En matière de cloisonnement, il nous faut distinguer deux choses. Des pare-feu, issus des textes, existent. Ainsi, les fonctions juridictionnelles et consultatives sont respectées, en toute indépendance l'une par rapport à l'autre. Un décret de 2008 a formalisé cette distinction ; il conduit aux pratiques suivantes. La première pratique, qui existait en coutume depuis la Libération, a été ainsi inscrite dans un texte : un membre du Conseil d'État qui a pris part à un avis sur un texte ne peut pas siéger en tant que juge si ce texte est contesté, ou même lorsque la légalité de ce texte est invoquée par voie d'exception à l'occasion d'un litige individuel. Voilà pour la dualité de fonction. Inversement, les membres du Conseil d'État qui statuent dans une formation de jugement ne peuvent pas avoir accès à l'avis quand il n'a pas été rendu public par le Conseil d'État, et donc ne peuvent pas s'inspirer de l'avis ou de ce que disent les travaux préparatoires à l'avis pour formaliser la décision à laquelle ils vont concourir. Enfin – je parle sous le contrôle de M. Combrexelle –, alors qu'autrefois, dans les formations de jugement les plus importantes, notamment pour les chambres réunies ou la section du contentieux, des représentants des sections administratives étaient obligatoirement présents, ce n'est plus le cas. Elles sont composées exclusivement de membres affectés à des fonctions juridictionnelles.
Votre question portait aussi sur les garanties concernant l'intégration de personnes, par exemple issues de l'administration active, préfets, ambassadeurs, directeurs d'hôpital, officiers généraux, ingénieurs, etc. La première garantie s'impose à tous les membres du Conseil d'État : nous avons une obligation de déclaration d'intérêts, qui doit être remplie dans les deux mois qui suivent l'entrée en fonction, et qui doit être renouvelée et actualisée à chaque changement d'affectation, d'attribution, etc. Surtout, la remise de cette déclaration d'intérêts s'accompagne d'un entretien déontologique avec le président de la section ou de la chambre, qui va lire la déclaration et commenter avec l'intéressé tous les problèmes potentiels que peut susciter l'exercice d'activités passées, encore en cours, ou même les activités exercées par le conjoint. C'est au cours de ce dialogue que nous réglons les cas où l'intéressé devra s'abstenir de siéger pour certaines affaires, aussi bien pour les formations consultatives que juridictionnelles. Si un doute existe, nous pouvons saisir le collège de déontologie, qui va émettre un avis et préciser les règles du jeu. Par exemple, l'habitude a été prise de ne pas affecter une personne issue du tour extérieur dans une chambre qui va juger les affaires du département ministériel dont il relève. En formation consultative, il ne pourra pas prendre part à une délibération concernant une direction qu'il a occupée. Tout est formalisé entre le président et l'intéressé et, si nécessaire, explicité par un avis du collège de déontologie. Ces pratiques sont mises en place et surveillées de manière extrêmement vigilante et attentive. Nous pourrons vous donner quelques exemples dans les réponses aux questions écrites. Le collège de déontologie a eu à régler toute une série de questions concrètes liées à l'intégration de nouveaux membres. Il en va de même si des membres du Conseil d'État sont membres d'une association ou d'un parti politique. Nous sommes attentifs au fait qu'ils ne puissent pas siéger en tant que juge ou conseiller sur une affaire qui pourrait faire suspecter leur impartialité. Voilà qui est vécu comme une vraie exigence, à laquelle la collectivité du Conseil d'État et le bureau sont particulièrement attentifs.