L'indépendance et la confiance n'excluent pas le contrôle, et c'est bien la tâche du procureur général d'effectuer un « contrôle qualité ». La remontée des informations sur des affaires au procureur général est nécessaire. Les procureurs ont besoin de communiquer avec des collègues expérimentés et avec les parquets généraux, en dehors de leur propre parquet, de leur propre ressort, de leur propre ville. J'en ai fait l'expérience et je me suis trouvé très bien de ce regard extérieur. Le partage de l'information sur une affaire judiciaire est prévu par les textes, et c'est en général une garantie extraordinairement importante de la qualité et de la raison des décisions prises par les procureurs de la République dans les affaires judiciaires. L'information du procureur général ne va pas contre la liberté d'action du procureur, elle en conditionne la qualité et l'effectivité.
S'agissant du soutien de la hiérarchie, je pense que l'institution judiciaire n'a pas pris la mesure des agressions que les magistrats subissent dans l'exercice de leurs fonctions. J'ai moi-même été mis en cause judiciairement plusieurs fois, et encore aujourd'hui, pour des actes effectués dans le cadre de mes missions.
D'autre part, la presse est prise dans un maelström qu'elle ne parvient plus à maîtriser ; les journalistes et les organes de presse, courant désespérément après l'information, se laissent entraîner dans des procédés qui ne sont tout simplement pas acceptables. La communication des magistrats doit donc être professionnalisée mais le ministère de la Justice n'a pas pris conscience du problème, singulièrement lors d'une crise. Il faut, sans retard, assurer au procureur le recours à une personne ou même à une plateforme lui permettant de maîtriser sa communication avec compétence et immédiatement.
Je suis convaincu de l'utilité du travail en équipe. Toutes mes décisions sont issues d'un échange, au minimum avec le magistrat chargé du dossier et souvent, pour les dossiers les plus importants, avec bien d'autres collègues et aussi, je vous l'ai dit, avec le parquet général. Il me paraît nécessaire de systématiser cette pratique professionnelle ; cela ne relève pas de la loi.
Il faut évidemment apporter plus de garanties aux procureurs quand ils s'expriment sur les affaires en cours dans le cadre de l'article 11 du code de procédure pénale. À l'heure où tout est communication, la justice doit être transparente et montrer de quelle manière elle parvient le mieux possible à permettre la manifestation de la vérité. Mais il faudrait ne pas limiter la communication du procureur sur les affaires en cours à la rectification de fausses rumeurs ou d'erreurs déjà colportées par la presse, car quand on en est là, c'est déjà trop tard. Cela suppose qu'une équipe spécialisée lui permette de travailler de manière sûre.