Je pense qu'il y a une confusion là encore entre deux statuts Les juristes assistants ne passent pas par l'ENM ; ils sont recrutés directement par les cours d'appel, après audition par un jury interne, sur contrat public.
Il ne faut pas confondre ces emplois avec les intégrations directes de juristes ou d'avocats dans la magistrature sans qu'ils aient eu à réussir un des concours d'entrée. Pour celles-ci la période de stage probatoire est parfois excessivement longue, tout comme les délais de traitement des candidatures par les cours d'appel puis par le ministère et la commission d'intégration (CAV).
La voie d'accès à l'ENM pour les étudiants mériterait d'être améliorée, au stade de la préparation des concours. Il faudrait aussi créer une voie unique d'accès dans la magistrature pour tous les professionnels en reconversion.
Le Collège de déontologie rend un rapport et dialogue avec le CSM. Il a le mérite d'exister et de pouvoir être consulté par un magistrat en cas de difficulté. Un membre du CSM pourrait mieux vous renseigner que moi sur son fonctionnement. Le CSM s'est nourri des observations des collèges de déontologie pour réactualiser son recueil des obligations déontologiques, notamment concernant le magistrat et les réseaux sociaux.
À l'époque du rapport Darrois, la volonté de réformer l'ENM reposait sur une dénonciation du corporatisme des juges. L'idée était de créer des écoles régionales qui auraient formé à la fois les juges et les avocats. L'ENM a souligné qu'elle n'était pas anti-avocats mais qu'un problème se posait du fait de l'écart entre le nombre de magistrats – 200 à 300 – et le nombre d'avocats formés chaque année – 2 000 à 3 000.
Le rapport Thiriez semblait sous-entendre que les juges ne connaissaient rien à l'État et qu'il fallait promouvoir une formation commune des hauts fonctionnaires et des magistrats pour favoriser la compréhension entre ces fonctions.
Ces prémisses étaient erronées. Le statut de la fonction publique s'applique au magistrat, mais la fonction de l'administrateur n'est pas de juger. Créer des formations initiales longues pour ces deux publics hétérogènes, saupoudrées de stages est en outre pédagogiquement contestable. Le risque était de faire de l'ENM un établissement public dépourvu de mission de formation dite initiale et occupé uniquement à gérer des stagiaires, et d'oublier que la réflexion des jeunes magistrats et leur stage dit de plein exercice dans un tribunal doit être préparée. La grande différence entre la haute fonction publique et la magistrature est en effet qu'un administrateur qui sort de l'ENA n'est pas, contrairement à un jeune juge, aux prises dès le premier jour avec la réalité de contentieux, de situations humaines, pour lesquelles il devra immédiatement prendre personnellement des décisions, sans pouvoir s'abriter ou se sécuriser auprès d'une hiérarchie, comme tout chef de bureau ou assimilé.
La formation de l'ENM n'est pas seulement une formation de culture générale ou de gestion du stress. C'est une école d'application, qui prépare à un métier, et doit garder sa spécificité. Aucun pays européen, de droit continental ou anglo-saxon, n'a fondu les écoles de police, de justice et d'administration pénitentiaire dans un même ensemble. Il ne s'agit ni des mêmes métiers ni des mêmes responsabilités ni des mêmes éthiques.
Nous avons donc vu quelques périls dans ce rapport, mais nous avons aussi proposé d'approfondir à l'ENM l'apprentissage de la difficulté de l'action administrative et de la conduite de l'État et de rendre obligatoire pour les auditeurs de justice un stage en préfecture. Tout cela risquerait toutefois de se faire au prix de la diminution de la durée d'autres stages importants.
Des temps de réflexion communs avec la haute fonction publique pourraient être également prévus à mi carrière ou au bout de dix ans. L'ENM pourrait aussi être une matrice de connaissances des fonctionnements judiciaires pour les hauts fonctionnaires.