Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du mercredi 27 mai 2020 à 16h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice :

L'indépendance est vitale et ne doit jamais être considérée comme définitivement acquise. Tous les textes du monde peuvent la garantir, ce sont bien des hommes et des femmes – les magistrats – qui l'exercent.

Accordons-nous sur ce que le terme recouvre. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) apprécie à la fois l'indépendance externe et collective – vis-à-vis des autres pouvoirs, principalement l'exécutif – et l'indépendance interne et individuelle. Cette dernière me paraît tout aussi importante au quotidien. Lorsque j'ai remis les insignes de la grand-croix de la légion d'honneur à Pierre Truche – procureur général près la Cour de cassation, puis premier président de la Cour de cassation –, je lui ai demandé quel message je devais transmettre aux élèves de l'école nationale de la magistrature (ENM). Il m'a répondu : « Dites-leur de toujours se méfier de leurs propres dépendances. »

Pour atteindre l'impartialité – une notion tout aussi intéressante que celle d'indépendance – et porter un regard distancié sur les faits, le magistrat doit se départir de ses valeurs et de ses convictions, qui proviennent de son éducation, de son milieu, de sa formation. Ce n'est pas par la Constitution, des lois ou des décrets que l'on garantit cette indépendance, mais par une éthique et une formation.

D'autres éléments peuvent perturber l'indépendance de la justice, tel le travail collégial – en délibéré, dans une assemblée générale. Si le débat est source d'humilité et d'introspection, il peut conduire à se plier au groupe, par soumission ou démission. L'appartenance à une association ou à un syndicat peut aussi être une source d'influence. Enfin, l'impact médiatique prévisible d'une décision joue un rôle non négligeable quant à la manière d'aborder un dossier – heureux les magistrats dont les affaires n'intéressent pas les médias !

Juger n'est pas un don, c'est une tâche ardue. Les efforts de demain devront porter sur la déontologie, la formation. L'ENM, parfois discutée, est à cet égard très performante. Son directeur, Olivier Leurent, sait tirer vers le haut la formation de ces magistrats qui auront, selon la formule, à « rendre la justice au nom du peuple ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.