des parquets, notamment de ce que l'on appelle la permanence – le service de traitement en temps réel –, ce dernier point est absolument essentiel. Il faut que les chefs de cour aient leur mot à dire sur ces questions.
J'en viens à la question des moyens humains et financiers alloués aux juridictions. Ces moyens ont longtemps été insuffisants et nous ne sommes pas les seuls à le dire. Il y a trois ans, l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des services judiciaires ont rendu un rapport sur les dépenses de fonctionnement courant des juridictions. Ce rapport montrait tout d'abord que les chefs de cour étaient de bons gestionnaires, alors qu'on avait tendance à dire le contraire pour leur contester cette autonomie de gestion. L'IGF soulignait toutefois que les budgets étaient très contraints et ne couvraient guère que les dépenses nécessaires et incompressibles : l'environnement de travail et la maintenance immobilière pouvaient ainsi en pâtir.
La situation s'améliore depuis quelques années, notamment en ce qui concerne les frais de justice. Il y a encore quatre ou cinq ans, nous devions fréquemment procéder à des arbitrages en fin d'année parce que nous n'avions pas les crédits nécessaires : ce temps est révolu. Des efforts ont également été faits pour réduire le nombre de postes vacants, notamment pour les parquets de première instance. Le projet de mouvement des magistrats pour le mois de septembre prochain, dit « transparence », a été publié hier : tous les postes seront pourvus dans les parquets de première instance.
Il existe encore une marge de progression, s'agissant de l'assistance des magistrats des parquets : il est essentiel que les substituts soient assistés, notamment dans les services de permanence. Il faut qu'ils puissent s'appuyer sur un greffier ou, pour leurs travaux écrits, sur des juristes et des assistants de justice. C'est un élément essentiel et nous sommes loin du compte.