C'est un honneur pour moi de m'exprimer devant vous dans le cadre de vos travaux sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire ; je préfère quant à moi parler d'autorité judiciaire.
En qualité de magistrate, ma carrière a été dédiée exclusivement au parquet, et j'ai exercé dans trois ressorts. J'ai effectué une mobilité de deux ans à la direction générale du Trésor, puis deux passages dans administration centrale du ministère de la Justice, à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) en qualité de jeune magistrate – j'étais alors affectée à la lutte contre la criminalité organisée – et à l'inspection générale de la justice. J'ai été procureure générale en Franche-Comté, en Anjou et enfin à Bordeaux. J'ai pris mes fonctions actuelles au mois de décembre 2018.
Je centrerai mon propos introductif sur le rôle, souvent questionné, de la direction des affaires criminelles et des grâces dans ses relations avec les magistrats du ministère public.
La direction compte 370 personnes, dont plus de 60 magistrats de l'ordre judiciaire, répartis entre Paris, Nanterre et Nantes.
Elle a quatre grandes missions : l'élaboration de la législation et de la réglementation en matière répressive ; la conduite des négociations européennes et internationales en matière répressive ; la préparation des instructions générales de politique pénale, leur coordination et leur évaluation ; la mise en œuvre des conventions internationales d'entraide judiciaire en matière pénale. La direction assure également le fonctionnement du casier judiciaire national et l'instruction des recours en grâce.
Dans l'exercice de chacune de ses missions, la DACG est en interaction et en dialogue constant avec les magistrats du ministère public, loin de la verticalité présupposée d'un point de vue extérieur.
Les circulaires d'application, qui déclinent à la fois la législation nationale et les règlements européens d'application directe, donnent lieu à de nombreux échanges avec les parquets généraux et les parquets. Dans le cadre de foires aux questions, notamment, nous répondons en permanence aux interrogations des magistrats du siège comme du parquet.
Le lien avec les magistrats du terrain s'établit également au travers de consultations. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s'est appuyée sur une consultation d'ampleur de l'ensemble des juridictions aux fins de recueillir leurs propositions de simplification de la procédure pénale, dont beaucoup ont été retenues.
Les échanges en matière législative prennent enfin la forme de remontées des procureurs généraux, transmises à l'initiative de ces derniers ou à notre demande, sur les difficultés d'application de telle ou telle disposition.
J'en viens à la mission d'élaboration de la politique pénale, dont les contours précis, l'utilité et le contenu sont souvent objet d'interrogations. Je ne m'attarderai pas sur le cadre constitutionnel et légal, qui attribue au garde des Sceaux la charge de déterminer et de conduire la politique pénale et d'en répondre devant le Parlement.