Je ne pense pas. En revanche, un problème fondamental se poserait s'il n'existait pas de règles protégeant les magistrats. À ce titre, les garanties constitutionnelles entourant les magistrats du siège – l'inamovibilité, les conditions de nomination – me paraissent protectrices de l'indépendance.
On pourrait toutefois ajuster les conditions de nomination des parquetiers, en mettant le droit en conformité avec la pratique. Depuis le départ de Rachida Dati, aucun ministre de la Justice ne s'est proclamé chef des procureurs. Les nominations sont souvent présentées comme la traduction de l'autorité hiérarchique du ministre sur le parquet, mais dans la pratique, elles sont le fruit de négociations entre le directeur des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), hors la vue du ministre. Pour ma part, j'ai nommé – après une « transparence » à date certaine – 800 parquetiers, en me conformant scrupuleusement à l'avis du CSM, suivant en cela mes prédécesseurs, hormis Rachida Dati qui a pu passer outre. Je suis convaincu que l'inscription dans la Constitution des conditions de nomination de ses membres renforcerait la solidité du parquet. J'ai proposé de relancer cette réforme consensuelle et attendue ; elle a été votée en 2016 par l'Assemblée nationale, avant que le Sénat ne fasse savoir qu'il ne l'adopterait pas.
Vous avez mené une mission d'information sur le secret de l'instruction, il s'agit d'un vaste chantier. La difficulté tient à la procédure que nous utilisons – accusatoire ou inquisitoire –, et il me semble vain d'espérer juguler les dysfonctionnements, dont j'ai été moi-même victime. Depuis les années 1990, on renforce, en toute bonne foi, les compétences du ministère public au détriment des droits de la défense, ce qui déséquilibre la procédure pénale. Il faut corriger cela et permettre aux parties d'être à armes égales.