Intervention de Marie-Christine Tarrare

Réunion du jeudi 20 février 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Marie-Christine Tarrare, procureure générale près la cour d'appel de Bourges :

Pour ma part, je me sens très libre. La circulaire de 2014 n'est pas un carcan et j'estime qu'en ma qualité de procureure générale, j'ai la capacité d'apprécier ce qui doit faire l'objet d'une remontée d'informations au niveau central.

En matière d'information, il faut distinguer deux niveaux – il en est en tout cas ainsi dans ma cour. Le premier concerne la relation entre le parquet général et les parquets. Certaines affaires n'intéressent absolument pas et n'intéresseront jamais l'administration centrale mais ont un intérêt local, soit qu'elles présentent un caractère de gravité spécial ou que la question à traiter est particulière, soit qu'elles donneront lieu à un procès sensible lors duquel un grand nombre de personnes devront être jugées. Cette information relève d'un dialogue quotidien et continu. Je demande ainsi très souvent aux substituts de contacter le parquet général pour discuter des affaires qu'ils peuvent avoir à gérer et, le cas échéant, pour partager une décision car il n'est pas toujours simple d'identifier la qualification pénale à retenir, l'orientation à donner ou le service d'enquête à saisir. Il est donc important qu'il y ait un dialogue constant et régulier entre les parquets de première instance et le parquet général, qui a un certain recul par rapport aux magistrats de première instance, soumis à davantage de pression.

Ensuite, il revient au procureur général de déterminer ce qu'il lui semble utile et important de communiquer à l'administration centrale, laquelle attend qu'on lui fasse remonter les questions qui présentent un intérêt juridique particulier, un intérêt national, ou qui vont faire débat. Mais je n'entre pas pour autant – je ne peux pas parler au nom de mes collègues – dans le détail de l'affaire en question. Ainsi, pour répondre à votre question, je ne suis pas du tout convaincue que la remontée d'informations doive se faire dès le déclenchement d'une enquête préliminaire. On peut très bien estimer qu'il faut laisser du temps au temps et qu'il est préférable d'attendre de voir la manière dont l'affaire va évoluer. Peut-être, à un moment donné, faudra-t-il faire remonter l'information, par exemple si des questions juridiques particulières sont soulevées ou si l'affaire va avoir un retentissement important. De fait, le ministre peut avoir besoin de cette information pour répondre – dans le cadre des questions au Gouvernement, par exemple – aux questions que les parlementaires lui posent sur la manière dont une affaire a été gérée, sur les raisons pour lesquelles telle décision a été prise ou non. Mais il est de la responsabilité du procureur général de déterminer le moment et le contenu de la remontée ainsi que le rythme auquel l'information est portée à la connaissance de l'administration centrale.

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