Intervention de Bruno Lasserre

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 16h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d'État :

Je le suis de manière générale, mais tout spécialement dans la réponse à cette question ! Cette modification n'est pas demandée. En tant que responsable du Conseil d'État, je serais évidemment à l'écoute s'il s'agissait d'une revendication de mes collègues et des membres de l'institution. Cela est presque une fierté de dire que nous sommes indépendants sans avoir besoin de l'écrire. D'ailleurs, les personnes extérieures le voient et le respectent. Nous avons le sentiment que nous n'avons pas besoin de nous draper derrière des garanties textuelles, si nous vivons, faisons percevoir et sentir cette indépendance par notre manière d'être et notre manière d'exercer notre métier. En interne, il n'existe pas de demandes tendant à la reconnaissance du statut de magistrat ou l'inscription dans les textes d'une telle garantie d'inamovibilité.

Enfin – il me semble que voici la meilleure réponse –, je voudrais vous lire ce qu'a écrit la Cour européenne des droits de l'homme, qui est une cour exigeante pour les États membres et qui garantit la Convention européenne des droits de l'homme. Elle s'est intéressée, comme vous le savez, à des pays comme la Hongrie, la Pologne ou d'autres encore, pays qui ne remplissent pas tous les critères de l'État de droit. Dans un arrêt Sacilor-Lormines c/ France du 9 novembre 2006, ainsi que dans un arrêt Kress c/ France du 7 juin 2001, la Cour écrit qu'elle a clairement reconnu que si l'inamovibilité des membres du Conseil d'État n'était pas prévue par les textes, elle se trouvait garantie en pratique, comme est assurée leur indépendance, par des usages anciens tels que la gestion du bureau par le Conseil d'État, sans ingérence extérieure, ou l'avancement à l'ancienneté, garant de l'autonomie tant à l'égard des autorités politiques qu'à l'égard des autorités du Conseil d'État elles-mêmes. Tel est notre brevet européen, qui est on ne peut plus clair. L'indépendance n'est pas seulement une question de texte, mais de comportement. C'est une conquête de tous les jours. Le Conseil d'État peut être fier d'avoir conquis cette indépendance, non pas de manière textuelle, mais de manière concrète. Voilà qui est unanimement reconnu.

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